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LIEUX THÉOLOGIQUES. ÉLABORATION PRÉALABLE


est réglée par les préceptes suivants : 1. Les Pères, quel que soit leur nombre, n’ont d’autre autorité, en philosophie et sciences rationnelles, que celle de la valeur de leurs arguments. — 2. Un ou deux Pères, en matière de foi ou d’exposition de la Sainte Écriture, peuvent fournir un afgument probable mais non certain. Il faut d’ailleurs distinguer parmi les docteurs, entre ceux qui ne se sont jamais écartés de l’enseignement de l’Église, les Cyprien, les Ambroise, les Augustin, etc., et d’autres moins sûrs, et d’ailleurs non canonisés, les Origène, les Eusèbe, les Rufin. — 3. L’autorité d’un certain nombre de Pères, contredite par d’autres, ne suffit pas à fournir un argument certain en théologie. — 4. L’autorité, même unanime, des Pères, en matière libre au point de vue de la foi, ne peut fournir au théologien un argument certain, encore qu’il ait sa probabilité. — 5. Dans l’exposition de la sainte Écriture, la commune intelligence de tous les Pères anciens, fournit un argument très certain : leur sens est le sens du Saint-Esprit. — 6. Tous les Pères, quand ils sont unanimes, ne peuvent errer dans les dogmes de foi. De locis, 1. VÎI, c. m.

7° Septième lieu théologique : L’autorité des docteurs scolastiques et des canonistes. — 1. Cano n’entend pas défendre la scolastique « misérable « , quæ, detracia Scripturæ sacrée auctoritale, syllogismis contortis de rébus divinis philosophatur. De locis, 1. yill, c. i. Pour lui, le docteur scolastique est celui qui : de Deo rebusque divinis, apte, prudenler, doctee Litteris instilulisque sacris ratiocinetur. Ibid. Il assigne trois fins à cette véritable théologie : colligere ex principiis fidei a Deo revelatis conclusiones ; fidem nostram adversus hæreticos defendere ; Christi Ecclesiœque doctrinam ex disciplinis humanis illustrare aut confirmare. Il ramène l’estimation de leur autorité, en vue de l’utilité théologique, à ces trois préceptes :

a) Le témoignage de nombreux théologiens scolastiques, contredit par d’autres vraiment doctes, ne vaut que ce que valent les raisons alléguées et le poids de leur autorité. — b) De la pensée commune de tous les auteurs scolastiques en matière importante, il est téméraire de s’écarter. — c) Contredire la pensée concordante de tous les théologiens de l’École, en matière de foi et de mœurs, est, sinon hérétique, du moins proche de l’hérésie.

2. En ce qui concerne les canonistes, a) Cano ne leur reconnaît aucune autorité dans les matières de foi et de mœurs, sur lesquelles tout au contraire ils doivent se renseigner auprès du théologien.. — b) De même, en ce qui concerne les mœurs évangéliques et la morale naturelle, l’autorité des jurisconsultes ne peut servir aux théologiens : c’est au contraire à ceux-ci que les canonistes empruntent la connaissance du Droit surnaturel ou naturel. — c) Le terrain sur lequel les canonistes font autorité est celui des mœurs de l’Église et des institutions religieuses qui dépendent des lois ecclésiastiques, qui définissent en particulier les peines canoniques qu’encourent ceux qui les violent. La concordance de tous les juristes sur ces points est d’un grand poids pour les arguments théologiques qui doivent avoir recours à ces lois positives. Ibid., c iv.

8° Huitième et neuvième lieux théologiques : L’autorité en théologie de la raison naturelle et des philosophes.

— Cano a marqué le. lien qui unit étroitement ces deux lieux théologiques. Ils représentent la raison humaine en soi d’abord, puis dans le concret des doctrines existantes. De locis, t. IX, c. ix, in fine.

1. Le livre IX est un des plus suggestifs au point de vue méthode théologique. Il introduit un juste milieu entre deux erreurs ; la raison humaine, lieu théologique prépondérant ; la raisonhumaine, lieu théologique nonexistant. De la première erreur il est résulté qu’au temps des hérésies « germaniques s où l’on avait besoin

de théologiens supérieurement armés, eo nullu prorsus haberent, nisi arundines longas, arma videlicet levia puerorum. De tels théologiens enlèvent toute vigueur et tout poids à la théologie ; ils aboutissent à ce que la théologie, à laquelle on a soustrait son argument principal, l’autorité, non seulement est méprisée, mais n’est plus de la théologie. De locis, t. IX, c. i. — De la seconde erreur découle la théorie de la » sainte rusticité » de la foi, Cano, arguant de ce que la grâce ne détruit pas la nature, et de ce que la nature humaine est rationnelle, maintient la nécessité indispensable du raisonnement en théologie, même es choses divines, c. iv. Mais c’est à une condition : ratione non domina sed administra, syllogismo non præsidente sed subserviente, c. vi.

Au chapitre v, il énumère quatre préceptes régissant l’usage du lieu de la raison naturelle : a) pour instruire les philosophes. - — b) Pour réfuter les sophistes. — c) Pour persuader avec plus d’efficacité grâce à des arguments plus nombreux et plus variés. — d) Pour éviter les amphibologies grammaticales des textes. Quod si grammatica semel admitlatur, quidni dialectica, quidni philosophia ? Mais l’usage de la raison naturelle a ses dangers. Deux règles pour y parer : ne incognita pro cognitis, incerta pro certis habeamus, c. vii ; naturæ argumentationes interdum infirmas, firmas nonnumquam esse, c. viii. Pour compléter ces préceptes, et les adapter aux progrès des diverses sciences, on trouvera un apparatus, tout à fait au point dans J. Berthier.De locis theol., part. II, t. II, c. i, a. 1 ; c. ii, a. 1-2., soit dit sans préjudice d’autres auteurs

2. Le livre X contient, en ce qui regarde l’autorité des philosophes, les préceptes suivants : Le consentement général des philosophes fait foi pour les dogmes philosophiques ; Cano montre, par des exemples, que ce consentement n’est pas une chimère, à condition qu’il s’agisse vraiment de philosophes, eoru/n gui magna doctrina excellentique ingenio valuerunt, c. iv. — Le témoignage isolé d’un grand philosophe a une autorité probable en théologie, au prorata de sa science philosophique, sed nulli theologus ila sese adjudicare débet ut ab eo ne latum quidem unguem putet discedendum, ce qui est dit spécialement pour Aristote, dont Cano recense six passages erronés. L’opinion de saint Augustin et de saint Thomas d’Aquin en matière philosophique doit être prise en grande considération, principalement, magis, la seconde, sed ita tamen ut adhibeatur moderatio quædam. De locis, t. X, c. v. Ces règles, surtout la dernière, ont reçu d’importantes confirmations dans de récents documents pontificaux.

9° Dixième lieu théologique : L’autorité de l’histoire humaine. — Excellent pour établir la nécessité de cette science comme lieu théologique, le livre XI de Cano n’est pas très utilisable au point de vue de ses préceptes. Cela tient à une conception juridique du témoignage historique, spécialement à des idées sur les auctores probati, que la science historique ne saurait actuellement admettre sans les plus grandes réserves. On substituera à ces préceptes la mise au point qu’en donnent les auteurs contemporains, spécialement, et sans préjudice d’autres auteurs, J. Berthier, De locis, theol., part. II, t. II, c. iii, a. 1-2, dont l’ouvrage s’harmonise davantage avec les idées et le plan de Cano. Voici quelques-unes de ces règles : L’histoire fournit à la théologie un argument tantôt certain, tantôt probable. Cf. Cano, De locis, 1. XL c.iv. — Toujours utile, elle est parfois absolument nécessaire au théologien. Cf. Cano, t. XI, c. n. En soi, les documents écrits sont un signe certain, faisant humainement autorité : ce n’est que per accidens qu’ils sont incertains… A ce point de vue l’épigraphie est parfois de la plus haute autorité. — Les monuments archéologiques présentent des arguments certains ou probables, selon leur état et leur nature. — L’histoire des dogmes et même des