Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/298

Cette page n’a pas encore été corrigée

581 LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LUTTES D’IDÉES SOUS PIE IX

582

gallicanisme. Il y allait de l’autorité et de la liberté de l’Église. » Louis Veuillot, t. iii, p. 73.

2° Le conflit entre les deux partis catholiques. Les organes et les chefs (1852-1859). — « Je suis énergiquement résolu à ne pas suivre cette route fatale, » avait écrit Montalembert au hollandais Cramer, loc. cit.

Et, en ellet, dansl’intérêt même de l’Église, il le croyait du moins, il lutta. Et, pour lutter plus efficacement, il fait revivre le Correspondant qui languit. En 1855, il en prend la direction sous l’impulsion deDupanloup, avec le concours d’Albert de Broglie, un doctrinaire gallican, devenu catholique militant, mais resté orléaniste, du légitimiste Falloux, de Foisset, Lacordaire A. Cochin. Un article d’Albert de Broglie, du 25 janvier 1856, Du caractère de la polémique religieuse actuelle. Langage de la presse, fut le manifeste du groupe. Depuis 1852, disait-il, certains catholiques ont fourni aux ennemis de leur religion l’occasion d’accuser celle-ci de n’aimer ni la raison, ni la société moderne, ni la liberté ou religieuse ou politique et de se faire les alliés de la tyrannie. Le Correspondant tient à affirmer que ses rédacteurs ne voient aucun antagonisme entre la raison et la foi, l’Église et la société moderne, l’Église et la liberté catholique ; quant à la liberté religieuse, ils ne voient qu’une solution aux questions qu’elle soulève : se placer sur le terrain du droit commun. — En même temps, le groupe s’efforçait de conquérir l’opinion éclairée : il sembla disposer de l’Académie où il comptait bien des amis comme Tocqueville, Thiers, Guizot et où entrèrent successivement cinq de ses chefs : Montalembert, Dupanloup, de Falloux, Lacordaire, qui succéda à Tocqueville, de Broglie qui remplaça Lacordaire, puis de Carné et enfin Gratry. Dans l’histoire, dans la philosophie, il produit des travaux remarquables avec Montalembert lui-même, de Falloux et de Broglie, Maret et Gratry. Enfin, une partie de l’épiscopat se prononçait pour lui. Le parti ultramontain était autrement redoutable. Non par le talent, certes, bien que Veuillot à lui seul ne fût pas inférieur à la coalition du Correspondant et que le groupe comptât des historiens comme Guéranger ou des philosophes comme Bonnetty ; non par l’influence sur l’épiscopat, bien que l’évêque de Poitiers, le futur cardinal Fie, ne fût pas le seul à défendre l’Univers, mais par le fait même de la position prise. Cette position était nette, celle des libéraux était en nuances et subtilités ; l’approbation du clergé de second ordre et des fidèles alla donc plutôt à cellc-lâ. Puis l’Empire autoritaire ne pouvait qu’appuyer un parti autoritaire ; enfin, se plaçait toujours au centre des principes pour en déduire les conséquences logiques, ce parti ne pouvait jamais encourir le blâme doctrinal de Rome.

Veuillot ne laissa pas passer sans le critiquer L’article d’Albert de Broglie ; Falloux répondit dans le Correspondant des 25 avril et 10 mai 185(i par deux articles auxquels répliqua l’Univers. Après la politique, L’histoire mit aux prises les deux campa. De Broglie publiait, en 1856, sou livre sur l’Église et l’Empire romain OU IV* Siècle, dans la préface duquel il expliquait que

l’Eglise avait conquis les païens parce qu’elle avait su l’adapter à eux et ne point les heurter, et il exprimait l’espoir qu’à plus loi le raison elle traiterait de même le monde moderne. El Guéranger lui répondil dans l’Univers par des articles qu’il réunit en un volume : i/j sur lr naturalisme contemporain. Il reprochait

Broglie de ne tenir aucun compte du surnaturel.

opprimer ainsi I ai lion de Dieu sans laquelle la

conversion du monde païen ne saurait s’expliquer, el de

préférer au Moyen ue le monde moderne, c’est à dire

I ordre de choses dans lequel l’humanité émancipée

du joug de l’Église pourvoi ! tlnées sans plus

accepter ni impulsion, ni direction, ni correction de la

part de cette autorité ». — Montalembert, dans l’introduction, c. ix, de son premier volume sur Les Moines d’Occident, répondra lui aussi à « la critique hargneuse et oppressive » qui « s’est fait un Moyen Age de fantaisie » d’après « des théories aventureuses et des passions rétrogrades », se retourne « vers la force comme vers la meilleure alliée de la foi, et se fait une joie perverse d’écraser sous d’étranges et insupportables prétentions la conscience et la dignité humaines ». Enfin la philosophie fournit encore aux adversaires un champ de bataille. Les libéraux avaient considéré comme une victoire la condamnation par l’Index, le Il juin 1855, de quatre propositions traditionalistes soutenues par Bonnetty dans les Annales de philosophie chrétienne et plus ou moins adoptées par l’école intransigeante ; en 1861 et 1862, l’Index ayant condamné des propositions ontologistes de Hugonin et de Branchereau, l’école intransigeante triompha à son tour des libéraux pour une raison semblable. Surtout, les deux camps luttèrent à Rome à propos de la philosophie de Cousin ; Pie et ses partisans voulaient la faire condamner ; Sibour, Dupanloup intervinrent et arrêtèrent la condamnation. Cf. Barthélémy Saint-Hilaire, M. Victor Cousin, 1895, t. ii, p. 1 sq. En 1856, un épisode faillit devenir plus grave que les autres. Vers la fin de cette année, un livre anonyme avait paru, intitulé : L’ « Univers » jugé par lui-même ou études et documents sur le journal « L’Univers » de 1845 à 1888, in-8°, Paris. C’était un recueil de textes commentés de façon à montrer la mauvaise foi du journal intransigeant. On l’attribua à Dupanloup et même à Sibour. L’abbé Cognât, un des principaux rédacteurs de l’Ami de la religion, où il voulait montrer, dira-t-il, dans la préface d’un recueil de ses articles, intitulé Polémique religieuse, 1861, « l’union sans confusion, la destruction sans séparation de l’ordre naturel avec l’ordre surnaturel, et la réconciliation, dans l’autorité et la liberté du monde moderne, avec le catholicisme », s’en déclara le seul auteur. Yeuillol lui intenta un procès qu’il arrêta après l’assassinat de Sibour, 3 janvier 1857. Cf. E. Veuillot, op..cit., c. vi. En 1857 encore, Maret présentera au ministre des cultes, Rouland, deux Mémoires où il dénonce les ultramontains comme antimodernes, antifrançais, antinapoléoniens, et demande au gouvernement d’agir pour brider Borne. Bazin, Vie de Mgr Maret, 1. 1, p. 421 sq. En décembre enfin de cette même année. Montalembert, dans une lettre que publia l’Indépen dante de Turin, ayant attaqué l’Univers et la Cioiltù catlolica, et dit que « les partis se laissent mener par leur queue », Veuillot. se sentant visé, répondit violemment à cette attaque et aux dernières du Correspondant par une série d’articles qui forment quarante-quatre pages de ses Mélanges SOUSCe titre : M. de Montalembert. ses idées, et sa situation politique. Caractères de sa polémique. - Mais des jours mauvais venaient pour l’Église. 3° Lr libéralisme italien et le pouvoir temporel. Cavour et Montalembert (1859-1860). — Tondis que l’Église de France se fondait davantage dans l’unité romaine par l’affaiblissement du gallicanisme et l’adoption de la liturgie romaine, l’opinion et la pensée dans le pays se détachaient de l’Église : l’opinion, sous l’influence d’une presse qui, malgré les entra es légales, exploite contre l’Église son ail I - l’Empire, et la puisée, qui

attaque l’Église sur des terrains nouveaux on. absor

béa par ses luîtes intérieures, elle est peu préparée à

se défendre,

i, n littérature, te réalisme s’affermll avec Madame Bovarꝟ. 1857 ; le positivisme inspire les Poèmes unit que », 1853 el les poèmes barbares, 1859, de Leconte

de Liste el. surtout, domine la philosophie tandis que

les catholiques Intransigeants s’acharnent contre te vague spiritualisme de Cousin dont prègne est Uni,