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LITURGIE. LES LIVRES LITURGIQUES, LEUR DEGRÉ D’AUTORITÉ


liturgie mozarabe et certaines liturgies orientales. Certains rites n’existent que dans quelques liturgies et sont absents dans les autres. C’est au théologien liturgiste à insister sur ces différents points de vue, à distinguer ce qui est essentiel de ce qui est accidentel et à donner par la comparaison et l’étude des différentes liturgies à chaque rite sa portée.

V. Les livres liturgiques, leur degré d’autorité. — La plupart des liturgies que nous avons citées, liturgie romaine, liturgie ambrosienne, liturgie gallicane, liturgies orientales, etc., ont leurs livres ; si plusieurs sont perdus pour les liturgies anciennes, au moins reste-t-il quelques fragments qui nous permettent de nous rendre compte dans une certaine mesure de l’état de ces liturgies. Quelle est la valeur dogmatique de ces livres ? On peut dire qu’il n’y a de livres liturgiques d’une autorité incontestable en théologie que ceux de la liturgie romaine ou les livres des liturgies revisés ou approuvés par Rome. Ceux-là seuls engagent la responsabilité de l’Église. Les Églises anciennes, celles qui ont conservé pendant des siècles leur liturgie, ont aussi à faire valoir des titres tout spéciaux.

Pour les autres, les liturgies gallicane, celtiques, la plupart des liturgies orientales, elles peuvent être étudiées comme des témoins de la foi de ces Églises, comme des documents historiques qui ont pour un théologien la valeur des Pères de l’Église ou des écrivains ecclésiastiques ou encore des conciles, et qu’il faut traiter d’après les mêmes règles. L’unanimité des liturgies sur un point a la même valeur que l’unanimité des Pères enseignant la même doctrine ; une liturgie ancienne et longtemps en usage a plus d’autorité que tel fragment dont l’âge et l’origine sont à peu près inconnus.

Des exemples sont nécessaires pour mieux expliquer notre pensée. Les livres de la liturgie gallicane sont si mal connus, si fragmentaires, si peu garantis contre des erreurs de copistes, que leur témoignage en théologie n’a qu’une valeur assez relative. Quelques-uns de ces fragments contiennent certaines erreurs, comme nous le verrons en nous occupant plus en détail de ces liturgies.

Les livres de la liturgie mozarabe, au contraire, ont une autorité très supérieure parce qu’ils sont plus au complet, mieux conservés, qu’ils ont été en usage pendant des siècles, et qu’ils ont pour garants l’Église d’Espagne, qui les considéra comme siens et même, dans une certaine mesure, l’Église romaine qui les approuva. Cependant, la controverse de l’adoptianisme, au ixe siècle, semble prouver qu’ils contenaient l’erreur subordinatienne.

Il est donc nécessaire de dresser le catalogue de ces livres et de fixer, dans la mesure possible, leur autorité. Voici la division que nous cro"yons devoir proposer :

1° Documents de la liturgie ancienne, Didachè, anaphore d’Hippolyte, etc., du I er au ve siècle ;

2° Livres de l’ancienne liturgie romaine ;

3° Livres des liturgies gallicane, celtiques, mozarabe, ambrosienne ;

4° Livres de la liturgie romaine actuelle ; leur degré d’autorité ;

5° Livres des liturgies orientales.

Documents de la liturgie ancienne.

Sous ce titre,

nous groupons tous les documents, quelle que soit leur origine, antérieurs au ve siècle.

Les textes du Nouveau Testament et des Pères, avant le ve siècle, qui font allusion à la liturgie, se trouvent réunis dans l’ouvrage suivant : DomCabrol etdom Leclercq, Monumenla Ecclesiæ liturgica, Paris, 1900-1903, t. l, pars I et pars II, Reliquix liturgicæ vetuslissimæ. Les t. v et vi sont consacrés à la liturgie mozarabe.

G. Rauschen, sous un format plus abordable, et, il faut le dire, d’une façon moins complète, a recueilli les Testimonia sacræ Scripturæ sur la liturgie, quelques textes des

Pères et les principaux documents liturgiques anciens : Florilegium patristicum, fasc.

, Monumenla eucharistica et

liturgica vetuslissima, Bonn, 1909. Ce fascicule contient, outre les textes des quatre évangélistes et de saint Paul sur l’eucharistie, les passages de saint Justin, de la Didachè, les épitaphes d’Abercius et de Pectorius, l’anaphore de Serapion, les catéchèses mystagogiques de saint Cyrille, des extraits du Liber de mysteriis de saint Ambroise et du De sacramentis, de la liturgie clémentine (Constitutions apostoliques ) et de la Didascalie et quelques textes de Pères, sous ce titre, Loci eucharistici breviores. Il faut ajouter le fasc. 1 er de la même collection : Monumenla œvi apostolici, Bonn, 1904, qui.contient la Didachè, et des extraits des Pères apostoliques, et le fasc. 3, qui contient le fragment de Muratori, l’épitaphe d’Abercius, des extraits des évangiles apocryphes et des Actes des martyrs : Monumenla minora sœculi secundi, Bonn, 1909. Il faudrait compléter cette collection par l’anaphore désormais célèbre du manuscrit de Vérone et dont l’auteur est vraisemblablement saint Hippolyte (voir col. 801) et aussi par l’édition des diverses Constitutions apostoliques (Church orders) de Punk dont nous parlerons plus loin, par les Odes de Salomon, recueil d’hymnes d’inspiration chrétienne qui remontent au commencement du iie siècle, cf. J. Labourt et P. Bâti Mol, Les Odes de Salomon, une œuvre chrétienne de l’an 100-120, Paris, 1911, in-8°.

Hans Lietzmann a exécuté une entreprise de même genre dans ses Kleine Texte fur theologische ii, philologische Yorlesungen, Bonn, 1906-1909. On y trouve le fragment de Muratori, les trois plus anciens martyrologes, les textes pour l’histoire de la messe et du baptême en Orient (Didachè, Justin, les Constitutions apostoliques, Cyrille de Jérusalem ) les papyrus grecs, les symboles anciens, les plus anciennes hymnes, et même les anciennes prières juives et les liturgies protestantes.

Le P. Rouët de Journel, dans son Enchiridion patristicum, Fribourg-en-B., 1911, réunit aussi, sous un format commode, quelques-uns des textes liturgiques anciens. Cf. aussi C. Kirch, Enchiridion fontium historiée ecclesiaslicee antiquæ, Fribourg, 4e édit., 1923. La collection Hemmer et Lejay, Textes et documents pour l’élude historique du christianisme, donne aussi quelques-uns de ces textes avec la traduction et des introductions. E. Hennecke, sous ce titre plutôt trompeur, Neulestamentliche Apokryphen, 2’édit., Tubingue, 1923, donne en traduction les Constitutions, Didascalie, Tradition apost., hymnes, symboles, etc.

1. La Didachè est probablement le document liturgique le plus ancien que nous possédions. La seconde partie, qui est la plus importante, est toute liturgique. Elle contient les règles pour l’administration du baptême, pour les prières, les jeûnes, l’agape, l’eucharistie, les ministres itinérants et les ministres stables. Il y a sur ces différents points les renseignements et témoignages les plus utiles pour un théologien. Les efforts faits récemment pour démontrer que la prière anaphorique se rapporte non à l’eucharistie mais à l’agape (Armitage Robinson, dom Cagin), ne paraissent pas concluants. La forme de cette prière a paru dérouter les liturgistes. Je ne sais trop pourquoi, car du moment où il est reconnu, et cela ne peut être nié, que la prière eucharistique fut improvisée à l’origine, il ne faut pas s’étonner que celle-ci semble s’écarter de certains thèmes connus. Il y a d’autres cas semblables, notamment dans les Acta Thomæ, et, si la prière de saint Clément romain a pu être considérée aussi comme liturgique, elle ne s’écarte guère moins des formes traditionnelles. Voir art. Apôtres (La doctrine des), t. i, col. 1680-1687.

2. Il y a, en dehors de laDidachè, toute une famille de documents canoniques qui ont entre eux certaines analogies et même des relations étroites, qui prétendent à peu près tous, au moins par leur titre, remonter aux apôtres et qui contiennent tous des textes intéressant la liturgie. Ils ont été composés aux iie, iiie, ive, même ve siècles, mais on accorde en général que même les rédactions les plus tardives contiennent des documents représentant la discipline et la liturgie des trois premiers siècles.