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LOIS. LA LOI DIVINE POSITIVE


jugements d’aujourd’hui. De même que l’on découvre des êtres nouveaux, qu’on invente de nouveai x produits dans l’industrie, de nouveaux procédés de médecine, la société découvre des nouveautés morales qu’il s’agit de faire accepter. Il faudra alors se livrer à un travail, analogue à celui de la réclame qui f( ra entrer dans l’usage un nouveau sel. Le divorce était interdit, il est devenu licite ; l’homicide est défendu aujourd’hui, peut-être sera-t-il permis demain. Le juge, en face d’un criminel, ou réputé tel, n’a qu’à se prononcer sur des faits ou sur ce fait : quelle est la viabilité de cette idée de bien ? C’est, on le voit, la porte ouverte, d’une part à toutes les libertés, d’autre part à toutes les tyrannies.

M. Belot raisonne à peu près de la même façon, il écarte résolument du principe de la morale toute autorité et tout préjugé, et cela pour concilier l’autonomie de la conscience moderne avec la rigueur des exigences scientifiques. L’autorité, la tradition, l’habitude, l’impulsion instinctive ne sauraient être par elles-mêmes des principes de moralité. La morale n’est morale que si elle est fondée sur la vérité, une loi ne peut commander à la conscience que si elle exprime la vraie nature des choses. Est moral ce qui sert à une fin bonne, est immoral ce qui produit une fin mauvaise, ce que la conscience collective seule est capable de savoir. La moralité donc est un ensemble de règles imposées par chaque collectivité à ses membres en vue du bien présumé de la collectivité. Le moral est donc identique au social et c’est le social seul qui justifie et conditionne le moral. C’est une affaire d’éducation et d’habitude que de rendre efficace une régulation morale quelconque et non une affaire de doctrine.

On peut encore citer Le Dantec († 1917) qui, dans une vingtaine de volumes, développe un système d’évolution universelle soumise à la seule loi de l’assimilation chimique ; Solfier, pour qui la morale « est l’ensemble des règles d’action qui paraissent à la majorité d’une société donnée les plus conformes aux sentiments et aux idées que cette société a des hommes entre eux ». Morale et société, Paris, Alcan, 1912, p. 95.

En face de ces négations fondamentales, des auteurs catholiques, qui savent concilier leurs croyances avec les exigences de leur raison, disent qu’en toute loi spéculative ou pratique s’exprime la condition vraie et bonne d’un progrès de l’être qui a à la subir ou à y consentir : « La loi est donc à la fois la traduction tâtonnante d’un ordre virtuel, la prospection d’un idéal transcendant, la réalisation progressive d’une perfection immanente. Ainsi comprise, elle est à la fois raison, volonté fmpérative, amour. Si onéreux que puisse paraître le commandement, il est pour le bien de qui doit se soumettre : et l’hétéronomie la plus dure, la plus réelle, doit préparer le triomphe de l’autonomie véritable. » Maurice Llondel, Bulletin de la Société française de philosophie, Vocabulaire, p. 182, Colin, 1910. Voir Albert Valensin, Traité du droit naturel, p. 177.

IV. La loi divine positive.

Notion.

Ce que

nous avons dit de la certitude des premiers principes de la loi naturelle n’a pas rendu inutile une loi positive donnée aussi par Dieu : « Pour que les hommes, dit saint Augustin, ne pussent prétendre que la loi était incomplète, Dieu a écrit sur les tables de la loi ce que les hommes ne lisaient pas dans leurs cœurs. Assurément ces préceptes y étaient écrits, mais ils ne voulaient pas les y lire. Dieu les mit sous leurs yeux, pour qu’ils fussent contraints de les voir dans leur conscience ; et la voix de Dieu s’approchant en quelque sorte d’eux extérieurement, les hommes furent comme refoulés dans leur intérieur. » In Ps. LVii, 1, P. L., t. xxxvi, col. 675.

Il faut entendre par loi divine positive celle que Dieu de sa libre volonté a donné : 1 aux hommes par une promulgation extérieure. Dans l’état actuel de l’homme, cette promulgation a été faite par une révélation surnaturelle dont on prouve l’existence dans l’apologétique. Voir ce mot, t. i, col. 1511 ; nous n’avons à parler ici que des vérités révélées qui doivent servir à la direction de la vie.

Ce terme positif s’oppose, si l’on veut, au mot naturel, mais non dans ce sens qu’il n’y aurait pas de préceptes négatifs dans les lois positives et que le droit naturel serait seulement négatif ou qu’il consisterait en quelque chose de vague, d’indécis, de conjectural, qu’il a fallu confirmer par les précisions du droit positif.

Nécessité.

1. Étant donné que l’homme devait

être élevé à un état surnaturel, les lumières de sa raison, et par conséquent de la loi naturelle, étaient insuffisantes pour le diriger ; il fallait que Dieu lui-même lui traçât une ligne de conduite par des préceptes positifs.

2. Même dans l’ordre simplement naturel, une loi positive était encore nécessaire ou du moins très utile pour suppléer à l’insuffisance des autres lois : a) En morale, où il faut toujours s’opposer aux passions humaines, aucun doute ne doit exister sur les obligations principales. Or, sitôt que l’on s’éloigne des premiers principes, qu’on arrive aux choses contingentes, les jugments humains sont différents, une loi faite par Dieu est seule capable de s’imposer. — b) Les actes intérieurs mêmes doivent être soumis à la loi pour que l’homme soit réglé dans tous ses actes comme il doit l’être. Or la loi humaine est impuissante, elle ne peut juger que des actes extérieurs que seule par conséquent, elle peut commander. — c) Rien ne doit échapper à l’ordre voulu de Dieu ; -or la loi humaine ne peut punir ou empêcher tout ce qui est mal ; en voulant faire disparaître tout le mal, elle arrêterait le bien, le bien public ne pourrait se produire, etc.

Saint Thomas résume bien ces pensées quand il dit en commentant le ps. xviii : Lex Domini immaculata, id est nullam peccati turpitudinem permittens ; converter.s animas quia non solum exleriores actus, sed etiam interiores dirigit ; testimonium Domini fidèle, propler certitudinem veritatis et rectiiudinis ; sapientiam præstans parvulis, inquantum ordinat hominem ad supernaturalem finem et divinum. Ia-IP 6, q. xa, a. 4.

Existence.

Dieu a précisé en trois circonstances

ces préceptes du droit naturel :

1. La loi primitive qui d’abord, dans le paradis terrestre, détermine les conditions du travail et du repos : ut operaretur…, requievit die septimo ; l’égalité de l’homme et de la femme, hoc nunc os ex ossibus meis ; les obligations de la famille, crescite et multiplicamini. Ces obligations sont renouvelées à Noé après le déluge, Dieu ajoute la défense de manger les viandes étouffées : « Vous ne mangerez pas la chair avec le sang, Gen., ix ; il prescrit la circoncision à Abraham, etc.

2. La loi mosaïque, donnée aux Hébreux sur le mont Sinaï pour promulguer le Décalogue, promulguer les préceptes moraux, liturgiques, judiciaires qu’Israël devait observer au désert, dans la terre promise, jusqu’à la venue du Messie. Elle pose comme fondement de tous les autres le précepte de l’amour de Dieu et du prochain : Diliges Dominum…, Deut., vi, 5 ; Diliges amicum sicut leipsum, Levit., xix, 18 ; elle défend les péchés intérieurs : Non concupisces domum proximi tui, etc., Ex., xx, 17 ; exige une sainteté intérieure : Sancti estote, quia ego sanctus sum, Levit., XI, 44. Les promesses et les menaces qui servaient de sanction étaient le plus souvent d’ordre temporel.