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LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LE LIBÉRALISME MODÉRÉ


qu’ils professèrent au Collège de France, en 1843, et qu’ils publieront en commun, l’année suivante, sous ce titre : Des Jésuites. Des journaux font écho : le Courrier français, le Sational, où écrit Génin qui publiera, en 1844, une brochure intitulée : Les jésuites et l’Université ; le Constitutionnel, qui offre alors cent mille francs à Eugène Sue pour un feuilleton contre les jésuites ; le Journal des Débats lui-même, avec Libri. l : ne véritable réaction antireligieuse sortit de là dont les jésuites paieront les frais.

3. L’évêquc Parisis. Un parti catholique sur le terrain libéral. — Les protestations de l’épiscopat contre le projet Villemain (cf. le recueil intitulé : Protestation de l’épiscopat français contre le projet de loi sur l’instruction secondaire, 1841), prouvaient qu’il avait compris la gravité de la question, que celle-ci dépassait de beaucoup la question restreinte des petits séminaires. L’archevêque de Lyon demandait même « la liberté de l’enseignement, comme en Belgique ». Lecanuet, op. cit., p. 168, et ce mot sera encore un mot d’ordre pour un temps. Mais on sentait cet épiscopat hésiter, soit crainte de se compromettre et de lutter, de montrer la faiblesse de l’Église de France et de n’aboutir qu’à un échec, soit répugnance à recevoir l’impulsion d’un laïque, fût-il Montalembert, à renoncer aux droits propres de l’Église, à revendiquer simplement le droit commun, la liberté pour tous, même pour les hérétiques et les athées !

Heureusement pour Montalembert, l’évêque de Langres, Mgr Parisis, revenant de Belgique, où il s’est entretenu avec l’évêque de Liège, Van Bommel, qui avait publié, en 1840, un Exposé des vrais principes sur l’instruction publique, s’annonce gagné à la nouvelle tactique. Coup sur coup, il publie des brochures où il parle en citoyen autant qu’en évêque et où, lui dira Veuillot, « il va jusqu’à la limite des conquêtes catholiques ». Correspondance, t. i, p. 216 : en 1843, Liberté de l’enseignement, Examen de la question au point de vue constitutionnel et social ; Réponse à quelques objections ou second examen ; en mars 1844, après le dépôt d’un nouveau projet Villemain devant la Chambre des Pairs. Troisième examen ; puis, trois Lettres de Mgr l’évêque de Langres à M. le duc de Broglie et, en août, un Quatrième examen. Vers la même date, le 20 août, il envoyait à Montalembert une pleine approbation sous ce titre : Lettre de Mgr l’évêque de Langres à AI. le comte de Montalembert sur la part que doivent prendre aujourd’hui les laïques dans les questions relatives à la liberté de l’Église. Sur l’action de Parisis, voir Ch. Guillemant, Vie de Mgr Parisis, t. n.

Montalembert avait espéré, tout dabord, que Mgr Afîre prendrait la tête du mouvement. L’archevêque publia bien des Observations sur les controverses élevées au sujet de la liberté de l’enseignement, 1843, où, à la fois, il blâmait les violences de quelques-uns et réclamait pour l’Église le droit d’enseigner ; mais, à la lutte, il préféra le moyen plus discret d’un Mémoire qu’il adressa au roi, de concert avec ses sufîragants. « Oh ! que je fais des vœux, disait Veuillot à Parisis. loc. cit., pour que l’épiscopat entre dans la voie que vous lui tracez. » La plupart des évêques préférèrent adhérer au Mémoire alambiqué et inoffensif d’Affre, que l’Univers avait publié par surprise le 4 mars, et que le ministre des cultes avait blâmé « comme inconvenant et opposé au véritable esprit de la loi du 18 germinal an X ». Cruice, Vie de Denis-Auguste Affre, c. xxxiv. Malgré cela, Montalembert se sent couvert. Il s’occupa alors d’organiser les catholiques militants pour une action commune, plus heureusement encore qu’aux plus beaux jours de l’Agence générale. De son côté, Veuillot, qui a organisé ici ou là un comité catholique rattaché à l’Uni vers, souhaite « de voir en France un grand nombre de comités de ce

genre et de constituer une agence qui produirait sans cesse cette agitation pacifique dont O’Connell en Irlande a retiré tant de fruits ». Montalembert organise donc un comité directeur pour la défense de I" liberté religieuse, à qui il donne pour devise : Dieu et mon droit, et qu’il compose uniquement de laïques, puisque l’épiscopat se dérobe ; en province s’organisent quatre-vingts comités diocésains. L’Univers est l’organe du comité central ; le Correspondant et divers journaux provinciaux qui se fondent appuient l’action. Malgré quelques journaux légitimistes qui reprochent aux catholiques de ne pas combattre la monarchie de Juillet, malgré Rome qui les accuse de soulever de dangereuses questions, d’attirer des représailles — ainsi contre les jésuites — et où Lambruschini parle de la coda de Lamennais, Lecanuet, op. cit.. p. 267, et aussi malgré quelques catholiques qui craignent d’apparaître minorité où le catholicisme est la religion de la majorité, les vrais catholiques actifs constituent maintenant un groupe homogène ayant immédiatement un but commun. la conquête de la liberté d’enseignement, une tactique commune, la revendication du droit commun, de la liberté pour tous et d’une, façon plus générale, voulant conquérir « la liberté religieuse sous le drapeau de la liberté civile. Cf. Lacordaire, Correspondance avec Mme Schwetchine, lettre du 16 juin 1844. Le comité met en branle tous les moyens légaux, pétitions, publications, etc. Les voltairiens et les gallicans répondent : la réédition par Dupin de son Manuel de droit ecclésiastique français, augmenté d’une Réponse à quelques considérations de M. le comte de Montalembert, d’une Défense de la loi du 18 germinal an X attaquée par les ullramontains, 1844, provoque une protestation presque unanime de l’épiscopat groupé autour de l’archevêque de Lyon et une condamnation de l’Index ; par ailleurs, l’attaque des voltairiens et des gallicans contre les jésuites se termine par la mission Rossi et l’intervention de Rome. Le parti catholique, conduit par ses comités, entraîné par une brochure de Montalembert, Du devoir des catholiques dans les élections. fait élire 140 partisans de la liberté d’enseignement, aux élections législatives de 1846. Sur l’attitude de l’épiscopat dans ces événements cf. Recueil des actes épiscopaux relatifs au projet de loi sur l’instruction secondaire, publié par le comité pour la défense de la liberté religieuse, 4 vol., 1845 ; le quatrième contient les actes épiscopaux qui concernent le Manuel de Dupin.

4° En France, les catholiques libéraux conquièrent la liberté de l’enseignement secondaire. En Europe, progrès puis recul du libéralisme (1846-1850). — 1. L’abbe Dupanloup et le libéralisme conciliateur. — Dupanloup. alors vicaire général de Paris et supérieur du petit séminaire de Saint-Xicolas-du-Chardonnet, qui s’était mêlé à la controverse autour du second projet Villemain en 1844 par deux lettres à M. le duc de Broglie, et à la discussion sur la Compagnie de Jésus par une brochure, Les associations religieuses. 1845, allait devenir avec Lacordaire et le P. de Ravignan l’un des conseillers intimes de Montalembert et l’un des chefs du mouvement catholique libéral.

Il publiait, en effet, peu après la dernière brochure citée, un livre intitulé : De la pacification religieuse, qui faisait grand bruit. Il y soutenait que la paix entre l’Eglise et la société moderne était nécessaire et possible « Les institutions libres, — il ne dit pas les dogmes, — la liberté de conscience, la liberté politique, la liberté civile, la liberté individuelle, la liberté des familles, la liberté de l’éducation, la liberté des opinions, l’égalité devant la loi, … tout cela, écrit-il, nous l’acceptons franchement. » C. iv. Quant à la liberté de l’enseignement, il est prêt à consentir certaines concessions à la condition que l’Etat recon-