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603 LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LUTTES D’IDÉES SOUS PIE IX

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dront ; l’on on peut être certain. Beaucoup siègent dans les assemblées politiques et ils ont nue place à y garder. « Nous ne leur demandons, à Dieu ne plaise, de trahir aucun des droits de l’éternelle vérité, » mais il faut qu’ils pensent aussi aux aspirations et aux besoin des âmes d’aujourd’hui ; « la charité aussi a ses lumières, et te patriotisme ses devoirs. Le cœur d’un évoque est celui d’un juge et d’un père. Il saura tout concilier. »

Plus modéré dans la forme que les discours de Matines, ce manifeste en maintenait toutes les idées ; il les opposait, en unvéritableprogramme, au programme de la Civiltà et de l’Univers et il ne leur ménageait pas les attaques, soulignant longuement, par exemple, l’erreur du ralliement à l’Empire qu’avait prôné l’Univers. L’évêque de Poitiers, le 24 octobre, admonesta aussi le Correspondant, dans une allocution au clergé de son diocèse. D’autres voix épiscopales firent écho à la sienne. Quant à l’Univers qui provoquait, à ce moment même, « le plébiciste des âmes » en faveur de l’infaillibilité, il fit de l’article une critique vigoureuse, parfois injuste, car elle ne tenait pas toujours compte de nuances très fines. Cf. Univers du 31 octobre. Le Correspondant, qui voulait éviter toute polémique, se contenta de signaler quelques-unes de ces injustices, n. du 25 novembre, p. 776, et d’attribuer à « l’abondance de l’improvisation » le « peu d’indulgence » de Mgr Pie.

3. Dupanloup, chef de l’opposition. — L’évêque d’Orléans n’imita pas cette modération. Le 10 novembre, il adressait à son diocèse une Lettre pastorale où il annonçait que le futur concile apporterait au monde la paix et l’unité dans la vérité mais aussi dans la charité. Le lendemain, il adressait à son clergé des Observations sur la controverse soulevée relativement à l’infaillibilité au futur concile ; convaincu que l’infaillibilité de fait qui existait était suffisante, que la proclamation du dogme blesserait les gouvernements, les milieux intellectuels et les dissidents, il redisait les raisons qui rendaient inopportune, à son sens, cette définition. Il avait beaucoup hésité avant cette publication ; Falloux l’avait déconseillée. Mais il s’était donné des raisons de passer outre à ce conseil et à ses propres craintes. — Ce qu’il fallait redouter arriva. Comme la brochure portait à peu près le même titre qu’une brochure allemande antiinfaillihiliste parue en octobre, anonyme, mais que l’on attribuait justement à Dœllinger, Observations présentées aux évêques, qu’on savait Dupanloup en relations avec l’auteur, qu’il revenait d’ailleurs d’un voyage en Allemagne, que d’autre part sa brochure venait après les deux livres de Mgr Maret sur le Concile général et la paix religieuse, qu’il venait d’avoir une entrevue avec l’empereur, les infaillibilistes conclurent que les libéraux catholiques avaient partie liée avec Dœllinger, les Allemands antiinfaillibilistes et les gallicans, et que Dupanloup était leur chef à tous. On parla d’une intrigue gallicane, césarienne, libérale, tramée contre le pape, à la tête de laquelle était l’évêque d’Orléans. Le 18 novembre, Veuillot disait dans l’Univers : « Cette lettre donne une tête épiscopale à cette prise d’armes. L’opposition a désormais son chef. »

La nonce de Munich, Meglia, était plus juste quand il distinguait ainsi le germanisme du libéralisme : « Le germanisme n’est pas, comme le libéralisme de certains catholiques, une simple condescendance pour les idées modernes, ou bien une tentative faite, en s’armant des nouveaux principes, pour soustraire l’Église à la servitude des gouvernements ; c’est bien plutôt une sympathie avouée pour les méthodes scientifiques des protestants et une tentative dirigée contre l’influence doctrinale de Rome et des congrégations romaines. « Cité par Goyau, op. cit., t. iv, p. 346. L’assimilation fut ac quise néanmoins. Vainement, les libéraux se déclaraient partisans an fond de l’infaillibilité et prêts à la reconnaître de tout cœur, une fois proclamée ; elle ne pouvait plus être proclamée sans que cela parût contre eux. Ils avaient voulu empêcher que la question lût po après cela, elle ne pouvait plus ne pus l’être et, par conséquent, n’être pas résolue affirmativement.

Ce qui augmenta le bruit autour de la brochure de Dupanloup, ce fut un troisième : Avertissement a M. Louis Veuillot, daté du 21 novembre. Au premier rang de ses contradicteurs, l’évêque avait toujours trouvé Veuillot, et cette fois particulièrement, cl Veuillot l’avait contredit non seulement en ses articles, mais en provoquant le vœu quasi-unanime des catholiques, simples prêtres ou laïques, en faveur de l’infaillibilité. L’évêque faisait savoir à Veuillot que l’épiscopat ne relevait pas d’un journaliste et qu’un laïque n’a pas à trancher des questions de dogme. Le Correspondant, loc. cit., p. 776, approuvait : Nul n’a le droit de parler tous les jours au nom de l’Église et de la régenter en prétendant la défendre. » Mais Dupanloup avait dit cela en termes véhéments qui nuisirent à l’évêque plus qu’au journaliste.

4. Au concile du Vatican, les libéraux catholiques, parti vaincu. — Il n’y a pas à faire ici l’histoire du concile. Antiinfaillibilistes, peu nombreux, antiopportunistes plus nombreux, allemands, austro-hongrois, français et, chez ceux-ci libéraux et gallicans, se sentirent immédiatemment minorité et opposants ; en face d’eux, une majorité compacte était décidée à trancher les questions dans le sens d’un catholicisme intégral, sans s’inquiéter des contingences réelles ou exagérées, dans le sens aussi de la souveraineté pontificale et, en particulier, à voter cette infaillibilité dont la volonté ou la crainte agitaient le monde. Cette majorité le leur fit comprendre dès le début. Qu’ils le voulussent ou non, les libéraux faisaient ainsi figure de parti.

Les vrais chefs français de ce parti étaient Dupanloup et Mgr Darboy qui avait été nommé archevêque de Paris en 1863. En 1864, Mgr de Ségur l’avait dénoncé à Rome comme libéral, et bientôt, en eflcl. il interprétait l’encyclique Quanta cura dans un sens très modéré : « Il n’y a rien là, dira-t-il, d’excessif et de formidable, ce n’est que du bon sens et de la sagesse. » Lettre pastorale du 12 février 1865, Œuvres, t.i, p. 421. Mais il était connu surtout pour sa ténacité à maintenir les droits qu’il revendiquait pour l’épiscopat et qu’il reconnaissait à l’État. Sur l’affaire des réguliers, voir Foulon, Histoire de Mgr Darboy, Paris, 1889, p. 276, et sur ses rapports avec la cour de Rome, voir E. Ambroise, Notes sur Mgr Darboꝟ. 1924, t. ii, p. 1625. Cette attitude lui avait attiré de Rome une longue lettre de blâme du 26 octobre 1865, où était rappelé Fébronius. Celle lettre, qui devait rester secrète, avait été communiquée en 1868, dans les ministères à Paris par le nonce Chigi et à la presse par une indiscrétion dont personne à Rome ne voulut prendre la responsabilité. Cf. Foulon, loc. cit., p. 383 ; Guillermain, Vit de Mgr Darboy, p. 12 ; Ambroise, loc. cit., t. ii, p. 3235, et t. m. Pourquoi Mgr Darboy ne fut pas cardinal. Mais sa Lettre pastorale sur le prochain concile. 28 octobre 1869, n’avait porté à ses diocésains qu’une parole de paix et il s’était efforcé de montrer combien fausses étaient « ces menaces offensantes » colportées « par des hommes plus hardis qu’autorisés » de dogmes nouveaux, d’une Église dressée en face de la société civile pour la condamner puis pour l’asservir, d’un concile qui ne serait pas libre et « où la mnorité. fùl-elle éloquente, serait traitée comme un pirti d’opposition qu’étoufferait bientôt la majoritéa ». Œuvres. t. ii, p. 402-420.

A Rome, en face d’une majorité qui ne laissait