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479 LÉVITIQUE (LIVRE DU). ORIGINE DES PRESCRIPTIONS ET INSTITUTIONS 480

gramme de restauration religieuse, dressé par le prophète exilé, comme la transition nécessaire entre les deux recueils législatifs du Deutéronome et du Code Sacerdotal. Le statut du sacerdoce lévitique serait à ce point de vue très significatif. Tandis que le Deutéronome ne distingue jamais entre prêtres et lévites, les termes étant pour lui synonymes, cf. Deut., xvii, 12 et 9 ; xviii, 1 et 3, et les fonctions identiques, Deut., xix, 17 et 9 ; xvii, 18 et xxxi, 24-27, Ézéchiel distingue expressément et avec insistance les deux classes, justifiant cette distinction par l’histoire : les lévites sont des prêtres sans doute, mais déchus de leur dignité et privés de leurs fonctions en punition de leur idolâtrie dans les hauts-lieux, Ez., xuv, 9-14 ; désormais, ils ne rempliront plus qu’un service inférieur, celui de serviteurs des prêtres et de portiers du temple nouveau ; seuls, les prêtres et les lévites, fils de Sadoc, qui sont demeurés fidèles et n’ont pas eu de part dans la prévarication d’Israël, offriront les sacrifices, revêtiront les ornements sacrés, seront véritables prêtres en un mot. Dans la loi lévitique enfin, la distinction entre prêtres et lévites est à la base de tous les règlements hiérarchiques et remonte à la législation du Sinaï : seuls les descendants d’Aaron sont prêtres, les autres membres de la tribu de Lévi sont de simples lévites ; au sommet de la hiérarchie sainte le grand prêtre, fils aîné d’Aaron. Ainsi donc, pour ce qui est du sacerdoce, le prophète de l’exil apparaît tenir réellement le milieu entre le Deutéronome et le Code Sacerdotal et avoir préparé le passage de l’un à l’autre. La comparaison des ordonnances relatives aux fêtes, aux différentes espèces de sacrifices aboutit à la même conclusion : La Loi de Sainteté ne saurait être antérieure à l’exil.

Que cette conclusion ne puisse s’imposer en toute rigueur, c’est ce qui ressort, indépendamment des considérations générales sur l’antiquité de certaines prescriptions du Lévitique et de la Loi de Sainteté particulièrement, des remarques suivantes.

a) S’il y a des ressemblances nombreuses et indéniables, entre Ézéchiel et la Loi de Sainteté, il y a également, non moins nombreuses et non moins évidentes, des dissemblances surtout dans la législation des fêtes et des sacrifices ; et de ce fait se trouve sensiblement atténuée la valeur d’une argumentation qui ne tient compte que des seules ressemblances. Hôpfl, art. Pentateuque et Hexateuque, dans Dict. apolog., t. iii, col. 1901.

b) D’autre part.’le "plan de "restauration religieuse d’Ézéchiel est-il bien un plan réel, ou bien ne proposet-il pas plutôt une restauration idéale et irréalisable ? Quelle valeur historique donner dès lors à ses renseignements sur la distinction des prêtres et des lévites ? Mangenot, Authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907, p. 261.

c) Il faut aussi ne pas oublier la différence des points de vue qu’adoptent les législations deutéronomique et lévitique, sous peine d’aboutir à des conclusions inexactes. Tandis que la première envisage surtout les manifestations privées et familiales de la piété, expression des sentiments religieux de chaque individu ou de chaque famille, venant dans le temple accomplir les divers actes de la religion et réclamer le ministère des prêtres, la seconde, sans méconnaître les manifestations privées du culte. Lev., xxiii, 38, se préoccupe surtout du culte officiel que « le clergé, a charge de rendre à Dieu au nom du peuple tout entier, des absents aussi bien que de ceux qui sont présents. Le clergé apparaît perpétuellement dans le Code Sacerdotal en fonction de représentant du peuple auprès de Jahvé, et c’est pourquoi un service est organisé indépendamment de ce que chaque fidèle ou chaque

famille peuvent faire d’eux-mêmes. » Touzard, L’âme juive au temps des Perses, dans la Revue biblique, 1919, p. 79.

d) Non seulement les différences sont nombreuses entre les deux livres, mais elles demeurent inexplicables si les lois lévitiques dépendent d’Ézéchiel. De ces différences il s’en trouve quelques-unes dans les conditions de sainteté requises des prêtres, par exemple au sujet des qualités exigées de l’épouse des prêtres et de celle du grand prêtre, Ez., xuv ; Lev., xxi, 13-15 ; de plus importantes existent dans les ordonnances concernant leurs revenus : ici, ils ne doivent avoir aucune part d’héritage |en Israël, Ez., xliv, 28 ; Jahvé lui-même sera leur partage, Ez., xlmii, 9-12 ; leur subsistance toutefois sera assurée par les propres revenus de Jahvé qui leur seront réservés : oblations, victimes offertes pour le délit ou le péché, ce qui a été voué par anathème, prémices des premiers fruits de toutes sortes… Ez, , ’xuv, 29-30 ; là, au contraire sont déterminés avec grande précision les tributs à prélever pour celui qui offre le sacrifice ; c’est à lui que reviennent directement les dîmes et non plus au prince qui devait au nom du peuple pourvoir aux liturgies sacerdotales, Lev., vi, 8 ; vii, 38. Différences également dans le calendrier des fêtes ; rien dans le livre du prophète sur la fête des Trompettes, ni sur celle de la Pentecôte, aucune allusion à la grande fête de l’Expiation ; inversement aucune donnée dans la Loi de Sainteté touchant la néoménie… O. Boyd, Ezéchiel and the modem dating of the Penlateuch, Princeton, 1908.

Ces différentes remarques permettent donc d’affirmer que non seulement le prophète de l’exil n’est pas le rédacteur de la Loi de Sainteté, mais encore que celle-ci n’est pas dans la dépendance du programme de restauration religieuse proposé par Ézéchiel et n’est pas nécessairement de date plus récente. Les affinités indéniables entre les deux écrits pourraient trouver leur explication dans l’hypothèse d’un remaniement rédactionnel ou mieux d’une codification du Lévitique sous l’influence de l’œuvre d’Ézéchiel.

2° Antiquité du sacerdoce lévitique, du rituel des sacrifices, de la fête de l’Expiation. — Aux considérations générales qui précèdent et qui toutes suggèrent l’antiquité de maints éléments de la législation lévitique, il y a lieu d’ajouter quelques remarques sur l’origine des principales institutions mentionnées au troisième livre du. Pentateuque. Le principal argument de la critique, se refusant à faire remonter à Moïse ou même à une époque antérieure à l’exil, l’origine de ces institutions, est emprunté au fait que les livres historiques et prophétiques, dans la description qu’ils font des pratiques cultuelles ou dans les simples allusions qui s’y rencontrent, ignorent ou contredisent la législation précise et détaillée du Lévitique ; or une loi dont l’influence n’est marquée par aucune trace dans la vie religieuse d’un peuple qu’elle a pour mission de réglementer est inexistante ; n’est-ce pas le cas de maintes prescriptions du Lévitique durant les siècles qui vont de Moïse à la captivité ? Conclusion un peu hâtive et qui suppose une assimilation trop complète entre la société antique primitive du peuple hébreu, où la coutume est souvent plus forte que la loi, et nos sociétés modernes dont l’organisation se modèle plus rapidement et plus complètement sur les prescriptions légales ou du moins, en porte quelque empreinte. Que si d’autre part, l’absence de blâme pour des pratiques opposées aux ordonnances mosaïques apparaît bien singulière de la part des historiens sacrés dans l’hypothèse de l’existence de cette législation mosaïque, qu’il suffise d’observer que ces historiens sont de milieu prophétique, n’ayant sans doute pas la même façon d’envisager les choses que des au-