Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

475 LÉVITIQUE (LIVRE DU). ORIGINE DES PRESCRIPTIONS ET INSTITUTIONS 476

dans le Lévitiquc, nous revendiquerons pour quelques-unes de ses plus importantes institutions, dont l’âge est particulièrement objet de discussion, une origine mosaïque.

IV. Origine des principales prescriptions et institutions du Lévitique. — 1° Considérations générales. — Que la législation mosaïque, même lévitique, plonge ses racines dans un passé très lointain, c’est ce que prouvent : 1. La présence dans le Lévitique de lois et coutumes, propres à Israël, antérieures à Moïse. 2. La comparaison avec les législations de peuples anciens. 3. L’étude des rapports entre la Loi de Sainteté et le livre d’Ézéchiel.

1. Présence dans le Lévitique de lois antérieures à Moïse. — Dès avant l’époque de Moïse, les Hébreux cantonnés dans la terre de Gessen, n’étaient certes pas sans lois ni coutumes intéressant la vie sociale et religieuse ; que le législateur d’Israël ait conservé bon nombre de prescriptions législatives qui constituaient ce code primitif de son peuple, rien là que de très vraisemblable Quel intérêt, en effet, aurait eu Moïse à ignorer ou à bouleverser cette législation, si rudimentaire qu’on la suppose ? Ne courait-il pas le risque de ruiner son autorité et de rebuter son peuple en changeant sans motif ses coutumes bonnes ou indifférentes contre des observances inouïes, sans racine dans le passé, lourdes et intolérables par leur nouveauté même ? Prat, La Loi de Moïse, ses origines, dans les Études, t. lxxvi, 1898, p. 94-95. Pour d’autres raisons, il apparaît également que tout n’est pas innovation dans la Loi de Moïse ; c’est ainsi que le P. de Hummelauer se refuse d’admettre que le Dieu très bon et très grand soit descendu du ciel pour apprendre à Moïse qu’il fallait percer l’oreille de l’esclave qui refuse sa liberté après six ans, pour défendre au maître du champ ou de la vigne de ramasser ce qui pourrait rester à glaner après la moisson ou la vendange, ou encore pour interdire l’ensemencement d’un champ avec deux espèces de semences et le port d’un vêtement tissu de deux espèces de fils. Même pour des rites religieux, s’il s’agit de menus détails, en attribuer à Dieu la première institution est étroit et peu digne de lui. Exodus et Leviticus, Paris, 1897, p. 20. « Voudrait-on, dit de son côté le P. Lagrange, si Moïse n’a pas écrit la Thora, que tout cela soit postérieur à Moïse ? Mieux vaudrait cent fois dire que tout cela lui est antérieur de mille ans ou de deux mille ans. Mais tous ces usages en partie communs à tous les sémites nomades ou deminomades, Moïse les a connus et agréés de la part de Dieu. » Revue biblique, 1901, p. 615.

2. Comparaison de la législation du Lévitique avec celle des peuples anciens. — C’est ce que vient confirmer la comparaison de la législation mosaïque, du Lévitique en particulier, avec les législations et les institutions des Égyptiens, des Babyloniens, des Madianites, des Philistins, des Cananéens, par les ressemblances et les analogies qu’elles présentent entre elles. Que des emprunts à des religions étrangères, si leur existence est bien démontrée, ne répugnent pas au caractère de la loi du Sinaï, c’est ce qu’ont reconnu depuis longtemps les Pères de l’Église, saint.Jean Chrysostome en particulier, remarquant, dans sa sixième homélie sur saint Matthieu, qu’il n’était nullement indigne de Dieu d’appeler les mages au moyen d’une étoile, car autrement ce serait condamner du même coup toutes les cérémonies des Juifs, sacrifices, purifications, néoménies, arche et temple même : « Tout cela, ajoutait-il, doit son origine à la grossièreté des Gentils. Dieu, en effet, pour allécher ceux qu’il voulait amener à lui, a consenti à être honoré par le culte rendu jadis aux idoles, se contentant de le perfectionner un peu afin d’élever

insensiblement les hommes à des notions plus su blimes. » P. G., t. lvii, col 66. Même pensée chez sain Jérôme, qui note la condescendance dont Dieu usa envers les Juifs, tolérant bien des choses pour les arracher au culte des faux dieux et leur ôter tout prétexte d’idolâtrie. In Galatas, i, 8, P. L., t. xxvi, col. 375-376. D’après Eusèbe de Césarée, ce serait aux coutumes des Égyptiens que Moïse, pour ne pas heurter des habitudes contractées durant la servitude aux bords du Nil, aurait souvent conformé sa propre loi. Demonslr. evangel., 1. I., c. vi, P. G., t. xxii, col. 5556. Dans le même sens Théodoret remarque que l’imposition aux fils d’Israël d’un code trop contraire à ces mêmes habitudes prises en Egypte aurait été un danger permanent d’infidélité. Grœcarum afjectionum curatio, sermo vii, P. G., t. lxxxiii, col. 997. Tostat enfin résume l’antique tradition, dans son commentaire du livre des Rois, lorsqu’il dit que beaucoup de cérémonies sont communes aux Juifs et aux païens, tt qu’elles ne furent même accordées à ceux là que parce qu’elles étaient déjà reçues parmi les Gentils. Les Juifs s’y étaient habitués ; Dieu les toléra après en avoir effacé tout ce qui sentait la superstition. In I Reg., viii. Maimonide et d’autres illustres docteurs de la Synagogue n’en jugeaient pas différemment. Cf. J. Spencer, De legibus Hebrœorum ritualibus earumque rationibus, t. III, diss. i, De ritibuse yentium moribus in legem transactis, édit. Pfafï, Tubingue, 1732 ; Prat, La Loi de Moïse, ses origines, dans Études, t. lxxvi, 1898, p. 97.

Qu’en est-il en fait de ces importations d’origine étrangère dans la législation d’Israël ? Que les Pères dont nous avons relevé le témoignage aient exagéré l’influence égyptienne, c’est certain. Si, au point de vue doctrinal, aucun rapport de dépendance ne saurait être établi entre l’une et l’autre religion, il n’en va pas de même toutefois pour le culte ; certains objets en usage dans le culte d’Israël pourraient bien en effet être reproduits d’objets semblables du culte égyptien ; on cite ordinairement le pectoral du grand prêtre, l’arche du vrai Dieu avec les deux chérubins, nombre d’instruments de musique, etc. Cf. Mallon, art. Egypte, dans le Dictionnaire apologétique, t. i, col. 1317. Rien d’étonnant que le souvenir des splendeurs des temples de Thèbes et de Memphis, de la richesse et de la somptuosité en particulier des ornements de leurs prêtres n’ait contribué par quelques emprunts à l’éclat et à la dignité du culte du vrai Dieu. Le fait même constitue une garantie de l’antiquité de tels éléments rencontrés dans le culte d’Israël. Cf. Lev., viii, 6-9. Ancessi, L’Egypte et Moïse. Les vêtements du grand prêtre et des lévites, le sacrifice des colombes d’après les peintures et les monuments égyptiens contemporains, Paris, 1875 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i et n. On a relevé également quelques termes techniques du Code Sacerdotal, qui proviendraient des vocables égyptiens. Fr. Hommel, Die altisrælitischen Ueberlieferungen in inschriftl. Be leuchtung, Munich, 1897, p. 292. Mais de telles simi litudes de termes techniques peuvent s’expliquer par l’affinité des langues. Nikel, Das Alte Testament im Lichte der orientalischen Forschung, ii, Moses und sein Werk, dans Biblische Zeit/ragen, Munster, 1909, p. 7, 29.

Si l’influence égyptienne se réduit en définitive à peu de chose, quelques formes particulières de culte et l’idée d’un certain nombre d’objets liturgiques, il n’en serait pas de même de l’influence sémitique en général et babylonienne en particulier. La publication de textes religieux assyriens et babyloniens, celle tout spécialement du code de Hammourabi a permis de constater leurs nombreux points de contact