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LAXISME. HISTOIRE DE LA QUERELLE DU LAXISME


qu’aient été les intentions profondes de Jansénius ; semblablement les soixante-cinq thèses condamnées par Innocent XI sont à prendre telles quelles, quoi qu’il en soit des intentions des casuistes qui les ont avancées, des circonstances atténuantes qu’on peut invoquer en faveur de ceux-ci, des influences mêmes qui auraient pesé sur la rédaction du document officiel. Au « modernisme moral » qui ne laissait pas d’être inquiétant en ce milieu du xviie siècle, Rome signifiait délibérément son congé.

2. Le texte de la censure.

A vrai dire l’acte, du 2 mars 1679 n’est pas un acte personnel du souverain pontife, c’est néanmoins une des expressions les plus solennelles du magistère ecclésiastique ordinaire. En présence du pape et par son ordre, le Saint-Office condamnait soixante-cinq propositions relatives à la morale. Cette liste est précédée d’un court préambule, qui rappelle l’acte analogue accompli par Alexandre VII, dont celui-ci se présente comme la continuation. Le pape a soumis à l’examen de plusieurs théologiens et aux membres du Saint-Office un certain nombre de propositions extraites de divers livres ou thèses, dont quelques-unes sont tout à fait nouvelles. « Après mûre discussion, après avoir entendu les vola des cardinaux et des théologiens, et avoir bien pesé toutes choses, le pape statue et décrète que les propositions suivantes et chacune d’entre elles, comme elles sont ci-dessus couchées, doivent être condamnées et prohibées tout au moins comme scandaleuses et pernicieuses dans la pratique, comme Sa Sainteté en effet les prohibe et les condamne. Quant aux autres propositions qui ne sont point exprimées ici mais qui ont pu être signalées ou pourront l’être à Sa Sainteté, on n’en tend nullement les approuver par le fait même. » (On a vu par un texte cité plus haut, col. 55, que cette précaution n’était pas inutile). La liste des propositions censurées se termine par une sanction contre ceux qui, de quelque condition, état ou dignité qu’ils fussent, se permettraient de défendre, en bloc ou en détail, l’une ou l’autre de ces maximes, d’en traiter en public ou en particulier, d’en prêcher, sauf pour les attaquer. Les contrevenants seraient frappés d’une excommunication lalse sententise réservée au pape. Ceci pour l’enseignement théorique. En même temps l’acte officiel interdisait à tous les chrétiens, en vertu de la sainte obéissance, de mettre en pratique les susdites directives. Il se terminait par un appel à la charité spécialement adressé aux théologiens. Le Saint-Père leur commandait au nom de la sainte obéissance, de s’abstenir dans leurs livres, leurs thèses, leurs prédications, de toute censure proprement dite, de toute récrimination injurieuse, contre les propositions encore librement controversées entre catholiques, jusqu’.i ce qu’un jugement eût été porté par le Saint-Siège sur ces propositions.

Apii s la longue étude que nous venons de faire, il serait fastidieux de relever pour chacune des propositions les censures antérieures, d’un ordre plus ou moins élevé, dont elle avail déjà été frappée. Comme on l’a déjà fait remarquer, les censures de l.ouvain ont été abondamment utilisées, mais il y aurait lieu de tenir compte des censures de Sorbonne et des divers actes du cle/gé de France ; il pourrait même être assez. piquant de signaler les passages des ProvtneieSa qui visent plusieurs des textes censurés. Nous ne rechercherons pus non plus la source première d’où sont dérivées les propositions incriminées. Étant donnée

l’habitude qu’eurent de trèl lionne heure les casuistes de se piller les uns les autres, ce travail luinut ieu risquerait de laisser bien des mécomptes. Amadssul Gulmenius n’avait pas complètement tort quand il recherchait fort avant dans le passé des parrains aux thèses les plus risquées de la casuistique. L’acte

pontifical du 2 mars 1679, en s’abstenant de mettre en cause aucune personne, en n’incriminant aucune famille religieuse, a rendu le plus grand service à la morale chrétienne. Il a remis la question du laxisme sur son véritable terrain.

Ces remarques faites, qui ont leur intérêt, voici la série des propositions condamnées par le Saint-Office. Le texte latin d’après Duplessis d’Argentré, t. mb, p. 348-351, collationné avec celui de Viva, Damnatarum thesium theologica trutina, édit. de 1711. Viva a cherché à préciser les sources on ont puisé les rédacteurs de la liste pontificale. Mais ses renseignements sont souvent incomplets et parfois inexacts. Le texte aussi dans Denzinger-Bannwart, n. 11511216.

1. Non est illicitum in sacramentis conferendis sequi opinionem probabilem de valore sacramenti, relicta tutiore, nisi id vetet lex, conventio aut pericuîum gravis damni incurrendi. Hinc sententia probabile tantum utendum non est in collatione baptismi, ordinis sacerdotalis aut episcopalis.

2. Probabiliter existimo, judicem posse judicare juxta opinionem etiam minus probabilem.

3. Generatim dum probabilitate sive intrinseca, sive extrinseca quantumvis tenui, modo a probabilitatis finibus non exeatur, confisi aliquid agimus, semper prudenter agimus.

4. Ab infidelitate excusabitur infidelis non credens, ductus opinionc minus probabili.

Il n’est pas interdit, dans l’administration des sacrements, de suivre l’opinion moins probable sur la valeur du sacrement, en laissant la plus sûre, sauf si cela est interdit par la loi, une convention, ou qu’il n’y ait péril de faire courir un très grave dommage. Ainsi n’est-il pas permis d’user d’une opinion seulement probable dans la collation du baptême et de l’ordination sacerdotale ou épiscopale.

J’estime probable qu’un juge peut juger suivant une opinion même moins probable.

En général, quand nous agissons en nous fiant à une probabilité soit intrinsèque soit extrinsèque, si faible qu’elle soit, pourvu qu’elle reste dans les limites de la probabilité, nous agissons toujours prudemment.

L’infidèle est excusé du péché d’infidélité, qui ne croit pas, conduit qu’il est par une opinion moins probable.

Ces propositions, qui doivent être soigneusement discutées, si l’on veut établir le sens de la condamnation, seront étudiées plus utilement à l’art. Probabilisme. Qu’il suffise de remarquer ici que leur condamnation a pour but de contenir dans une juste limite l’usage de la doctrine de la probabilité. Il y a intérêt à les rapprocher des propositions 6, 35, 44, qui s’expriment sur certains cas particuliers de cette théorie. On notera enfin que, tout en étant sévère à l’endroit du probabilisine. la sentence romaine de 1679 l’est beaucoup moins que l’Assemblée du clergé de France de 1 7<>(t.

.">. An peccet mortaliter, qui actum dilectionis Dei semel tantum in vita cliccrel, condemnare non audemus.

6. Probabile est ne alngulis quldem rigorose quinquenniis per se obllgare DTB ceptumeharitatiserga Henni.

7. Tune solum obligat, quando teni mur iustifirari,

et non habeinns aliniu i : mi qiin justifleari possumu simus, Viva).

Celui-là pèche-t-il mortellement qui ne ferait un acte d’amour de Dieu qu’une fois dans sa vie, nous n’osons pas le définir.

Il est probable que le précepte de la charité envers Dieu n’oblige même pas par loi.i la rigueur tous les cinq ans.

Il oblige seulement quand nous Minimes tenus de nous mettre en état de grâce cl ipic nous n’avons pas d’autre moyen pour le faire.

Ces trois propositions sont à rapproche ! de la

première condamnée par Alexandre II. Sur l’obli