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LAXISME. LA QUERELLE DU LAXISME EN FRANCE


sa vie, mais encore en son honneur et en ses biens. » 20e objection. Cf. ci-dessous, col. 61, n. 33. De même encore, il soutenait avec la même étroitesse d’esprit, dans sa réponse à la 31 c objection, l’idée qu’on peut calomnier pour se défendre, s’il n’y a pas d’autres moyens et que ce moyen soit efficace. Voir ces textes dans le Pascal de la collection Les grands écrivains, t. vii, p. 262-274.

4. Les Écrits des curés.

« h’Apologie, comme le disent très justement les éditeurs de cette collection, ne faisait que reprendre les arguments épars dans les réponses précédemment faites aux Provinciales ; mais elle les réunissait comme en un faisceau, avec une apparence de défi qui fit aussitôt scandale. > Loc. cit., p. 274. Jusqu’à quel point le P. Pirot engageait-il la responsabilité de la Compagnie, il est bien difficile de le dire ; le plus regrettable, c’est que celle-ci n’ait pas immédiatement désavoué le malencontreux apologiste. Au fait le livre fit aussitôt un énorme scandale. Dès le 7 janvier 1658, les curés de Paris décidèrent de poursuivre par tous moyens la condamnation de l’Apologie ; successivement le Parlement de Paris, la Sorbonne, et les vicaires généraux furent saisis de l’affaire. Et le 4 février ils décidaient de publier un Factura où ils justifiaient les démarches faites par eux : « Notre cause, disaient-ils, est la cause de la morale chrétienne : nos parties sont les casuistes qui la corrompent. .. La raison qui nous porte à nous élever, avec plus de vigueur que jamais, contre ce nouveau libelle, est que, la hardiesse des casuistes augmentant tous les jours, nous sommes obligés d’avoir recours aux derniers remèdes et de porter nos plaintes à tous les tribunaux où nous croirons devoir le faire, pour y poursuivre sans relâche la condamnation et la censure de ces pernicieuses maximes. » Le texte de ce factum et des autres écrits des curés de Paris dans le Pascal de l’édit. Garnier, Paris, 1886, t. ii, p. 329 sq.

Lancé dans le grand public le Factum des curés, vraisemblablement rédigé par Pascal lui-même sur les indications des intéressés, ne tarda pas à susciter des répliques, auxquelles il fallut répondre ; ce fut pendant toute l’année 1658 et les premiers mois de 1659 un feu croisé de libelles. Dix écrits des curés de Paris se succédèrent dont plusieurs rappellent, à s’y méprendre, les Provinciales, et pour cause.

5. La censure de Sorbonne.

Pendant ce temps la Faculté de Paris, saisie depuis le 15 janvier par son syndic Denis Guyart, travaillait à l’examen de l’Apologie, trop lentement au gré de toutes les impatiences. Son verdict ne parut que le 16 juillet 1658. De l’Apologie sept propositions avaient été extraites ; une censure était attachée à chacune d’elle. La 1° mérite d’être spécialement signalée ; elle montre nettement que la Faculté voulait éviter à tout prix de se solidariser avec le jansénisme. Le P. Pirot avait imaginé le cas de conscience « d’un serviteur qui se trouve engagé chez un janséniste, lequel lui fait commettre des péchés mortels contre la religion catholique…. Il est capable d’absolution, répondait l’apologiste, s’il a contrition de sa faute passée, s’il déteste l’hérésie des jansénistes, et s’il se trouve en si grande nécessité qu’il ne rencontre point d’autre condition. » A quoi la Faculté opposait la censure suivante : « Cette proposition, en tant que l’auteur prétend qu’il est permis à un serviteur de demeurer dans l’occasion prochaine et dans le péril d’adhérer aux sentiments et aux opinions condamnées des hérétiques, sous prétexte qu’il a contrition de sa faute, qu’il déteste l’hérésie, et qu’il se trouve en une si grande nécessité qu’il ne rencontre point d’autre condition, et que ledit auteur ne veut pas que dans cet état on lui refuse l’absolution, est fausse, scandaleuse, et induit à un danger manifeste de se perdre, d’abandonner la foi. » Les propositions 2 et 3

visaient les excuses apportées par l’apologiste à la simonie ; la 4e était relative à la fameuse doctrine de l’homicide : « La proposition, par laquelle on assure qu’il est permis de tuer un homme qui s’enfuit après avoir donné un soufflet ou un coup de bâton, parce que l’honneur ne se peut recouvrer que par cette voie, laquelle proposition le dit auteur approuve, est fausse, scandaleuse, contraire à la charité chrétienne et à la justice et ouvre le chemin à la vengeance et à la cruauté. La Faculté examinait ensuite longuement les palliatifs proposés par l’apologiste dans la question de l’usure, et concluait ainsi son examen : « L’auteur, dans cette doctrine, non seulement induit à exercer des usures, mais même les conseille, et suggère diverses tromperies pour les pallier, et à cette fin loue et approuve avec scandale la doctrine des livres composés par des hérétiques pour la défense de l’usure et tire de mauvaises conséquences des docteurs catholiques. » Enfin on en venait à la théorie de la calomnie employée comme moyen de légitime défense, et on la déclarait fausse, scandaleuse et dangereuse.

Mais la Faculté, tenant à éviter toute intrusion des querelles jansénistes dans une affaire où elles n’auraient pas dû pénétrer, prenait soin d’ajouter ce qui suit : « Au reste ce livre ayant été fait à l’occasion de quelques lettres françaises, envoyées sous le nom incertain d’un ami à un Provincial, comme la Faculté n’entend point approuver en aucune manière lesdites lettres, aussi n’a-t-elle pas dessein d’autoriser plusieurs autres propositions de ce même livre (l’Apologie) ; au contraire, le zèle qu’elle a pour le salut des âmes et l’intégrité des mœurs fait qu’elle donne avis que cet ouvrage apologétique est composé en telle sorte qu’il induit aisément ceux qui le lisent à chercher trop de prétextes de s’excuser dans les péchés qui se commettent par ignorance criminelle, à demeurer, et non sans péché, dans plusieurs occasions prochaines de mal faire, à prendre part aux fautes d’autrui, à s’abandonner aux excès de la bouche ; à ne point satisfaire selon l’esprit et l’intention de l’Église au commandement d’ouïr la messe, à retenir par fraude et par injustice les biens du prochain et à faire plusieurs autres péchés. Et partant elle juge que la lecture de ce livre est dangereuse et pernicieuse et qu’il la faut entièrement défendre au peuple chrétien. » On voit qu’en somme la liste des griefs invoqués par la Sorbonne contre l’Apologie est très sensiblement la même que celle de Pascal, pour qui elle se gardait bien de prendre parti. Prudence très louable I La Faculté, qui avait extrait de l’Auguslinus les cinq propositions, qui avait expulsé Arnauld de son sein, qui avait amorcé la question du « formulaire », ne pouvait approuver complètement la campagne menée par les Petites lettres. Elle le pouvait d’autant moins que, durant le temps même de l’examen de l’Apologie, les Provinciales venaient d’être condamnées par décret du Saint-Office, 6 septembre 1657. Texte latin de la censure de Sorbonne, dans Duplessis d’Argentré, t. m a, p. 75-80 ; texte français dans Censures… de Paris, p. 326-338.

6. Curés et évéques contre la morale relâchée.

Pendant que la Sorbonne procédait, avec une lenteur toute théologique, à l’examen de l’Apologie, les curés de Paris continuaient avec un acharnement croissant la campagne entreprise par eux contre la morale relâchée. Cette campagne eut un très vif succès. Les curés de Rouen emboîtèrent le pas immédiatement ; ils furent suivis par beaucoup d’autres. Citons ceux de Nevers, d’Amiens, d’Évreux, de Lisieux, dont on trouvera les requêtes dans l’édit. Garnier mentionnée ci-dessus, t. ii, p. 525-552, ceux de Bazas, Beauvais, Orléans, Sens, Pamiers, etc. Pressés par toutes ces instances, les évêques à leur tour durent se mettre en mouvement ; certains même donnèrent le signal de