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à corrompre plus facilement les mœurs et les esprits des peuples et h propager la peste de l’indillérentisme. Enimuero falsuin est, civilem cujusque cultus Ubertatem itemque plénum potestutem omnibus uttributum quaslibet opinion.es pulum publiceque manifestandi conducere a t populorum mores animosque jacilius corrumpendos ac indifjerenlismi pestem propagandam. » Et pourtant, il n’est pas défendu par là même de penser que, dans certaines circonstances, le libre exercice des divers cultes, de ceux, bien entendu, qui ne heurtent pas de front l’honnêteté et la moralité la plus vulgaire, peut être licitement accordé par un législateur catholique.

En exerçant une neutralité de ce genre, le législateur, loin de violer aucun précepte de la religion catholique, en observe en réalité un autre non moins important celui qui lui défend de poser des actes propres à troubler la tranquillité publique, sans profit pour la religion, et peut-être au risque de la compromettre. Sans doute, un gouvernement ne peut pas poser un acte légal quelconque qui favorise directement une religion fausse en tant que fausse ; mais il ne lui est pas défendu de poser, sous l’empire de graves motifs, des actes légaux qui assurent à de faux cultes existants le libre exercice, au même degré (nous ne disons pas au même titre ni de la même façon) qu’au culte catholique, et qui, donnant aux partisans des faux cultes les mêmes droits civils et politiques qu’aux catholiques, les mettent sur le même pied légal au point de vue de l’exercice de leur culte. La doctrine commune doit reconnaître qu’un souverain est tenu, comme personne privée, et comme personne publique, de ne pas confondre l’erreur avecla vérité et de ne pas assimiler un faux culte au vrai culte ; mais, accorder, sous l’empire de nécessités suffisantes, à divers cultes la permission légale de s’exercer avec les mêmes garanties civiles, ce n’est point poser là un acte contraire aux principes chrétiens. Cet acte peut même, nous osons le dire, être inspiré par un sentiment catholique, si le souverain le pose pour remplir son devoir et servir la religion, autant qu’il est possible, dans les circonstances difficiles où il se trouve. Lorsque la parité déclarée entre le vrai et les faux cultes ne revêt aucun caractère dogmatique, s’abstenant de donner une approbation explicite ou implicite aux maximes professées par les cultes dissidents mais qu’elle se borne à protéger la personne de ceux qui pratiquent ces cultes, à leur garantir le libre exercice de leur religion et la jouissance des droits politiques, elle peut, dans certains cas, être légitimement et utilement établie. Sur l’histoire de la controverse, voir l’art. Libéralisme.

J. Baucher.

LIBERTÉ DE CONSCIENCE. Voir Liberté, col. 684.

LIBERTINS. — Le nom de Libertins a été donné aux membres de diverses sectes et aux adeptes de différents mouvements religieux. — I. Les libertins du xvie siècle en France. — C’est une secte qui unit aux principes de la Réforme les théories panthéistes qui subsistaient depuis le Moyen Age dans la vallée inférieure du Rhin (Frères du libre Esprit). Nous la connaissons par Calvin qui dut lutter contre elle. Ce lui fut une affliction sensible de voir sortir de sa Réforme des opinions si monstrueuses. Il va jusqu’à avouer que le pape lui-même faisait beaucoup moins de déshonneur à Dieu, car « le pape conserve une forme de religion, il ne retranche pas l’espérance de la vie future, il enseigne qu’il faut craindre Dieu, il reconnaît des différences entre le bien et le mal. il confesse que Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme, et il respecte encore l’autorité de l’Ecriture. » Œuvres, édit. d’Amsterdam, 1667, t. viii, p. 377. Cf. Lettre d ? Calvin à la reine de Navarre, t. ix b, p. 32 et 138.

La secte prend naissance à Lille vers 1525, elle est propagée par un tailleur d’habits, nommé Quentin, picard d’origine, par Chopin, puis par un prêtre fran çais, Ant. Pocques. Elle se répandit à Paris et en plusieurs provinces..Marguerite de Valois lui ouvrit un asile à Nérac. Les libertins partaient de ce principe stoïcien qu’il n’y a qu’un seul Esprit, immortel, infini et répandu partout, qui est l’Esprit de Dieu, en sorte que c’est Dieu même qui anime les hommes et qui opère tout en eux, étant intimement et formellement uni à leurs corps. Ils aboutissaient aux conséquence ! les plus absurdes et les plus impies : il n’y a pas d’autre substance spirituelle que Dieu, tout le mal et tout le bien est de Dieu comme unique agent, sans qu’on puisse en rendre l’homme responsable ; ainsi l’on ne peut rien condamner, ni punir, ni régler, ni prévoir, et toute notre fonction ici-bas est de vivre tranquilles au gré de nos désirs, sans crainte et sans espérance. La Rédemption opérée par Jésus-Christ a pour but de nous rétablir dans l’état d’innocence ou se trouvait Adam avant son péché, état qui consistait dans l’ignorance absolue de la distinction entre le bien et le mal.

Ils tournaient l’Écriture dans le sens de leurs conclusions et n’attendaient ni résurrection des corps ni jugement général. Ils vivaient d’ailleurs en épicuriens et méritaient^e nom de libertins pour leur conduite aussi bien que pour leurs croyances.

Vers 1547, un cordelier de Rouen fut mis en prison parce qu’il répandait ces doctrines, quoiqu’en un langage fort dévot. Il prétendait prouver tout son système par l’Ecriture. Il avait rassemblé des passages pour nier le péché originel, pour attribuer à Dieu seul la réprobation des méchants, pour détruire la liberté, pour établir l’homme dans une sorte de paix, de joie même, après avoir fait le mal, sous prétexte que telle est la volonté de Dieu. Il ajoutait à cela qu’il n’y a qu’un péché à craindre : la bonne opinion de notre mérite, et qu’une vertu à pratiquer : l’aveu de notre impuissance, de notre incapacité totale, aveu qui comprend, disait-il, toute la mortification, toute la pénitence, toute la perfection du christianisme.

Un pareil système si clair, si logique, aux perspectives si faciles, était goûté de beaucoup de personnes, toutes, paraît-il, de la petite Église de Calvin. On allait voir et entendre le cordelier dans sa prison ; on lisait ses écrits avec empressement ; les femmes surtout étaient charmées de sa doctrine et adoucissaient par des présents les rigueurs de sa captivité. Calvin ne put apprendre ces nouvelles sans en être indigné. Il écrivit aussitôt à Rouen pour démasquer le faux apôtre à qui l’on faisait pareil accueil (20 août 1547) et c’est de sa lettre que nous tenons ces détails.

La Lettre du réformateur est dans le style dogmatique. Il prétend y réfuter-par l’Écriture seule toutes les assertions de son adversaire. Néanmoins, on sent que sur les articles de la prédestination et de la réprobation, de l’état des hommes depuis le péché, de l’obligation d’éviter le mal et de faire le bien, Calvin fournissait des armes contre lui-même, en n’admettant aucune liberté dans l’homme pécheur, aucune volonté en Dieu de sauver ceux qui ne sont pas du nombre des élus, aucune possibilité en nous de garder les commandements, si Dieu ne nous donne pas une grâce nécessitante. Calvin accablait de reproches le cordelier hérétique, mais il disait encore plus d’injures à ces prétendues dévotes qui s’étaient laissé séduire par ce nouveau système.

Nous ignorons quelle fut la suite de cette querelle Il est certain que la secte à laquelle le cordelier de Rouen avait emprunté la plus grande partie de ses erreurs continua à faire des progrès en France parmi ceux qui étaient gagnés aux doctrines du libre e~xamen. Bientôt, le terme de libertin va s’élargir pour signifier S