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LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LUTTES D’IDÉES SOUS PIE IX 596

ralisme politique, c’-rpé en dogme « les temps modernes, par une école sincèrement croyante, mais qui se met d’accord en cela avec la société déchristianisée au sein de laquelle elle vit, voilà l’erreur capitale que le Saint-Siège a voulu signaler. » Cf. Baunard, op. cit., t. ii, p. 235, 230. D’autres catholiques maintinrent l’interprétation intégrale et immédiate, tel Veuillot dans l’Illusion libérale. « Le catholicisme libéral n’est ni catholique, ni libéral… Sectaire voilà son nom. Quelles que soient leurs vertus (des libéraux catholiques), et quelque bon désir qui les anime, je crois qu’ils nous apportent une hérésie et l’une des plus carrées que l’on ait vues. » P. 23, 24.

Mais rien n’empêcha l’effet de la brochure incriminée de se produire et de durer. « Cette brochure, dit Eugène Veuillot, soulagea les amis, embarrassa les ennemis et contenta les neutres. » Louis Veuillot, t. iii, p. 495. Quelques-uns de ceux que cette brochure enchantait craignaient quelque blâme de Rome : « Supposez, écrit de Broglie, loc. cit., p. 133, que, dans cette composition rapide, une expression peu correcte au point de vue théologique lui eût échappé (à l’auteur), sur une de ces matières si ardues et qu’il eût été dénoncé au pape, comme ayant voulu faire, aux dépens de la foi, sa cour à la popularité libérale. Supposez seulement que le pape fût choqué qu’on eût l’air de trouver sa pensée mal expliquée, un mot de désaveu venu de Rome, et c’en était fait de la situation de l’imprudent commentateur. Environné comme nous, et à cause de nous, d’ennemis jurés à sa perte, il était brisé sans rémission. » Peut-être ce mot fut-il désiré, mais il ne vint pas. Loin de là, 630 évêques approuvèrent l’écrit de l’évêque d’Orléans, cf. Lagrange, op. cit., t. i, Extraits, en appendice. Enfin, la brochure traduite en italien paraissait dans le journal officieux de la cour’romaine, sans une réserve, sans une rectification et, à la date du 4 février, un bref portait à l’auteur l’approbation du pape. « Vous avez réprouvé ces erreurs, lui disait Pie IX, au sens où nous les avons réprouvées nous-même. » « L’approbation pontificale arriva pleine, entière, presque reconnaissante, » dit de Broglie, ibid., p. 134. D’autres, néanmoins, trouvèrent une réserve Significative dans un passage où le pape se dit « certain que l’évêque saura d’autant mieux instruire son peuple de la vraie pensée du souverain pontife qu’il a mieux su réfuter les interprétations erronées ». Cf. Baunard, op. cit., t. ii, p. 233.

D’autres évêques français interprétèrent également l’encylique et le Sgllabus dans le sens libéral, ainsi de Ginouilhac, évêque de Grenoble, Darboy, archevêque de Paris, le premier « avec beaucoup de solidité », le second « avec beaucoup de lumière », dit Emile Ollivier, L’empire libéral, t. vii, p. 218, mais aucun n’eut la vogue de Dupanloup. En 1866, arriva aux libéraux catholiques français l’appui d’une brochure de Ketteler. Sadowa venait de livrer l’Allemagne à la Prusse. Examinant cette nouvelle situation dans sa brochure, Dcutschland nach dem Kriege 1866, Mayence 1866, qui eut en quatre mois cinq édition et que l’abbé Belet traduisit immédiatement en français, 1867, Ketteler, consacre à la question de l’Église les trois derniers chapitres : l’Église et l’École, le libéralisme et l’Encyclique, la situation de l’Église. Vu la situation des diverses communions chrétiennes en Allemagne, il souhaite que s’étende à tous les Étais de la Confédération du Nord le régime de liberté absolue que reconnaît à tous les cultes sans distinction la constitution prussienne de 1850. Mais, se demande l’évêque dans le chapitre Le Libéralisme, des catholiques peuvent-ils accepter la liberté de conscience et l’égalité des cultes ainsi formulées « sans blesser leurs principes religieux et en particulier ceux de l’Encyclique » ?

Il a, d’ailleurs, une raison personnelle de poser la question. Dans un de ses écrits antérieurs l’on a trouvé ces mots : « Il n’existe aucun principe qui empêche un catholique de penser qu’il est des circonstances où l’État ne peut rien faire de mieux que d’accorder une pleine liberté religieuse. » Or, le jésuite Schrader a publié à Vienne, au début de 1866, un livre bic Enzyklika vom 8 December 1864, où il tente « de rédiger les. formules affirmatives qui ripostent à chacune des thèses condamnées par le Sgllabus », Goyau, op. cit., t. iii, p. 323 et, à propos des thèses 77-79, il prend à parti l’évêque, sans le nommer. « On ne peut plus dire, écrit-il, comme on l’a répété : Il n’existe aucun principe. .. « Les Feuilles hislorico-politiques de Munich ayant précisé que le religieux visait l’évêque de Mayence et ayant voulu, dit celui-ci, « tempérer le sens de nos paroles », Ketteler se crut obligé de s’expliquer.

On ne peut, dit tout d’abord Ketteler, sous peine de multiples « bévues », établir le sens des propositions du Syllabus « par des explications générales, comme si c’était là toute la doctrine du Saint-Siège ». Ces propositions sont des extraits ; pour les comprendre, il faut étudier le contexte. Cela est si vrai que l’acte pontifical indique les pièces d’où elles sont tirées et que, depuis, ces pièces ont été publiées intégralement avec cet avertissement officiel qu’elles étaient nécessaires pour l’intelligence du Syllabus. Puis, à cette lumière, il étudie les propositions du Syllabus « se rapportant au libéralisme », et il résume ainsi lui-même le résultat de cette étude. « Le pape condamne absolument, et dans toutes ses conséquences, le libéralisme irréligieux ; par conséquent, il réprouve toute situation légale qui ravirait à l’Église cette protection générale et légale qui est fondée sur la nature de l’État ; il désapprouve cette opinion, qu’il ne convient plus, pour aucun pays, que la religion catholique soit reconnue comme religion d’État, à l’exclusion de tout autre culte ; il rejette l’exercice public et illimité de tous les cultes religieux ; il flétrit le sentiment selon lequel la liberté illimitée de tout imprimer et propager est inoffensive pour les mœurs et les sentiments des peuples ; il rappelle qu’il existe un faux progrès, un faux libéralisme, une fausse civilisation que les catholiques ne sauraient accepter. » Et Ketteler conclut que : a) « dans les conditions actuelles de l’Allemagne et dans les conditions semblables, un catholique peut admettre la liberté du culte public, en faisant les restrictions nécessaires », et répéter la phrase incriminée sans aller contre le Syllabus ; — b) la liberté de conscience et l’égalité des cultes, entendues dans le sens de la constitution prussienne… sont, dans la Confédération du Nord et les autres États allemands, comme la meilleure réglementation des affaires ecclésiastiques de ces pays… et même comme une nécessité ». Il précise à ce sujet : « Nous ne devons point demander l’égalité : 1° par indifférentisme… : 2° en ce sens que cet ordre de choses serait le seul idéal de la position à laquelle l’Église ait droit, l’ordre de choses seul et parfaitement conforme à la nature de l’État… ; 3° dans le sens d’une séparation de l’Église et de l’État, dans le sens d’un État irréligieux, athée. » Et il reproche à « quelques catholiques français et belges des erreurs funestes sur ce sujet ». La liberté et l’égalité des cultes n’ont pas pour conséquence ce qu’ils admettent : un État n’ayant aucun souci de la religion de ses sujets, de leurs sentiments religieux ; il doit reconnaître ces sentiments « dans toutes ses lois, dans toutes ses institutions, dans tous ses règlements et surtout dans les écoles qu’il fonde ». Il rappelle enfin que « l’on ne saurait accorder une liberté religieuse qui contredirait la loi morale ou contredirait l’existence de Dieu ». Le Correspondant, mai 1867, s’empressa d’étudier la brochure de Ketteler et publia