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795 LITURGIE. HISTOIRE, ÉVOLUTION LITURGIQUE, CLASSIFICATION

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à peu près dans toutes les Églises, des caractères identiques. Le sacrement de baptême, la confirmation, le rite de la pénitence, celui de l’eucharistie, les synaxes, les formes mêmes de prières ont partout des traits de ressemblance frappants. C’est ce que nous verrons plus en détail dans les paragraphes suivants.

De plus, la tendance à l’unité s’affirme déjà et le magistère de l’Église, notamment de celle de Rome sur la liturgie, se traduit par des faits nombreux. Le Liber pontificalis pour les premiers siècles est rempli des prescriptions des papes concernant la liturgie, et, quoique l’on soit autorisé à faire souvent les plus expresses réserves sur l’authenticité absolue de ces décrets, il est certain que quelques-uns au moins pourraient être confirmés par des témoignages anciens. Voir l’article Le Liber pontificalis et la messe romaine, où l’abbé P. Lejay a étudié la valeur de ces témoignages, Revue d’histoire et de littérature religieuses 1897, t. ii, p. 182-185.

Il est hors de doute, par exemple, que dans la controverse de la Pàque, les papes, notamment Victor, sont intervenus pour imposer la pratique de célébrer cette fête au dimanche qui suit le 14e jour de la lune de mars. Le Liber pontificalis attribue au pape Sixte (119-128) la coutume de chanter le Sanctus après la préface ; le Sanctus se trouve en effet à cette place dans la plupart des liturgies. Dans la rebaptisation, les papes condamnèrent la manière de voir des Africains et défendirent de réitérer le baptême, même donné par les hérétiques. Ce magistère s’affirmera par de nombreux textes à partir du ive siècle. Voir le §VIII.

Un autre caractère de la liturgie de ces premiers siècles est la simplicité. Les rites du baptême, de la confirmation, de l’ordination, décrits dans les Actes des apôtres, sont des plus sommaires. Mais bientôt les rites s’ajoutent aux rites pour mettre en relief toute la portée du sacrement. Les exorcismes ont pour but de faire comprendre au fidèle qu’il est arraché à la puissance du démon ; on lui fait apprendre le Pater et le symbole ; on lui livre les évangiles ; Yaperlio aurium, les onctions, des exercices divers, le préparent au baptême. Mêmes développements pour l’eucharistie et les autres sacrements. L’anaphore d’Hippolyte présente la prière eucharistique réduite à sa plus simple expression. Les liturgies postérieures développeront tous" ces éléments. Les synaxes ont, elles aussi, ce caractère de simplicité ; c’est à partir du ive siècle que se multiplieront ces réunions, qu’elles prendront toute leur solennité. La prière liturgique est tout entière, pour le moment, dans la vigile et la synaxe eucharistique.

Les formules liturgiques, dès ce moment en usage, lectures, chants, anaphores, litanies, hymnes et collectes, se développeront aussi. Les processions, les heures canoniales, les grandes démonstrations religieuses, la célébration publique les fêtes, les pèlerinages, qui sont aussi un des éléments importants de l’histoire liturgique, datent, en grande partie, du ive siècle.

2° Du IV au VIIIe siècle. — 1. Caractères généraux. — La paix rendue à l’Église par Constantin fut donc le signal d’un développement extraordinaire dans la plupart des institutions chrétiennes. Malgré les périodes assez longues de paix, on peut dire que, dans la plupart des provinces, le christianisme, étant une religion prohibée et toujours exposée aux retours violents d’une persécution, fut obligé de supprimer d’ordinaire les manifestations extérieures du culte. Il n’en fut plus de même à partir de la paix de l’Église, qui se présenta plutôt comme un triomphe pour la religion persécutée la veille. La plus grande solennité fut donnée aux cérémonies du culte. Pèlerinages, pro cessions, dédicaces d’églises purent s’étaler tout à leur aise. Les conciles réuniront des centaines d’évêques. On se rend compte par la Peregrinalio Etheriæ à Jérusalem, au ive siècle, de la liberté dont jouissait le culte chrétien dans une grande ville. Un peu plus tard, au v 8 et au vie siècles, Rome elle-même présentait les mêmes spectacles.

Le christianisme devint sous Constantin la religion officielle ; cette profession officielle du christianisme et l’entrée dans l’Église de foules nombreuses allaient amener de grands changements dans la discipline. Il fallait que l’Église, par la pompe extérieure, ne restât pas inférieure au culte païen qui se célébrait, on le sait, dans des temples magnifiques au milieu du déploiement d’un luxe inouï. De plus, le danger de contamination qu’on avait redouté dans les premiers siècles n’existant plus, l’Église ne se fit pas faute d’emprunter pour le clergé les vêtements consulaires, de pratiquer des lustrations, des encensements, des processions, des fêtes, qui ont fait croire, à un examen superficiel, que la liturgie chrétienne procédait des liturgies païennes. Mais ces emprunts, quand emprunt il y a, ne portent que sur quelques détails. La liturgieest constituée dans son essence avant le ive siècle, et. comme nous l’avons dit plus haut, elle a son originalité.

Un autre élément, à partir du ive siècle, contribua au développement de la liturgie, ce sont les hérésies. Plusieurs rites, nous le verrons, ont pour but de réfuter telle ou telle erreur, de prémunir les fidèles et de les fortifier dans la profession de tel article de foi nié par les hérétiques.

Les doxologies, depuis le ive siècle, deviennent plus précises, elles mentionnent désormais presque sans exception les trois personnes de la Trinité sur un pied d’égalité pour affirmer la foi orthodoxe contre les ariens ; Mgr Duchesne croit que l’insertion attribuée par le Liber pontificalis à saint Léon (440-461), sanctum sacrificium, immaculatam hosliam, est dirigée contre les manichéens ; cf. Revue d’hist. et de littérature religieuses ^, ii, p. 183. Le Deus in adjutorium au commencement des offices vise probablement les pélagiens ou les semi-pélagiens. Les oraisons des messes au temps pascal et au temps après la Pentecôte dans le missel romain condamnent une à une toutes les erreurs des semi-pélagiens, même des semi-pélagiens mitigés, si bien qu’elles semblent mettre en formules liturgiques les décrets des conciles gaulois du ve siècle. La récitation de plus en plus fréquente des symboles de foi, symbole des apôtres, symbole de Nicée-Constantinople, symbole de saint Athanase, sont la réaction de la liturgie contre les erreurs diverses des ariens, des macédoniens, des nestoriens, des eutychiens. Voir § IX.

L’affaiblissement de l’idée d’un empire romain, les invasions barbares, la naissance des nationalités du ive au vie siècle eurent leur retentissement aussi dans la liturgie. C’est à ce moment que l’Orient se sépare de l’Occident, qu’une division s’établit entre ces deux parties de l’empire et, quoique les relations fussent encore fréquentes et que tout lien politique ne fût pas rompu, cependant les tendances divergentes s’affirment de plus en plus et les différences que l’on remarque entre la théologie orientale et la théologie occidentale se manifestent aussi dans la liturgie. Constantinople, Jérusalem, Antioche, Alexandrie forment des circonscriptions ecclésiastiques qui tendent en toutes choses à se singulariser. Les mêmes effets se produisent à Milan, en Espagne, en Gaule, en Angleterre ; seule l’Afrique, qui forme pourtant avec Carthage comme centre, une circonscription ecclésiastique très puissante, reste fidèlement attachée à Rome et il semble que la liturgie de cette province soit à peu près la même que celle de Rome.

2. Classification.

Voici le schéma que l’on peut