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861 LOCKE. SYSTÈME DE PHILOS. RELIGIEUSE : DOMAINE DU SURNATUREL 862

il est soumis en qualité d’homme, lui découvrait en même temps le moyen d’apaiser l’auteur de son être lorsqu’il avait transgressé cette loi. De sorte que quiconque se servait de ce rayon de lumière jusqu’à découvrir ses devoirsne pouvait manquer de trouver aussi le moyen de se réconcilier avec l’Être souverain, lorsqu’il venait à s’écarter de son devoir. D’autre part, s’il n’employait pas la raison à cet usage et qu’il vînt à étouffer ou à négliger cette lumière, peut-être n’avait-il plus d’autre ressource, c. xiv.

Au total, Locke conserve la terminologie reçue de la théologie protestante, en la mettant au service de son système de religion naturelle.

2. Problème du Christ et de son rôle.

Bien que la doctrine de la justification soit l’objet principal de ce traité, Locke touche, chemin faisant, la question du Christ et de son rôle.

Si la lumière naturelle pouvait suffire, pourquoi Dieu a-t-il envoyé le Messie ? Tout d’abord pour répandre la connaissance du seul vrai Dieu dans le monde. Car, bien que la raison ait parlé assez clairement aux hommes intelligents et vertueux, elle n’a jamais eu assez d’autorité pour prévaloir sur l’esprit de la multitude. Depuis la venue du Messie la croyance en un seul Dieu a prévalu et s’est répandue sur la terre.

Un autre avantage que nous devons à l’arrivée du Messie, c’est de connaître plus clairement nos devoirs. Autrefois, prêtres et philosophes se partageaient la besogne : les premiers s’attachaient à apaiser les dieux par des cérémonies, les autres faisaient connaître au peuple Dieu et la vertu. Sacerdos, dans Lord King, t. ii, p. 82 sq. Mais les prêtres faisaient croire au peuple que sacrifices expiatoires et autres cérémonies étaient suffisants pour contenter les dieux. Les philosophes insistaient bien sur les principes de la morale. Cependant, à voir le peu de résultat obtenu dans cette matière, on devrait dire que c’est une entreprise qui passe les forces de la raison que de bâtir un système complet de morale. Du moins est-il certain qu’à l’égard du simple peuple il serait plus sûr et plus court qu’une personne envoyée de la part de Dieu et qui eût des preuves sensibles de la vérité de sa mission int ; i eux en qualité de roi et de législateur. Le grand progrès réalisé par la morale depuis l’avènement du christianisme est précisément dû aux vérités dont la révélation est venue l’enrichir, ’i quoique ces vérités soient d’une nature telle que, dès qu’on les entend et qu’on les examine, on les trouve si conformes à la raison qu’on ne saurait les contredire », c. xiv.

C’est ainsi que la « morale devient une règle infaillible que la révélation autorise et que la raison ne Murait détruire ni rendre suspecte : tout es deux conspirent, au contraire, à témoigner qu’elle vient de Dieu, le souverain législateur. »

Enfin, la venue du Messie offre encore cet avantage que Jésus-Christ a rendu le culte plus simple, spirituel il conforme a sa nature, qu’il a facilité la pratique de la vertu par la perspective d’une vie Immortelle et qu’il nous a promis le secours du Saint-Esprit.

En somme, Locke ne s’intéresse ni a la personne même du Christ ni a sa mission religieuse ; il se contente d’analyser son influence et son rôle dans l’ordre moral. Cette christologie sommaire est complétée par un passage dis Iduersaria (heologica. 1, ocke v range sur deux colonnes les arguments favorables a la divinité du ( IinnI et ceux qui la contredisent. Il ne lire lui-même aucune conclusion ; mais on constate sans peine que son christ n’< A pas véritablement Dieu, il n’eal qu’un être divin Introduit par Dieu dans le monde

pour arracher les hommes a l’anéanti sèment. Sa divi Dite <st uniquement fondée sur sa naissance miracu-Voir Milhac, Essai sur les Idées religieuses de s sq.

3. Eschatologie.

Dans un fragment intitulé Resurrectio et quæ sequuntur, Locke expose longuement sa conception eschatologique. Commentant I Cor., xv, il parle d’abord de la résurrection des justes qui porteront l’image de l’Adam céleste et qui passeront à l’état de l’incorruptibilité. Quant aux méchants, ils seront jetés dans un enfer, mais leur tourment n’est pas sans fin. Locke s’étonne qu’on ait donné au mot mort qui caractérise leur état final le sens d’une éternité de tourments ; c’est dans le sens littéral d’une mort définitive, d’un anéantissement qu’il faut l’entendre. Voir Lord King, M iscellaneous papers : Resurrectio et quæ sequuntur ; voir aussi la Seconde réplique à l’évêque de Worcester, Œuvres, t. iii, p. 491 sq. Locke est un des premiers témoins du système conditionaliste assez répandu chez les protestants actuels.

3° Application pratique : la tolérance. — De toutes les préoccupations de Locke nulle autre ne lui tenait plus à cœur que le problème de la tolérance. Problème religieux et politique tout à la fois, il était à l’ordre du jour en un moment où l’Angleterre se débattait en pleine guerre religieuse. La solution de Locke ne présente guère d’autre originalité que d’être la conclusion pratique de son système

L’état de nature assurant à chaque homme une parfaite indépendance, chacun a droit à la liberté dans la mesure où le permettent les droits des autres. Telle est, pour Locke, la base philosophique de toute tolérance

Si Locke est toujours resté fidèle à ce principe, il a changé d’idée quant à sa réalisation. Son rêve avait tout d’abord été l’union des diverses sectes dans une seule Église d’État avec des cadres assez larges pour les embrasser toutes, qui leur imposerait l’entente cordiale et garantirait par force la liberté de conscience. Mais il dut se convaincre que l’intervention de l’État en matière religieuse, loin d’assurer l’union, menaçait plutôt de la troubler. Alors il crut devoir recourir à la séparation des Églises et de l’État. Cette doctrine se trouve exposée dans différents écrits, tels que Sacerdos, Essay conccrniiKj toleration, Constitution of Carolina, On the différence belween civil and ecclesiastical power, indorsed excommunication, A dejence of non-conformitj ; elle a trouvé son expression la plus complète dans sa première Epistola de tolerantia.

L’esprit de charité étant une marque caractéristique du vrai chrétien, quiconque, d’après Locke, s’emploierait à propager la foi chrétienne au moyen de la contrainte ou de la persécution, renierait par le fait même un principe fondamental du christianisme.

Le pouvoir de l’État se réduit à mettre en sûreté et à conserver à chacun les biens matériels. Il ne doit ni ne peut s’étendre au salut des âmes, et cela parce que ni Dieu ni les hommes ne l’ont donné aux magistrats, vu que la contrainte, en laquelle consiste toute leur action, n’est pas de mise en matière religieuse et qu’il serait indigne de Dieu de faire dépendre le sort éternel des hommes de la doctrine que professe accidentellement le chef de l’État.

I I.élise de son côté a pour unique but de s’occuper du culte public quc les hommes jugent à propos de rendre à Dieu. Elle est une société essentiellement libre et volontaire. Rien de plus absurde que délie lié à une secte par sa naissance. Chacun a le droit de choisir librement l’Église qui lui convient et d’en sortir à son gré.

Le pouvoir législatif que possède l’Église comme toute société ne requiert pas une hiérarchie. Les seules sanctions admises sont les conseils et avertissements el. s’ils sont inutiles, l’excomuiunical ion. 1.es mmist res du culte n’ont pas le droit d exercer une contrainte sur leurs fidèles, sous prétexte qu’ils négligent le salut de leur ftme. Au total, il faut abandonner à la COD science de i liacun tout ce qui concerne son salut.