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613 LIBÉRALISME CATHOLIQUE. ENSEIGNEMENTS DE LÉON XIII 614

jours. Une fois de plus, Léon XIII reprit la tâche de Grégoire XVI et de Pie IX : fixer la doctrine sur les droits et devoirs réciproques de l’Église et de l’État et sur les libertés revendiquées comme nécessaires par les peuples modernes, mais aussi, ce que n’avait encore fait aucune encyclique, fixer les limites dans lesquelles les catholiques peuvent se prêter à ces revendications des peuples et aux prétentions de l’État. a) L’encyclique « Immortelle Dei » (19 novembre 1885). Léon XIII y pose ces principes : a. Toute autorité vient de Dieu, mais le droit du commandement n’est… nécessairement dû à aucune forme politique. En conséquence, les pouvoirs sont tenus de gouverner selon la loi divine de justice et les peuples à la soumission volontaire. Tout appel à l’insurrection est un crime contre Dieu. — b. Les sociétés politiques ne peuvent vivre comme si Dieu n’existait pas et l’autorité doit favoriser la vraie religion. Elle n’a rien à en craindre ».

— c. L’Église et le pouvoir civil sont souverains, chacun en son domaine. Mais entre eux, comme ils travaillent a la même fin. le bonheur de l’humanité, il doit y avoir non pas séparation, mais harmonie, quelque chose comme l’union de l’âme et du corps. C’est l’harmonie naturelle. Une entente volontaire peut être aussi créée par les concordats. — d. A cette harmonie que les siècles chrétiens ont connue s’est substitué, depuis le xviii c siècle, ce que l’on appelle le droit moderne, opposé sur plus d’un point au droit divin et même au droit naturel : égalité pratique absolue de tous, souveraineté absolue du peuple et droit à l’insurrection, athéisme de l’État, liberté absolue de la pensée H de la parole, égalité absolue de tous les cultes, séparation de l’Église et de l’État, de l’enseignement et de l’Église, autant d’erreurs que condamne la raison et le droit naturel et qu’ont déjà condamnées Grégoire XVI et Pie IX. e. Que l’on n’accuse pas toutefois l’Église d’être l’ennemie-née des institutions politiques et des libertés modernes. Elle peut s’accorder avec toute forme de gouvernement et de la souveraineté du peuple, de la liberté politique et civile, justement limitées ; si elle proscrit une liberté immodérée, se traduisant pour les individus et pour les peuples en licence ou en servitude, elle patronne ouvertement une liberté honnête et digne de l’homme et les progrès que chaque jour fait naître, lorsqu’ils contribuent réellement à la prospérité de la vie présente ». L’Église me condamne même pas les chefs d’État qui, en vue soit de procurer un bien, soit d’éviter un mal, tolèrent, dans la pratique, la coexistence de divers cultes. f. Enfin que, dans la sphère des croyances, particulièrement en ce qui touche aux libertés modernes, les catholiques Se conforment aux décisions du Saint-Siège . Sans doute, un Étal organisé d’après ce droit moderne est plus tolérable qu’un Étal persécuteur.

niais il sera loin d’être l’idéal. En conséquence, que les

catholiques, sans approuver les principes eux-mêmes, se mêlent à la vie politique, à ses divers degrés : en général, c’est un devoir pour eux, car. prenant pour base

rie leur action i.s Institutions existantes, pour règle les directions du Saint-Siège, el les instructions de leurs évéques, ils travailleront au triomphe dela vérité el dela religion Que leurs premiers efforts portent sur

la formation de la jeunesse. Mais ils ne peuvent rien s’ils ne sont unis. Pour l’être, qu’ils SOlent pleinement

docili n mi, les mis. toute acceptation

ie qu’elle soit du rationalisme et du uatura ou ne prétendant pas être catholiques dans la

Vie privée, I neiitns dans la ic publique, les a il 1res, de

ondamner les catholiques qui ne pensent pas < omme dans les questions libres Les journalistes, parti i rement, ne devront jamais perdre cette règle de

lie

i.tic encyclique rééditait le Syllabus, elle fui loin

de déchaîner la même tempête. « Le respect et l’admiration furent la note dominante. » C’est que la pensée de l’Église n’y avait pas été laissée aux interprétations individuelles. Cf. Chapon, Mgr Dupanloup et la liberté, p. 60. Mais les nuances très précises de cette pensée ne pouvaient être comprises alors d’esprits prévenus ou troublés par les luttes récentes. Les uns, des intransigeants, affectèrent d’y voir, avec quelque scandale, un document libéral. D’autres, des libéraux, y virent le triomphe pur et simple de leurs idées : tel l’archevêque de Rouen, Thomas. Dans un discours du 2 décembre, auquel devaient applaudir une vingtaine d’évêques, dont le cardinal Guibert, il proclamait que l’encyclique accordait la sanction « du suprême pontificat » « aux déclarations… aux sentiments. .. aux conseils » de Lacordaire et de Dupanloup. Mgr Freppcl, Mgr Gay partirent en guerre contre ce discours. L’évêque d’Angers interdit même à un journal de son diocèse de le reproduire. L’alïaire est portée à Rome et, au prix de quelques corrections rétablissant la rigoureuse doctrine catholique selon le texte et l’esprit de l’encyclique, le discours du cardinal Thomas était approuvé. Cf. Lecanuet, loc. cit., p. 316322. Sur ces entrefaites, la mort de Falloux, janvier 1886, ranima les vieilles discussions. D’autre part, V Univers s’étant mis à publier un commentaire de l’encyclique défavorable au libéralisme, Mgr d’Hulst jugea le moment venu de publier un commentaire vraiment conforme (il le voulait tel du moins) à la pensée de Léon XIII. Paru dans le Monde, ce commentaire fut ensuite publié en volume, février 1886, sous ce titre : Le droit chrétien et le droit moderne. Mgr d’Hulst y développait cette pensée : Si Léon XIII tend à la paix et à la conciliation, c’est dans la vérité totale. Bauririllart, loc. cit., p. 31, 42.

b) L’encyclique « Libertas » (20 juin 1888). — Trois ans plus tard, Léon XIII publiait sur la question une nouvelle encyclique, Libertas præstantissimum, parce que disait-il, « beaucoup s’obstinent à voir dans ces libertés (les libertés modernes), même en ce qu’elles ont de vicieux, la plus belle gloire de notre époque et le fondement nécessaire des constitutions politiques. »

L’encyclique s’occupe de la liberté morale. Or, « qu’on la considère dans les individus ou dans les sociétés, chez les chefs ou chez les subordonnés », la liberté ne consiste pas « à faire tout ce qui nous plaît », mais en ce que chacun. avec le secours des lois civiles. puisse vivre selon la loi suprême et éternelle, qu’a lixée l’autorité de Dieu..Or. ce qu’est le rationalisme, en philosophie, le libéralismeï’esïdans l’ordre moral et religieux ; le principe de tout libéralisme est l’indépendance absolue de l’homme, laquelle aboutit au pouvoir despotique de l’État. Les uns poussent ce principe aussi loin que possible, et ils placent le droit ou le devoir dans les décisions « les

majorités. D’autres acceptent de se soumettre à la loi naturelle mais non a une loi divine positive. D’autres enfin acceptent de se conformer à la loi divine

positive dans la vie privée niais non dans la vie pu

bique, où aucun devoir religieux ne saisit l’homme

et l’État. CeUX ci se t rompent coin nie les plus avancés :

Dieu étant le principe de tonte honnêteté et de toute

justice, il sérail absurde que l’État put se désintéresser de ses lois OU aller contre elles. (.es trois libéralismes sont des contrefaçons de celle liberté - légitime et honnête que l’Église a toujours revendiquée pour les individus et pour les États.

L’encyclique examine ensuite en elles-mêmes les libertés proclamées connue absolues par le droil moderne, mais pour les condamner de nouveau : <I. Liberté des cultes : elle est contraire au devoir des individus et de l’État de rendre à Dieu le culte qui lui

est dn et de professer la veril aide religion : elle est nn