Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/340

Cette page n’a pas encore été corrigée

665

LIBERTÉ PHYSIQUE OU NATURELLE : LIBRE ARBITRE

666

universale bonum ; et hœc inclinatio dicitur voluntas. Sum. theol., I », q. lix, a. 1.

Donc nous ne pouvons pas ne pas vouloir un bien. Nous constatons en nous la présence de cette tendance au bien et au bonheur, tendance volontaire, puisque c’est de mon gré et avec connaissance que je lui obéis, tendance nécessaire pourtant et qui n’est pas mon choix libre, mais une loi de ma nature, puisqu’il m’est impossible de ne pas lui obéir.

3° Indétermination de la volonté par rapport aux biens particuliers. —

Cette loi est donc une limite à mon libre arbitre, limite posée par Dieu lui-même et qui demeure à jamais infranchissable. Mais, dans la sphère de cette limite qui circonscrit l’action de ma volonté, suis-je libre ? Le fait du libre arbitre, s’il est réel, ne peut l’être qu’à la condition d’être aperçu par voie d’introspection, c’est-à-dire, par le procédé nécessaire de l’information psychologique ou le témoignage de la conscience. Ai-je conscience d’être libre ?

1. Témoignage de la conscience. —

A cette question, une réponse affirmative ne saurait faire l’objet d’un doute sérieux. J’ai conscience d’être libre. J’ai conscience de produire par un choix libre ces actes internes qui s’appellent des résolutions, et qui se traduisent en efforts pour exécuter ce qui a été résolu. J’ai conscience, au moment où je prends une résolution, que je pourrais ne pas la prendre ou en prendre une autre, différente ou opposée. Pendant tout le temps qu’elle persiste, j’ai conscience que je puis la modifier diversement, la suspendre ou la faire définitivement cesser. On ne peut pas me dire que je n’ai pas cette conscience, pas plus que l’on ne peut me soutenir que je n’ai pas conscience de souffrir quand je sens bien que je souffre.

Mais on peut me dire, et l’on me dit, que cette conscience me trompe et n’est qu’une illusion. Eh bien alors qu’on le prouve : Quod gratis asseritur, gratis negatur. Melior est condilio possidentis. Mais on ne le prouvera jamais, car cette récusation du témoignage intérieur mène droit au scepticisme le plus absolu, à me dire que je ne puis pas même être certain du fait de ma pensée et du fait de mon existence, " car je ne suis pas plus certain de ces deux faits, dit M. de Margerie, que je ne le suis du fait de mon libre choix. Et même il est rigoureusement vrai que les actes intérieurs, dont j’ai conscience comme libres, se détachent de tous les autres par une conscience plus distincte, plus réfléchie et plus vive. Car c’est dans ceux-là que je me possède et nie dirige moi-même, et, si je dis moi a propos de tous les faits intérieurs, parce que j’en suis le sujet, Je le dis de mes actes libres avec un accent privilégié parce que j’en suis la cause. C’est donc lorsqu’il s’agit d’eux que le témoignage de la conscience atteint son maximum de force et d’éclat, si on le rejet te ici. ; > meilleur droit le rejettera-t-on ailleurs. « Congrès wlenttf. internat, des catholiques, Paris, 1891, Sciences philos., p. 73.

D’autre part, ce témoignage de ma conscience, témoignage si net et si formel, est universel. C’est, en effet, le témoignage de toute conscience humaine : il n’y a pas un individu normalement développé qui n’ait de son libre arbitre la même conscience que moi du mien. L’expérience du présent et l’histoire fin passé nous montrent sans doute des philosophes fatalistes acceptés par individus, et des religions fatalistes suivies par nations tout entières. Ce sont là des croyances spéculatives dont les origines ne sont pas impossible à découvrir. Mais leur domination met en une lumière d’autant plus vive la conscience pratique que tous les hommes, même au sein de ces religions et de ces philosophies, gardent leur libre arbitre qu’ils manifestent par des actes de leur vie individuelle et de leur vie sociale. Le sentiment intime de leur liberté résiste chez eux à des doctrines qui la contredisent et qui devraient la détruire, donnant ainsi la preuve de sa vitalité indestructible.

2. Réponse à une difficulté.

« Mais, objecte Stuart Mill, avoir conscience du libre arbitre signifie avoir conscience, avant d’avoir choisi, d’avoir pu choisir autrement. Mais la conscience me dit ce que je fais ou ce que je sens : ce que je suis capable de faire ne tombe pas sous son regard. La conscience n’est pas prophétique ; nous avons conscience de ce qui est, non de ce qui sera ou de ce qui peut être. Nous ne savons jamais que nous sommes capables de faire une chose qu’après l’avoir faite ou avoir fait quelque chose d’égal ou de semblable. » Examen de la philosophie d’Hamilton, trad. Cazelles, 1869, p. 551. En d’autres termes, une puissance ne peut pas être un objet d’expérience ou de conscience. Or, la volonté libre est une puissance. Donc elle ne saurait être un objet d’expérience ou de conscience. — Une puissance en inaction et en sommeil ne peut pas être un objet d’expérience ou de conscience, cela est bien vrai. Mais qu’une puissance en action et en éveil ne puisse l’être, voilà ce que l’on ne saurait prouver. Or la volonté, avant la résolution prise et le choix fait, n’est pas à l’état de puissance en inaction et en sommeil. Elle est éveillée et en action, car elle est en préparation active de l’acte final ; elle est à l’état de tension en présence de chacun des motifs ou mobiles qui prétendent la détermineret, danscettepréparatinn et cette tension, elle prend expérimentalement de son libre arbitre la conscience qu’il lui faut avoir pour que cet acte final soit libre. En effet, lorsque, avant le choix, nous nous tournons vers un des partis à prendre, nous sentons que nous ne sommes pas déterminés à le prendre. Il exerce sur nous une force d’attraction, nous exerçons sur lui une force de résistance, et, dans ce conflit, nous prenons expérimentalement conscience de la supériorité de notre force sur la sienne, en d’autres termes, de notre indépendance relativement à lui. Les autres partis se présentent tour à tour ; la même expérience se renouvelle à l’égard de chacun, et nous prenons ainsi conscience de notre indépendance vis-à-vis de tous. Cette conscience totale, qui est la somme de ces consciences partielles, est proprement la conscience du libre arbitre.

Solution fataliste et déterministe.


Contre l’existence du libre arbitre s’élèvent deux principales erreurs à savoir, le fatalisme et le déterminisme. Voir Déterminisme, t. iv, col. 041 sq., et Fatalisme, t. v. col. 2095.

Des deux, le déterminisme est, incontestablement, la plus subtile, la plus dangereuse et, malheureusement aussi, la plus en vogue. D’une manière générale, la liberté de l’homme, d’après les fatalistes, est constamment liée par une nécessité venant de l’extérieur. Selon les déterministes, le lien qui enchaîne cette liberté n’est pas quelque chose d’externe, mais une nécessité intrinsèque. Les actes que nous appelons libres peuvent être volontairement posés, mais ils sont soumis à une nécessité d’ordre physique, moral ou intellectuel, et excluent seulement toute violence extérieure.

La liberté entendue au sens que nous avons expliqué n’existe pas. assurent les déterministes parce qu’elle est Impossible, et elle est Impossible parce que tout acte est déterminé : l’acte sensitif est déterminé par l’instinct, l’acte raisonnable par la raison. Motif ou mobile, il v a toujours quelque chose qui méfait vouloir. Si j’étais libre, je serais à la fois déterminé et

Indéterminé dans mon acte, déterminé par le motif. Indéterminé A cause de ma liberté, c’est une contra did ion.

Non, répond M| r D’Hulst, Conférence » dr Notre-Dame, Carême de 1891, S* conf.. c’est un mystère peut être, ce n’est pas une contradiction, Jamais les partisans du libre arbitre n’ont prétendu qu’en f ; iis : mt