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839 LITURGIE. LES HÉRÉTIQUES ET LES ALTÉRATIONS DE LA LITURGIE 840

papes pour établir l’unité au moins dans les formules essentielles :

Ordincm quoque precum in celebritate missarum multo nos tempore, nulla festivitate significamus habere diversuin ; sed semper eodem tenore oblata Deo muncra consccrare. Quoties vero paschatis aut ascensionis Domini, vel pentccostes, et epiphaniæ sanctorumque Dei fuerit agenda festivitas, singula capitula diebus apta subjungimus, quibus commemorationem sanctae solemnitatis aut eorum facimus, quorum natalitia celebramus ; cetera vero ordine consueto prosequimur. Quapropter et ipsius canonicae précis textum (le canon) direximus subter adjectum, quem Deo propitio ex apostolica traditione suscepimus. Et ut cari tas tua cognoscat, quibus locis aliqua festivitatibus apta connectimus, paschalis diei preces simul adjecimus. Collectio eanonum Ecclesix Hispanie ex probalissimis ac pervetnslis codicibus nunc primum in luccm édita, Madrid, 1808 ; Epislolæ dccretales ac reseripta romanorum pontificum, Madrid, 1821, p. 155.

Il faut y joindre les can. 4 et 5 du I er concile de Braga, en 563, loc. cit., p. 603.

Les textes de saint Augustin, du De vocatione genlium, et celui surtout de saint Célestin.que nous avons cités plus haut, complètent cette démonstration. Voir col. 823.

La lettre d’Innocent I er à Décentius d’Eugubium, n’est pas moins décisive. Il faudrait la citer tout entière ; nous en donnerons au moins les passages principaux car ils montrent bien quelles étaient à cette époque les intentions des papes :

Si instituta ccclesiastica, ut sunt a beatis apostolis tradita, intégra vellent servare Domini sacerdotes, nulla diversitas, nulla varietas in ipsis ordinibus et consecrationibus haberetur. Sed dum unusquisque non quod traditum est, sed quod sibi visum fuerit, hoc œstimat esse tenendum, inde diversa in diversis locis vel ecclesiis aut teneri, aut celebrari videntur ; ac fit scandalum populis, etc. Quis enim nesciat aut non advertat, id quod a principe apostolorum Petro Romana ? Ecclesise traditum est, ac nunc usque custoditur, ab omnibus debere servari ; nec superduci aut introduci aliquid, quod auctoritatem non habeat, aut aliunde accipere videatur exemplum ? praasertim cum sit manifestum, in oranera Italiam, Gallias, Hispanias, Africain atque Siciliam, et insulas interjacentes, nullum instituisse Ecclesias, nisi eos quos venerabilis apostolus Petrus aut ejus successores constitueront sacerdotes.

Il faut donc que toutes ces églises gardent les règles et les usages de l’église fondatrice. En conséquence, le pape engage l’évêque d’Eugubium à se conformer pour la liturgie à l’église de Rome. Il entre dans le détail. L’évêque donne la paix avant les mystères, (ce qui est la coutume gallicane et orientale) ; elle doit être donnée après, comme dans la liturgie romaine. Mêmes observations pour la lecture des diptyques, pour la confirmation, de coiisignandis in/antibus, pour le jeûne du samedi ; pour le fermentum, etc. P. L., t. xx, col. 551sq.

Cette lettre qui demanderait de longs commentaires, n’est apportée ici qu’en confirmation de ce fait, que l’Église, et en particulier l’Église romaine, -se reconnaît le droit d’exercer son magistère sur les choses de la liturgie.

Ce magistère est, on peut le dire, une nécessité, sans cela la liturgie serait vite menacée d’anarchie, chacun corrigeant, abrégeant ou modifiant selon son caprice. On l’a vu en Gaule, au vrne et au ix° siècles, et il fallut l’intervention de Pépin et de Charlemagne pour rétablir l’ordre et l’unité ; on l’a vu au xive et auxve siècles pour la liturgie romaine, où le concile de Trente et les papes eurent à corriger et à réformer les livres romains ; on l’a vu plus encore dans la France du xviiie et du xixe siècles ; et enfin, on peut le constater, aujourd’hui même, chez les anglicans et dans les pays protestants où aucune autorité ne peut s’imposer pour régler les divergences liturgiques.

Nous avons constaté pour la liturgie mozarabe et

pour la liturgie gallicane l’intervention des papes au xi° siècle. Nous ne pousserons pas plus loin cette histoire. Les papes et les conciles continuèrent à intervenir pour régler certaines questions. On en verra le détail dans Schoulza, op. cit., voir ci-dessus col. 790. La liturgie romaine une fois établie en Gaule et dans les autres pays, on peut dire que le Saint-Siège, à partir du xi° siècle surtout, laissa aux Églises la plus grande liberté. Les papes semblent avoir pris pour règle la réponse de saint Grégoire I e7 à saint Augustin de Cantorbéry qui s’étonne de constater des différences entre les usages romains et ceux des Églises des Gaules :

Novit fraternitas tua, dit le pape, Romanae Ecclesiae consuetudinem, in qua se meminit nutritam. Sed mihi placet, sive in Romana, sive in Galliarum, seu in qualibet Ecclesia, aliquid invenisti quod plus omnipotenti Deo possit placere, sollicite eligas, et in Anglorum Ecclesia, quae adhuc ad fidem nova est, institutione præcipua, quae de multis ecclesiis colligere potuisti, infundas. Non enim pro locis res, sed pro bonis rébus loca amanda sunt. Ex singulis ergo quibusque ecclesiis quae pia, quae religiosa, quae recta sunt, elige ; et hœc quasi in fasciculum collecta, apud Anglorum mentes in consuetudinem depone. Epist., xi, 56, dans Bède, Hisl. eccles., l. I, c. xxvii, P. L., t. xcv, cdI. 58,

L’authenticité de cette lettre a été quelquîfois contestée, mais sur des arguments trop fragiles. Cf. Mommsen, Neues Archiv., t. xvii, p. 390-395 ; Grisar, Ciuiltà cattolica, 1892, t. ii, p. 46 ; B. Hartmann, Monum. Germ. Histor., Epistolie S. Gregorii, t. ii, p. 331.

Aussi les églises et les monastères du xie au xvie siècle usèrent-ils de cette liberté, et parfois en abusèrent, et créèrent, tout autour de la liturgie romaine, un ensemble de coutumes, de cérémonies, de fêtes et d’usages qui rendent si intéressante l’étude de ces liturgies locales du ixe au xvie siècle.

Durant la controverse sur l’autorité des liturgies néogallicanes toutes ces questions du droit des évoques sur la liturgie et du magistère de l’Église de Rome furent discutées et traitées à fond, surtout par dom Guéranger.

IX. Les hérétiques et les altérations de la liturgie. — On peut donner une autre preuve de l’importance dogmatique de la liturgie, c’est que la plupart des hérétiques commencèrent par l’altérer pour la rendre conforme à leurs erreurs et que l’Église fut obligée de condamner ces efforts. Ce paragraphe est donc un complément du précédent en ce qu’il montre le magistère de l’Église s’exerçant contre ces entreprises.

C’est ce que Bona résume en ces termes : Seclariorum hoc proprium fuit ut, cum a fi.de deficerent, libros quoque rituales vel suis erroribus inficerent, vel privala auctoritate immutarent. Quid ausi sint in hoc génère gnoslici, adamitæ, peputiani et alia hujusmodi monstra turpe est enarrare. Rer. lit., I, vii, 2. Nous avons déjà cité quelques exemples de ces altérations mais c’est l’histoire de toutes les hérésies qu’il faudrait reprendre pour signaler au passage les points de la liturgie qu’elles ont altérés. Cela sortirait évidemment de notre cadre, mais nous nous contenterons de signaler les cas les plus typiques qui pourront servir d’exemples ou qui donneront l’idée d’une généralisation plus complète.

Nous laissons de côté les gnostiques qui, dans toutes les questions de dogme, se donnèrent de telles libertés qu’on s’étonnerait qu’ils n’en eussent pas agi de même avec la liturgie. Leur culte, comme leur discipline et leur théologie, présente les fantaisies les plus audacieuses. Voir Origines liturgiques, loc. cit., p. 56 sq.

Eusèbe cite un auteur du n c siècle qui, pour réfuter l’erreur d’Artemon que le Christ est un homme, mais non pas Dieu, en appelle aux cantiques par lesquels les chrétiens louaient le Christ comme Dieu. Eusèbe, H. E., V, xxviii, P. G., t. xx, col. 512.