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481 LÉVITIQUE (LIVRE DU). ORIGINE DES PRESCRIPTIONS ET INSTITUTIONS 482

teurs de milieu sacerdotal. « Ce n’était point sous l’angle de la loi que se présentait à eux le sujet de leurs récits ; s’ils jugeaient les faits et les hommes, ce n’était pas elle qui leur fournissait une mesure d’appréciation ; mais ils voyaient et jugeaient tout sous l’inspiration de l’esprit prophétique, qui était la lumière de leur pensée et l’inspiration de leur conscience. S’ils nous dépeignent la religion populaire sans stigmatiser ses violations de la loi sacerdotale, s’ils pratiquent devant nous leur religion sans respecter toujours celle-ci, nous ne sommes nullement obligés de conclure que celle-ci n’existait pas ; nous pourrons tout aussi bien dire, ou qu’ils l’ignoraient comme tant d’autres fidèles Jahvéistes étrangers à l’activité littéraire du haut sacerdoce, ou qu’ils ne lui reconnaissaient pas encore ce caractère d’obligation impérieuse qu’elle ne réussit en fait à se donner qu’assez tard. » L. Desnoyers, Histoire du peuple hébreu des Juges à la Captivité, t. i, La période des Juges, Paris, 1922, p. 323.

1. Le sacerdoce lévitique.

A l’origine, s’il faut en croire maints historiens de la religion d’Israël, non seulement il n’y aurait pas eu de distinction entre différentes catégories de ministres du culte, mais bien plus on ne trouverait même pas trace de l’idée d’une distinction entre prêtres et laïques. Chacun immolait à sa guise les victimes du sacrifice ; les exemples ne manquent pas de sacrifices offerts par des rois en particulier, ainsi Saiil à Galgala, I Reg., xiii, 9-12 ; xv, 15, David devant l’arche et à Orna, II Reg., vi,

13, 17, 18 ; xxiv, 25, Salomon à Gabaon et à Jérusalem, III Reg., iii, 3, 4, 15 ; viii, 5, 62, 64 ; ix, 25, ces deux derniers d’ailleurs bénissant le peuple tout comme des prêtres. II Reg., vi, 18, 20 ; III Reg., viii,

14, 55. Prétendre que ces personnages n’auraient pas eux-mêmes sacrifié mais simplement ordonné les sacrifices n’apparaît pas une réponse satisfaisante, car les textes n’autorisent guère pareille interprétation ; le rédacteur des Paralipomènes le sentait bien qui dans les textes parallèles a remplacé David par les lévites, II Par., xv, 26. De ces exemples et d’autres semblables faut-il conclure à la non-existence d’un sacerdoce institué par Moïse ? Nullement ; mais il faut reconnaître que le sacerdoce nouvellement institué ne se substitua pas du jour au lendemain à la coutume antérieure en vertu de laquelle certaines fonctions religieuses et particulièrement l’offrande du sacrifice étaient surtout exercées par les chefs de famille. Ce sacerdoce familial ou patriarcal fut sans doute peu actif durant le s jour au désert, Moïse y veillant à l’observation du nouveau statut religieux, mais avec la période des Juges la dispersion des tribus et par suite une certaine décentralisation religieuse permirent à l’antique coutume de se ranimer et c’est ainsi qu’on voit Gédéon, Jephté, Manué… offrir des sacrifices. La législation lévitique n’avait-elle pas d’ailleurs fait leur place aux chefs de l’assemblée, dans la célébration du culte nouveau, en leur prescrivant d’imposer les mains sur la tête du taureau oflert en sacrifice pour le péché ? Lcv., iv, 15. Le Deutéronome, xxi, 3-4, offre un exemple analogue.

L’établissement de la royauté n’apporta pas grandes modifications a ce sujet, et les rois eux-mêmes, les chefs de toute l’assemblée d’Israël, remplirent certaines fonctions religieuses, que, dans la suite, les membres du sacerdoce lévitique furent seuls à exercer. Les titres de prêtre et de roi n’étaient-ils pas du reste très souvent réunis dans l’antiquité sur la même personne ? Cf. l’épisode de Melchisédech, Gen., xiv, 1820. Cette sorte de sacerdoce royal ne disparut pas avec les premiers temps de la monarchie ; au vin* llëcle encore, en Juda, Achaz monte a l’autel pour y brûler son holocauste et son oblation, répandre ses libations et verser le sang de ses sacrifices pacili pies,

Dl( r. DB liii.’H. CATIIOL.

IV Reg., xvi, 12-13, sans souci des revendications adressées par les prêtres à un de ses prédécesseurs, Ozias, usurpant également les fonctions saintes et encourant de ce fait un terrible châtiment, II Par., xxvi, 16-21. Si les droits du sacerdoce légal finirent par s’imposer, ce ne fut pas sans difficulté et après une longue période de luttes et de revendications qui amena la disparition de ces usurpations royales « à mesure que le sacerdoce obtenait, par habileté ou par énergie, la reconnaissance des prérogatives qu’il tenait ou qui découlaient des droits fixés dès son institution. Cette délimitation progressive des droits religieux respectifs de la royauté et du sacerdoce s’est toujours effectuée ainsi dans les temps anciens comme dans les temps modernes. Pourquoi s’étonnerait-on qu’elle ait suivi, en Israël, la voie commune de l’histoire ? Ce n’est pas d’institutions singulières, mais c’est de sa connaissance du vrai Dieu que le peuple élu tira toute sa grandeur. » L. Desnoyers, La religion sous les trois premiers rois d’Israël, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique de Toulouse, 1925, p. 71.

Ce sacerdoce, dont les origines mosaïques ne sauraient être contestées malgré la survivance de pratiques contraires, à qui exactement était-il dévolu ? à tous les membres de la tribu de Lévi sans distinction ou bien aux seuls descendants d’Aaron ? N’est-ce pas une innovation de la législation sacerdotale, due à l’influence d’Ézéchiel, que l’organisation d’une hiérarchie parmi les ministres du culte, les uns étant de véritables prêtres, les autres de simples serviteurs voués aux fonctions inférieures du culte ? Le Deutéronome lui-même, dont la législation n’est pour les critiques, que du vu 6 ou tout au plus du vin 8 siècle, ne connaît pas de différence entre prêtres et lévites. Cf. supra. Les triDts prêtres et lévites s’y rencontrent souvent tantôt unis, tantôt séparés, mais l’expression caractéristique du livre est celle de « prêtres léviti i les », c’est-à-dire : les prêtres appartenant à la tribu de Lévi, selon l’exacte traduction de l’expression hébraïque : hakkôhânyim hale wyim, ce dernier mot étant adjectif et non apposition. Si rien, prétendent les critiques, ne laisse entrevoir d’après le Deutéronome une distinction hiérarchique entre deux fractions de la même tribu pour un motif d’hérédité ou pour tout autre motif, rien non plus, pouvons-nous dire, ne permet d’affirmer que toute distinction hiérarchique soit exclue ; bien plus, cette distinctio i ne paraît-elle pas tout au moins insinuée dans le passage souvent cité à l’appui de la thèse de l’égalité absolue entre prêtres et lévites dans le code deutérono inique, Deut., xviii, 1-7 ? En effet, tandis que les ꝟ. 1 et 2 envisagent l’ensemble de la tribu, les ?. 3-5 mentionnent les redevances dues aux prêtres seuls et les ꝟ. 6-7 les droits des simples lévites. Le t. 1 d’ailleurs en employant l’expression les prêtres lévitiques, tout ce qui est de la tribu de Lévi. laisse bien entendre que les prêtres lévitiques sont distincts des autres membres de la tribu. H. Pope, The date of the composition of Deuteronomij, Rome, 1911, p. 46. La même expression, prêtres lévitiques se retrouve encore au IIe livre d’Esdras, x, 29, 35, et là certainement, nul ne songera a y voir la négation de la distinction entre prêtres et lévites.

Quant au passade d’ÉEéchiel, xi.tv, 9-16, point de départ, dit-on, de la législation sacerdotale sur la hiérarchie sacrée, a i M réellement le sens qu’on lui prête ? « Les lévites, dit Jahvé, qui se sont éloignés de moi, au temps de l’égarement d’Israël, qui se sont égarés à la suite de leurs idoles, porteront leur iniquité ; ils seront dans mon sanctuaire des serviteurs pu prises : ui portes fie la maison…, ils n’approcheront pu de moi pour remplir devant moi les fonc IX

H.