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    1. LIBERTÉ##


LIBERTÉ. PROBLÈMES THÉOLOGIQUES

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taines explications fournies par Baïus. Prop. 39 : Quod voluntarie fit, etiamsi necessario fiât, libère tamen fit ; et prop. 66 : Sola violentia répugnât libertati hominis naturali. Denz., n. 1039 et 1066. C’est enfin la condamnation explicite comme hérétique de la 3° proposition de Jansénius : Ad merendum et demerendum in statu naturæ lapsse non requiritur in homine libertas a necessitatesedsu/ficit libertas aeoaclione. Denz., n. 1094

III. Problèmes théologiques que soulève l’existence du libre arbitre. —

L’existence du libre arbitre étant considérée comme hors de discussion, comment est-il possible de concilier cette prérogative de la volonté :
1° Avec la science de Dieu.
2° Avec les décrets de la volonté divine.
3° Avec la prédestination.
4° Avec l’efficacité de la grâce.
5° Avec le concours divin ?

Le libre arbitre et la science divine.


Dieu sait ce que je ferai demain, et ce qu’il a prévu devoir arriver s’accomplira certainement, infailliblement ; il m’est absolument impossible de m’y soustraire, autrement la science de Dieu serait en défaut, ce qui répugne. Or, si je suis placé dans cette nécessité, et il en est de même pour tous mes actes, je ne suis pas libre, car l’indifférence et l’indétermination sont de l’essence même du libre arbitre. Donc, avec la science de Dieu, le libre arbitre ne saurait subsister.

Pour répondre à cette difficulté, il importe de rappeler la nature et l’objet de la science de Dieu, et de déterminer le mode dont Dieu connaît les choses placées en dehors de lui. Cette simple exposition suffit à résoudre la difficulté. On ne dira d’ailleurs ici que le strict nécessaire, la science divine devant faire l’objet d’un article spécial.

1. Le mode de la connaissance divine. —

Il y a en Dieu une science éminente qui s’identifie pleinement avec son essence et par laquelle, sans avoir besoin d’aucun secours étranger, il se connaît et se comprend lui-même, autant qu’il est susceptible d’être connu et compris. La science de Dieu est parfaite et infinie. Sa perfection suprême l’exige. Voir S. Thomas, .S’iim. theol., 1°. ([. xiv, a. 1-5. L’objet primaire de la science de Dieu, c’est lui-même ; l’objet secondaire, ce sont les créatures. Dieu se connaît lui-même nécessairement, et dans toute la mesure où il peut être connu. Mais comment connaît-il les créatures ? Il les connaît parfaitement comme elles existent, et il a de toutes une connaissance propre et distincte. S. Thomas, loc. cit., a « .. toutefois, sa connaissance n’a pas pour terme les choses elles-mêmes, comme il en arrive pour nous. Pour connaître une chose, il ne nous suffit pas de nous considérer nous-mêmes, il faut que notre regard se IKirie en dehors de nous, vise cette chose et la dégage .iract ères individuels qui I en vironnent’pour qu’elle puisse s’assimiler a notre intelligence. Que cette notion Mil abstraite des choses visibles par la vertu de l’intelligence ou qu’elle soil infuse par Dieu, cela importe peu ; dans les deux cal, le sujet connaissant a pour terme de sa connaissance autre chose que lui-même, et ce terme, dont il dépend dans une certaine mesure, n’est pas sans lui apporter quelque perfection.

Or il est évident qu’en Dieu on ne saurait rien concevoir de semblable. Dieu ne peut ni dépendre d’une causé créée, ni en recevoir la moindre perfection. Mien en dehors fie lui ne. peut donc servir de terme à sa connaissance, par conséquent, tout ce qui exisle en dehors de lui. il le connaît en soi-même, dans son DeiU omnta alla a se, non prr specirm pro prinm, %tà prr uuntlam iuori tnlelligti, Sum. theol.,

Inr. ni., a.", .

Dieu -ail tout ; il sait tout parce qu’il VOil tout ; d sait tout en son essence, en tant qu’elle est la cause première et universelle de toutes choses C’est la seule lumière qui soit digne de l’éclairer, route eonnaii qui viendrait du dehors le ferait déchoir, parce qu’elle mêlerait quelque chose de fini à son infinie perfection. « Il est sacrilège, dit saint Augustin, de penser que Dieu sort de lui-même pour voir ce qui est hors de lui. » Sacrilegum est opinait Deum extra se exire ut res extra se positas inlueatur. De diversis quæstionibus LXX.Xllf liber unus, q. xlvi, P. L., t. xi., col. 30.

Mais comment expliquer cette connaissance de Dieu ? Dieu ne connait pas les choses dans son essence, ou à. travers son essence, comme un myope se sert de lunettes appropriées pour considérer les objets qui échappent à ses yeux débiles. Il ne faudrait pas voir dans l’essence divine une sorte de glace transparente ou de loupe grossissante qui permettrait à Dieu de se mettre en rapport avec les choses et d’en acquérir la connaissance. C’est en se considérant lui-même que Dieu se connaît et connaît parfaitement les objets placés hors de lui dans le passé, dans le présent et dans l’avenir.

En effet, tout ce qui existe ou a existé est l’œuvre de Dieu seul, car seul il est Créateur. Quand il se sert des créatures, ce n’est pas dans son opération créatrice mais dans d’autres opérations secondaires, et encore n’est-ce qu’à titre d’instruments qui exécutent un plan conçu et voulu par lui. Or, toute œuvre accomplie par un habile ouvrier est la réalisation d’un plan formé d’avance et dont le dessin vivant se trouve dans l’intelligence de cet ouvrier. Avant de le mettre à exécution, l’ouvrier l’a présenbà l’esprit avec tous ses détails et les modifications même qu’il est en mesure d’y apporter. Avant de la réaliser au dehors de lui, il connaît son œuvre, il pourrait la décrire, et son exécution même, à parler rigoureusement, ne saurait lui apporter aucune connaissance nouvelle à cet égard. Dans une œuvre, quelle qu’elle soit, c’est le plan qui est la chose essentielle ; le reste est plus ou moins accessoire.

De même, toutes les créatures passées, présentes et futures ne sont que la réalisation dans le temps du plan de l’intelligence divine relatif à leur existence réelle ; et c’est en contemplant son essence qu’il y considère en même temps toutes les créatures, avec toutes les modifications dont elles sont susceptibles, comme l’architecte voit en esprit tous les détails de l’édifice qu’il se propose de construire. C’est ainsi que tout est présent pour Dieu, et que, pour lui, il ne saurait y avoir ni » assé ni futur, bien qu’il soit dans l’essence de la création d’être mesurée par le temps.

2. Les divers objets de la connaissance divine. Outre les choses qui existent actuellement ou qui ont déjà existé, il y en a d’autres qui sont purement possi blés, d’autres qui arriveraient à un moment quelconque si telle condition était vérifiée, d’autres qui arriveront certainement et nécessairement, d’autres enfin qui arriveront infailliblement. mais d’une manière aussi libre que certaine. Comment Dieu connait il ces différentes catégories de choses ? Il les connaît toutes de la même manière, ces ! à dire de la manière que nous venons d’exposer.

a) Les possibles. —

Est possible tout ce qui, dans son concept) n’implique aucune contradiction. Or. outre les choses existantes, il y en a d’autres qui, dans leur concept, n’impliquent aucune contradiction. Et, de lait. Dieu aurait pu. sans la moindre contradiction. ne rien créer de ce qu’il a bien voulu tirer du néant : il eut pu de même produire d’autres èlres bien différents par leur nombre et leur perfection, Donc, en dehors des choses existantes, on est en droit de compter les choses purenient possibles. Mais d’OO les possi files tirent ils leur possibilité ? I".n d’autres termes, pourquoi les choses sont elles possibles Il impolie de distinguer entre la possibilité interne et la possibilité externe. Toutes les deux dépendent de Dieu. Saint

Thomas établit le fondement de la possibilité interne