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LITURGIE. LE POI^T DE VUE APOLOGÉTIQUE


est à la base même du christianisme, est l’accomplissement du plan divin ; il est une preuve de la continuité des desseins de Dieu. L’Église trouve dans l’Ancien Testament ses assises les plus solides ; elle a toujours condamné les erreurs de Marcion et de tous ceux qui, à son exemple, voulaient la délester, comme d’un poids mort, des traditions mosaïques. La liturgie sur ce point, comme nous le verrons dans un paragraphe particulier, à propos des lectures de l’office, offre à la méditation du théologien un magnifique sujet.

Cela posé, il faut ajouter tout de suite que, malgré ces emprunts, la liturgie chrétienne conserve un caractère d’originalité bien accentué. Si les premiers disciples continuent d’aller au Temple pour un temps, ils célèbrent dans les maisons particulières un service dont le principal élément est la fraction du pain et qui va prendre de merveilleux développements ; s’ils continuent à chanter les psaumes de David, ils admettent dans leurs réunions le chant de cantiques ou d’hymnes inspirés par l’Esprit de Dieu, d’exhortations, de prières d’où sortira toute l’hymnologie et l’euchologie chrétiennes. Ils adressent leurs prières au Père, mais par l’intermédiaire du Fils. Bien plus, ils prient directement le Fils, et on a vu avec raison dans ce fait une preuve de la divinité du Christ et de son égalité avec le Père. Voir J. Lebreton, La prière dans l’Eglise primitive, dans Recherches de science religieuse, février 1924, p. 5-32, et avril de la même année, p. 97133, où il conteste quelques-unes des conclusions de von der Goltz, Das Gebet in der âltesten Christenheit, Leipzig, 1901 ; cf. aussi sa discussion sur les ouvrages de Klawek, loc. cit., mai-août 1924, p. 336. Avant eux, J.-W. Suringar, De publicis veterum Christianorum precibus, Leyde, 1833, réédité dans Volbeding, Thésaurus commentationum, Leipzig, 1846.

Liturgie chrétienne et mystères païens.

La question

des rapports entre la liturgie chrétienne et les mystères païens est beaucoup plus compliquée. Une école de critiques, qui a fait en ces dernières années beaucoup de bruit, veut que saint Paul, saint Jean et les autres apôtres aient puisé quelques-unes de leurs principales conceptions sur le Logos, le Verbe de Dieu, le Christ pasteur, rédempteur, nourriture des fidèles, leur lumière et leur vie, dans les mystères païens. D’autres veulent qu’une partie de la liturgie vienne des gnostiques, et signalent dans le cours des siècles l’emprunt aux religions païennes de rites divers pour le baptême, l’eucharistie, pour tous les sacrements ou les sacramentaux en général, lustrations, purifications, bénédictions, encensements, onctions, etc. Selon Bousset et les historiens de son école, le culte du Christ est né du paganisme et du culte des héros. Voir plus loin, Le point de vue apologétique.

Cette question est trop importante et trop complexe pour être abordée ici de biais. Elle a été traitée partiellement dans quelques articles, voir notamment Baptême, Eucharistie, Extrême-onction. Elle le sera plus à fond dans un travail sur les rapports du Paganisme et du Christianisme. Nous nous contenterons donc ici de renvoyer à quelques articles où l’on trouvera une bibliographie plus complète. Cf. nos Origines liturgiques, loc. cit., p. 47 sq. ; notre article Culte chrétien, dans le Dictionnaire apologétique ; nos articles, Idolâtrie dans l’Église. Les origines du culte chrétien, le paganisme dans la liturgie, dans Revue d’apologétique, 1° oct. 1907, p. 36-46 ; 15 nov. 1906, p. 209-223 ; 1° déc, p. 278-287.

III. Le point de vue apologétique.

Nous n’avons pas à traiter ici la question apologétique qui n’appartient pas, strictement parlant, à la théologie. Cependant, comme ce point de vue préoccupe singu1 èrement aujourd’hui tous ceux qui s’intéressent à la

théologie, nous devons présenter, au moins sous une forme résumée, les divers aspects de la question.

1° Les principales accusations portées par nos adversaires contre le culte chrétien sont celles-ci : On accuse la liturgie, surtout la liturgie telle qu’elle existe aujourd’hui, de n’être pas contenue dans l’Évangile. C’est en vain, nous dit-on, qu’on y chercherait un vestige de nos rites dont la plupart sont d’origine postérieure. La liturgie n’est donc pas spécifiquement chrétienne.

On ajoute que le culte chrétien s’est laissé contaminer d’abord par les gnostiques auxquels il faudrait attribuer une partie de nos pratiques, puis, plus tard, par les mystères de l’hellénisme ou par les superstitions païennes, et même la magie. La mythologie elle-même, au iiie et surtout au ive siècle, entre dans l’Église, « jusqu’au fétichisme le plus naïf ».

Enfin, la liturgie attache une telle importance aux cérémonies extérieures que ces rites étouffent la piété intérieure et la véritable vie religieuse.

Telles sont les principales objections que l’on peut trouver dans les ouvrages de Renan, d’Auguste Sabatier, de Harnack, de William James, pour ne citer que les principaux.

Déjà Vigilance s’était élevé contre de nombreuses pratiques liturgiques, parce qu’elles n’étaient pas dans l’Écriture sainte. Saint Jérôme, qui est peut-être le premier apologiste de la liturgie, répondit à ses arguments. Voir t. viii, col. 916.

Renan, Origines du christianisme, t. vi, p. 154-156 et alibi passim ; Auguste Sabatier, Esquisse d’une philosophie de la religion, Paris, 1897, p. 234 sq. ; Harnack, Das Wesen des Christentums, Berlin, 1900, trad. française : L’essence au christianisme, Paris, 1902, p. 155, 175, etc. ; W.James, L’expérience religieuse, passim. Quelques-unes de ces objections sont reprises et présentées, mais sous une forme plus bienveillante, il faut le reconnaître, par Friedrich Heiler, Der Kalholizismus, seine Idée und seine Erscheinung, Munich, 1923, et Das Gebet, Munich, 1921, qui admire franchement l’esprit et la forme des livres de la liturgie romaine. Wilhelm Bousset, Kyrios Christos, Forschungen zur Religion und Literatur des Allen u. N. Testaments, 1913.

2° La première tâche de l’apologiste serait donc d’abord de répondre à ces accusations. — Nous avons dit dans notre § II que cette question est trop importante et trop compliquée pour être traitée en passant. Pour ce qui concerne les influences gnostiques et païennes, nous renvoyons à nos Origines liturgiques, Paris, 1906, p. 56 sq., et à différents articles cités dans le paragraphe précédent. Dans notre article Culte chrétien, du Dictionnaire apologétique, nous croyons avoir démontré que la thèse des influences gnostiques sur le culte chrétien n’est appuyée sur aucune preuve sérieuse ; nous avons dit que, si certaines superstitions ont pu se glisser dans le culte, elles sont le fait d’un paganisme toujours latent dans les foules converties, et que l’Église l’a du reste combattu par ses décrets et précisément souvent par l’institution de fêtes liturgiques.

Nous avons, pensons-nous, répondu aux adversaires qui relèvent dans la liturgie des pratiques de superstition, d’idolâtrie ou de magie. Il est possible que l’on découvre des sources et des fontaines païennes devenues chrétiennes, des saints successeurs des dieux, etc. Tout cela est curieux, intéressant pour l’histoire du folk-lorc, mais ne touche pas à la question de principe. Ce sont des coutumes locales que l’on doit condamner, et qui n’ont jamais, que je sache, été approuvées par l’autorité compétente. Au surplus un bon nombre d’entre elles ont été relevées et condamnées par les théologiens catholiques comme Lebrun, Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les