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    1. LAXISME##


LAXISME. LA QUERELLE DU LAXISME EN FRANCE

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propositions auxquelles dut souscrire ce religieux dans Duplessis d’Argentré, t. ni b, p. 400-401. Le probabilisme lui-même se faisait très humble et pratiquement disparaissait. Bossuet, qui y voyait toujours la source de toute la morale relâchée, ne se lassait pas d’en presser la condamnation par le clergé gallican. Il avait essayé d’y parvenir à la fameuse Assemblée de 1682 ; il réussit mieux à l’Assemblée de 1700 qui va achever en France la déroute du laxisme et même rejeter dans l’ombre pour plus d’un siècle le probabilisme.

L’évêque de Meaux fut incontestablement le promoteur de cette dernière campagne : mais il trouva dans ses collègues de l’épiscopat gallican des auxiliaires très dévoués. Les pièces dans Collect. des Procès-verbaux, t. vi, p. 475 sq. ; voir aussi à la fin de ce tome les pièces justificatives. Dès le 26 juin le président, l’archevêque de Reims, rappelant les efforts faits par les assemblées précédentes pour arrêter la morale relâchée, déclarait qu’il était nécessaire de le faire encore « avec autant de vivacité et de force ; le mal était très dangereux, d’autant qu’il avait pour auteurs des prêtres séculiers et réguliers de divers ordres… Sans doute le Saint-Siège l’avait fait déjà ; mais ses censures n’ont paru que dans des décrets de l’Inquisition, qui ne peuvent être reçues dans le royaume, en sorte que le spécieux prétexte de nos libertés sert de rempart en France contre les censures du souverain pontife à ceux qui, de notorité publique, sont les plus grands ennemis de ces libertés. » Une commission fut aussitôt nommée, dont Bossuet fut le rapporteur. Pendant plusieurs semaines, il fit, en cette qualité, devant la haute Assemblée, le procès de la « nouvelle morale ». Il y eut pourtant un jour où, devant la complexité de certains problèmes moraux, sa rude dialectique se trouva en défaut. Parlant de l’usure dans la séance du 26 août, il fit remarquer « qu’il ne fallait pas pousser sur ce point le zèle trop avant, en procédant par censures contre les contrevenants à cause de leur grand nombre. » Cf. p. 488. Lui aussi était bien forcé de sacrifier à certaines opportunités 1 Il se ressaisissait d’ailleurs pleinement quand, le 30 août, il expliquait qu’il fallait remonter à la racine de tout le mal, c’est-à-dire aux opinions sur la probabilité, et il emportait de haute lutte l’acceptation par l’Assemblée des censures formulées par lui sur Il propositions relatives au probabilisme. Le 4 septembre le débat était terminé et le cardinal de Noailles (qui était devenu entre temps président de l’Assemblée), pouvait donner lecture de l’ensemble du document ainsi débattu et rédigé.

2. Analyse de la Censure.

Cette Censura et declaratio conventus generalis cleri gallicani, congregati anno 1700 in palatio regio SanGermano, in materia fidei et morum, est un document de la plus haute importance pour l’histoire de la querelle du laxisme, pour celle du probabilisme, pour celle enfin de la théologie morale. Texte dans Collection des procèsverbaux, t. vi, appendice p. 193 sq., et aussi dans Recueil des actes, titres et mémoires concernant les affaires du clergé en France, édit. de 1771, 1. 1, p. 713745.

Le préambule commençait par une déclaration très nette destinée à combattre l’accusation de jansénisme que certains portaient volontiers contre les partisans de la morale sévère. Il n’y a de jansénistes, disait-on, et avec raison, que ceux qui soutiennent quelqu’une des cinq propositions ou font injure aux constitutions apostoliques sur la matière. Puis, ayant signalé les condamnations portées contre le laxisme par les papes Alexandre VII et Innocent XI, le document exprimait le regret que ces sentences eussent été promulguées sous forme de décisions des congré gations romaines et non par un acte solennel, recevable en tout pays, du magistère pontifical. En attendant les chefs de l’Église gallicane, pour empêcher le poison de se répandre, entreprenaient, afin que nul n’en ignorât, de remettre sous les yeux de tous, en un ordre logique et munies de leurs notes respectives les susdites décisions. Mais l’essentiel était plus encore de s’attaquer à la racine même, en d’autres termes à la doctrine de la probabilité : eam scilicet opinandi ralionem, quie ignola SS. Patribus lanla de rébus maximis dissidia peperit, ut iisdem in parochiis, iisdem in templis, passim cerneremus ab aliis leneri et ligari quæ ab aliis solverentur, ac plebem christianam in varia alque incerta discerpi nec scire quibus credal.

Suivait la série des propositions condamnées, au nombre de 127, groupées en 30 paragraphes. Ne nous arrêtons pas aux deux premiers qui sont relatifs aux querelles du jansénisme. Dès le § 3, De virtutibus theologicis, on rencontrait les propositions : 1 d’Alexandre VII, 17, 41, 18, 22, 23, 64 d’Innocent XI ; le § 4, De Dei dileclione, reprenait la l re proposition condamnée par Alexandre VIII le 24 août 1690, les prop. 5, 6, 7 d’Innocent XI ; le § 5, De proximi dilectione = prop. 10, 11, 13, 14 d’Innocent XI ; le § 6, De festis, = prop. 52 d’Innocent XI ; § 7, De homicidio, — prop. 17, 18, 19 d’Alexandre VII, 30, 34, 35, 31, 33 d’Innocent XI ; § 8, Deduello, — prop. 2 d’Alexandre VII ; § 9, Circa castilatem = 48, 50 d’Innocent XI ; § 10, De furto, turpi lucro et judicum corruptelis, = 36, 37 38, 39 d’Innocent XI, 26 d’Alexandre VII ; § 11, De, usura, = 40, 41, 42 d’Innocent XI ; § 12, De falso testimonio, mendacio et perjurio = 25, 26, 27, 28 d’Innocent XI ; §13, De calumnia, =AA d’Innocent XI ; § 14, De adjuvantibus ad flagitia, = 51 d’Innocent XI ; § 15, De simonia et beneficiis conferendis, = 22 d’Alexandre VII, 45, 46, 47 d’Innocent XI ; § 16, De missœsacrificio et sacra communione, — 53, 25, 2 d’Innocent XI ; le § 17, De missa parochiali, n’a pas de correspondant, et pour cause, dans les censures pontificales ; § 18, Circa confessionem sacramentalem, = 11, 14, 38, 39 d’Alexandre VII, 58, 59 d’Innocent XI ; § 19, Circa dispositiones et absolutionem psenilentis, circa occasiones proximas, = 57, 60, 61, 62 d’Innocent XI, 41 d’Alexandre VII, 63 d’Innocent XI ; §20, De/ey’iinjo, = 23, 29, 30, 31 d’Alexandre VII ; §21, De intemperantia, = 8 d’Innocent XI ; §22, De horis canonicis, = 20, 34 ( ?) d’Alexandre VII ; § 23, De jurisdisdiclione et regularibus, = 16, 12, 36 d’Alexandre VII ; § 24, De legibus principum eorumque potestate, = 28 d’Alexandre VII ; le § 26, De obduralis n’a pas de correspondant dans les censures pontificales mais est empruntée à la censure de Rouen de 1697, prop. 3, Duplessis, t. m b, p. 401 ; le § 21, De peccato philosophico, représente la prop. 2 du 1 er décret d’Alexandre VIII ; les § 28 et 29, De peccato mortali, de cogitationibus sive delectationibus morosis, n’ont point de correspondants dans aucune des sentences antérieures ; enfin le § 30 De régula morum et probabilitate, comprenant les prop. 117 à 127 ne se rencontre qu’avec la prop. 27 d’Alexandre VIII et les prop. 3, 1, 5 et 4 d’Innocent XI ; les autres propositions étant empruntées à d’autres sources et une (la 127e) entièrement nouvelle.

C’est qu’en effet les condamnations pontificales n’avaient pas été les seules utilisées. A peu près tous les documents dont il a été précédemment fait mention et d’autres que nous étudierons plus loin avaient été mis en œuvre. Signalons les deux censures de Louvain de 1653 et 1657, la censure de V Apologie par les vicaires généraux de Paris, et par les ordinaires de Sens, Bourges, etc. et surtout la censure de Guiménée. De la sorte figurent parmi les propositions condamnées par l’Assemblée des textes qui n’ont pas de correspondant dans les documents pontificaux. Plu-