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    1. LIBÈRE##


LIBÈRE. LE PONTIFICAT

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pape quitta sa résidence de Bérée pour venir s’installer à la cour, à Sinnium. Au dire de Sozomène, il l’ut mêlé de très près aux négociations menées à ce moment par Basile d’Ancyre, pour refouler l’audace croissante des anoméens. II. E., IV, xv. P. G., t. i.xvii, col. 11431150. Ces tractations eurent d’abord un plein succès. Excité par l’évêque d’Ancyre contre l’extrême gauche arienne. Constance favorisa pendant l’année 358 la réaction homœousienne. C’est alors que Libère cul l’autorisation de rentrer à Rome. Nous aurons à nous demander dans la seconde partie de l’article jusqu’à quel point Libère se compromit durant ces tractations compliquées, et si l’on peut vraiment parler d’une chute » ou d’une « capitulation du pape Libère ». Retenons pour l’instant que son retour à Rome est dû à un triomphe momentané de la fraction des antinicéens la plus rapprochée de l’orthodoxie, autant dire à un premier succès, d’ailleurs éphémère, de l’idée catholique.

3° Le retour de Libère : ses dernières années (358-366).

— Ainsi, après trois ans d’absence Libère revenait à Rome. Il y trouvait une situation bien difficile. Le peuple romain, nous l’avons dit, lui était fort sympathique. La courageuse attitude du pape devant l’autorité impériale était bien faite pour le rendre populaire. Dans les premiers jours qui avaient suivi son départ, le clergé avait fait cause commune avec le peuple. Croupe autour de l’archidiacre Félix, il avait déclaré que, Libère vivant, il n’accepterait pas d’autre évoque. Cette belle résolution ne devait pas durer. Le gouvernement fit sans doute pression pour amener le remplacement du pape exilé par un pontife à sa dévotion. Dans des circonstances aussi irrégulières que possible, et dont Athanase a conservé le détail, Hist. arian., lxxv, P. G., t. xxv, col. 783, Félix fut élu, ordonné et intronisé au lieu et place de Libère. Mais, s’il rallia autour de lui une bonne partie du clergé, l’antipape ne put gagner la faveur des masses, et il semble même que la classe sénatoriale lui ait fait grise mine. Le récit de ces événements d’après la première pièce de la Collectio Avellana, sous le titre : Quæ gesta sunt inter Liberium et Felicem episcopos, dans le Corpus de Vienne, t. xxxv, p. 1-3 ; indication rapide dans S. Jérôme, Chronique, ad an. 2365 abr., P. L., t. xxvii, col. 501-502. Quand Constance vint triompher à Rome au printemps de 357, l’opposition contre Félix n’avait pas encore désarmé. LTne députation des plus nobles matrones romaines était venue trouver le souverain, lui demandant comme une grâce de ne pas laisser plus longtemps le troupeau du Christ sans pasteur. A la réponse de l’empereur que Félix était l’homme chargé de paître les agneaux du Christ, les nobles dames avaient reparti que les vrais fidèles ne voulaient pas reconnaître l’intrus. C’est alors que Constance aurait promis le rétour de Libère à la condition qu’il gouvernerait l’Église romaine conjointement avec Félix. Annoncée en plein hippodrome, cette solution avait suscité les risées du populaire. Récit dans Théodoret, H. E.. II, xiv, P. G., t. lxxxii. col. 1010. L’empereur néanmoins tenait à son idée, et quand le synode de Sirmium de 358 eut proposé à Constance de renvoyer Libère à Rome, il fut convenu que Félix et Libère gouverneraient in solidum.cl que l’on passerait l’énonce sur le passé, àu.cpw tov à.-noaxoXiy.w £7rt, Tp07teÛ£ !, v Opovov xoù xo !.vî) îepôcaôai, dit Sozomène qui semble avoir eu sur tout ceci des renseignements assez complets. H. E.. IV, xv. P. G., t. lxvii, col. 1152. Celle combinaison bâtarde, mais qui n’est pas sans exemple dans l’antiquilé chrétienne, n’agréa point aux Romains. Libère, suivant le mot de saint Jérôme, toc. cit., rentra en vainqueur dans la Ville éternelle. Homum quasi victor intravit, Félix et les plus compromis de ses partisans furent chassés. Il n’est pas

impossible que des scènes violentes aient eu lieu, dont le souvenir défiguré par la légende s’est conservé dans le Liber Pontiflcalis et dans la Vita S. Eusebii presbyteri romani. Voir plus loin, col. 641. Félix ne se Uni pas immédiatement pour battu ; peu de temps après, dit la pièce n. 1 de la Collectio Avellana, il revint en forces, occupa la basilique transtibérine de Jules, mais fut de nouveau repoussé, a sa grande honte, par la multitude des fidèles et l’aristocratie : a mulliludine fidelium et proceribus iterum cum mui/no dedecore projicitur. Il disparut alors de la circulation ; selon le même document il serait mort seulement le 22 novembre 305. Nous aurons à dire plus loin comment la légende a fait de lui un martyr immolé par la férocité de « l’hérétique Libère ».

Les événements que nous venons de rappeler ont dû se dérouler dans les derniers mois de 358 et l’année 359. Si l’on pouvait se fier aux indications de la première édition dfi Liber Pontificalis (voir édit. Duchesne, 1. 1, p. 82-83), ce serait le 2 août que Libère serait rentré à Rome, mais cette date est sujette a caution, et les troubles romains ont pu durer un certain temps. Ce fut en réalité une bonne fortune pour Libère, car au printemps de 359 des convocations étaient lancées pour le grand concile occidental qui devait se tenir à Rimini en juillet de cette même année, tandis que les Orientaux se rassembleraient à Séleucie. L’Église de Rome étant déchirée par le schisme ne fut pas convoquée, tout au moins l’on ne sache pas qu’elle ait été représentée à Rimini. Or, si l’on se rappelle que ce concile consacra l’apostasie passagère de l’Occident sous la pression de l’homéisme officiel, on peut se féliciter que Libère n’ait pas eu à se compromettre dans les louches tractations qui amenèrent le triomphe de la formule de Rimini-Séleucie.

Cette circonstance permettra au pape de jouer, au lendemain de la mort de Constance et de l’avènement de Julien, un rôle de premier plan. D’une part, il condamne a par un décret général adressé aux provinces » les décisions de Rimini, tout en défendant de rebaptiser les ariens, Jaffé, n. 220 ; d’autre part, il s’associe aux mesures de réconciliation prises par le synode qu’Athanase réunit à Alexandrie en 362. Jatte, n. 221. L’année suivante, alors que Lucifer de Cagliari et les plus exaltés parmi les nicéens intransigeants commencent contre tous ceux qui ont failli à Rimini une violente campagne qui bientôt amènera un schisme, Libère, fidèle aux décisions prises à Alexandrie, prescrit aux évêques d’Italie de pardonner largement à tous ceux qui se sont compromis, pourvu qu’ils montrent la sincérité de leur foi catholique. Jaffé, n. 223.

L’accession au trône impérial de Valentinicn. février 364, allait précipiter en Occident la renaissance de l’orthodoxie nicéenne. Mais, sous la poigne de Valens, tout dévoué à l’homéisme officiel de Rimini-Séleucie, l’Orient connaissait encore de rudes moments. Le parti néo-nicéen s’y organisait néanmoins qui cherchait à grouper avec les fidèles défenseurs du consubstanlicl les homeeousiens repentis. En 366, on vit arriver à Rome une ambassade orientale conduite par les évêques Eustathe de Sébastc, Silvain de Tarse. et Théophile de Castabala. Elle venait présenter au pape les décisions prises, l’année précédente, au concile de Lampsaque, par les évêques qui avaient longtemps gravité dans l’orbite de Basile d’Ancyre, et qui désiraient rentrer en communion avec Rome. Libère ne reçut les délégués qu’après signature d’un document qui reconnaissait la formule de Nicée et l’opportunité du mot « consubslantiel », condamnait Arius d’une part et d’autre part « l’hérésie du patripassien Marcion, de Photin. de Marcel (d’Ancyre), de Paul de Samosate », et rejetait tout ce qui s’était fait à