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851 LOCKE. SYSTÈME DE PHILOS. RELIGIEUSE : DOMAINE DU NATI REL 352

ébauché dans sa jeunesse, voir The jundamental constitutions jor the government oj Curolina (1669), et l’article Errqr, système d’après lequel la foi en la messianité de.Jésus-Christ ainsi que la repentance et la résolution de vivre saintement suffiraient pour assurer à tout homme son salut. Ce nouvel écrit exerça une grande influence sur la pensée de Voltaire, qui s’est déclaré lui-même un grand admirateur de Locke, « le seul métaphysicien raisonnable ». A ces grands ouvrages, qui contiennent l’essentiel du système de philosophie religieuse de Locke, il faut ajouter deux publications posthumes : un examen critique de la doctrine de Malebranche, An examination oj P. Malebranche’s opinion of seeing ail things in God (1693), ainsi que les Remarks upon some Mr Norris’s books (1693), où Locke dévoile le défaut fondamental de la doctrine de la vision en Dieu. Un autre petit traité, Oj the conduct of the Underslanding (1697), est un complément de l’Essai sur l’entendement humain. — A Discourse of miracles (1703), où il analyse la notion du miracle en tant qu’il peut servir de témoignage à l’origine divine de la Révélation, ofïre un intérêt plus particulier pour le théologien. Ajoutons encore, pour compléter cet aperçu des œuvres religieuses de Locke, A paraphrase and Notes on the Epistles o St Paul (1703) ainsi qu’une Fourth Letter concerning toleralion, qui est restée fragmentaire.

De sa correspondance, il faut surtout consulter ses Lettres à Molyneux, dans lesquelles il reprend l’explication de certains passages de l’Essai sur l’entendement humain, celles à Limborch avec lequel il s’entretient des problèmes concernant la tolérance, ainsi que celles à Richard King où des questions religieuses se trouvent discutées.

On peut dire que les écrits de Locke, tout en étant dictés par les circonstances, trahissent une doctrine qui, pour donner quelquefois l’impression du décousu, ne possède pas moins l’unité d’un système. C’est ce qui. ressort déjà de ses propres déclarations. Dans son Essai, il parle de son système comme d’un f bâtiment uniforme et dont toutes les parties sont jointes ensemble ». Et il ajoute : « Si l’on montre en le minant que c’est un château bâti en l’air, je ferai du moins en sorte qu’il soit tout d’une pièce et qu’il ne puisse être enlevé que tout à la fois. » Essai, t. I, c. iii, § 25.

De ce système il nous reste à dégager les principaux traits.

III. Système de philosophie religieuse : domaine du naturel. — 1° Caractéristique générale. — D’après la classification assez artificielle qui distribue les philosophes du xviie siècle en rationalistes et empiristes, Locke est communément rangé parmi ces derniers. Cependant, la complexité de la pensée philosophique à cette époque ne saurait s’accommoder d’un cadre aussi étroit et, pour le cas particulier de Locke, les discussions qui s'élèvent entre ses interprètes en fournissent la meilleure preuve.

Déroutés par le prétendu empirisme absolu qu’on lui impute, les uns n’ont pas manqué de se voir bientôt en face de tels « abîmes de paralogismes et d’innombrables inconséquences », qu’ils ont cru devoir renoncer à tenter plus longtemps « de saisir une pensée qui nous ' fuit et se fuit éternellement elle-même ». Cousin, La philosophie de Locke, Paris, 1876, p. 259, p. 108. Voir aussi Lyon, L’idéalisme en Angleterre, 1888 ; Manly, Contradictions in Locke’s theory oj knowledge, Leipzig, 1885. D’autres, frappés par le rationalisme incontestable qui traverse tout le système de Locke, mais considérant ce rationalisme comme un élément d’emprunt, se sont mis à la recherche de l’influence que notre philosophe aurait subie. D’où longues discussions sur les rapports de Locke avec Descartes, voir de Fries, Die Substanzenlehre Lockes mit Bezie hung au/ die cartesianische Philosophie krilisch entwickelt und untersuchl, Brème, 1879 ; Sommer, Lockes Vcrhâltnis : u Descartes, Berlin, 1887 ; Geil, Ueber die Abhangigkeil Lockes von Descaries, Strasbourg, et l’appréciation de ces derniers par Benno Erdmann, dans Archiv jiïr Geschichle der Philosophie, t. ii, p. 99 sq., — ou avec l'école platonicienne des théologiens de Cambridge, voir Hertling, J. Locke und die Schule von Cambridge, Fribourg, 1892. Mais ces rapprochements, si suggestifs soient-ils, n’ont guère contribué à faire ressortir la cohérence intime du système du philosophe anglais. Du reste, celui-ci déclare ouvertement qu’il doit bien à Descartes sa première délivrance du jargon inintelligible de l'École, mais qu’il ne voudrait pas que ses erreurs ou imperfections fussent imputées à ce maître, puisque ce n’est pas de lui, mais seulement de ses propres pensées, qu’il a tiré son Essai sur l’entendement.Voir Lettre à l'évêque de Worcester. Œuvres, t. i, p. 369, Londres, 1759.

Récemment, on a attiré l’attention sur l’influence considérable que la philosophie scolastique a dû exercer sur la pensée de Locke. Voir W. Kuppers, John Locke und die Scholastik, Berlin, 1895 et Edouard Krakowski, Les sources médiévales de la philosophie de Locke, Paris, 1915.

Il paraît plus exact de voir dans le système de Locke une synthèse de rationalisme chrétien et d’empirisme, analogue à des synthèses franciscaines de même type et de même inspiration au Moyen Age, qui est due à la survivance de l’augustinisme et au prestige des méthodes d’expérience qui allait grandissant depuis que les conquêtes scientifiques dévoilaient, l’un après l’autre, les secrets de la nature.

Les rayons lumineux par où Dieu se manifeste aux hommes semblaient de plus en plus venir des choses d’expérience, alors que la conception traditionnelle en philosophie et en théologie, qui ne s’alimentait pas aux données scientifiques, croyait à une illumination directe du Ciel. Ce sont les représentants de cette dernière que Locke a en vue en parlant des « partisans des idées innées », selon lesquels Dieu ou la « nature » aurait gravé dans l’esprit humain des vérités toutes faites, qui lui seraient « communiquées d’une manière aussi nécessaire et aussi réelle qu’aucune des facultés inhérentes qui se rencontrent dans tous les hommes. Essai, t. I, c. i, p. 2, trad. franc, par Coste que nous citons ordinairement. Et c’est encore la même attitude qu’il rencontre parmi les théologiens sous la forme de « l’enthousiasme », qui consistait à se vanter de révélations particulières en refusant de les soumettre à une vérification rationnelle. Voir Essai, t. IV,

C. XIX.

Aux yeux de Locke, c'était méconnaître le véritable rôle de la raison et en déprécier la valeur, ce qui ne pouvait manquer d’entraîner des conséquences funestes. Non seulement cette théorie rendait la pensée confuse et le langage indécis et favorisait ces discussions interminables qui divisaient les esprits, mais encore elle menaçait la religion et la morale en leur base, en les soustrayant à tout contrôle rationnel, et déchaînait un mysticisme qui ne pouvait que multiplier les sectes déjà trop nombreuses.

C’est à ce double danger que Locke voulut faire face par sa propre théorie de la connaissance au moyen de laquelle il se proposa de rendre justice tout à la fois à la raison en lui restituant son véritable rôle et à l’expérience, dont les conquêtes scientifiques ne cessaient de proclamer l’importance.

Comme pour tout rationalisme chrétien, c’est bien Dieu qui est, chez Locke, la source de toute connaissance naturelle. Seulement, au lieu d’infuser à l’homme des vérités toutes faites, il lui a donné avec la raison la faculté de les chercher et de les trouver. La raison