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LAVEMENT DES PIEDS. FAITS LITURGIQUES


tout le symbolisme liturgique du Moyen Age, ne connaît pas autrement le lavement des pieds. Rationale divinorum ofjïciorum, t. VI, c. 76. De denudatione altarium. In plerisque lotis lavantur allaria vino et aqua… In quibusdam eliam lotis pavimentum ecclesiæ eliam mundatur, per quod pauperes Christi significantur… Pavimentum ergo mundat qui pauperibus vel jratribus propler Deum pedes lavât et Mis cetera misericordiæ opéra exhibet. Inde est quod parieles domus quamvis vocabulum ecclesiæ habent pro eo quod continent ipsam, non tamen ipsi sed homines sunt ecclesia, et pavimentum est quasi hominum pedes.

Dans ce texte, on le voit, il ne s’agit pas d’un lavement des pieds liturgique symbolisant un rapport de charité, mais bien d’un acte réel de charité symbolisé lui-même par le lavage du pavé de l’église.

Pour rencontrer la fonction liturgique du jeudi saint, il faut descendre jusqu’aux Ordines romani. Ces documents publiés par Mabillon (Musseum ilalicum, t. n) et réédités par Migne, P. L., t. Lxxviii, s’échelonnent entre le ixe et le xv° siècle. Ils décrivent par le menu les cérémonies suivies par le pape et la chapelle papale. Ce sont essentiellement des témoins de l’usage romain local. Mais vu la force de rayonnement dont a toujours joui le centre de la chrétienté latine, il était fatal que ces usages, plus ou moins adaptés, se répandissent au loin. Et de fait, c’est dans les Ordines romani que nous voyons naître et se développer la plupart des prescriptions qui seront plus tard codifiées dans le Cérémonial des évêques et qui se fusionneront avec les usages locaux pour former les différents cérémoniaux diocésains et monastiques.

3. Le rite d’après les missels.

Les derniers Ordines romani sont contemporains des premiers missels pléniers. On appelle ainsi les livres où toutes les prières de la messe sont pour la première fois contenues in extenso, au lieu d’être dispersées comme précédemment entre divers livres (ce qui est encore l’usage des rites orientaux) : sacramentaire ou livre du prêtre, antiphonaire ou livre du chœur, évangéliaire, épistolier, etc. Si naturelle que paraisse l’idée de réunir en un seul livre toutes les prières de la messe, idée qui a donné naissance aux missels pléniers, elle a attendu pour produire son effet le grand développement de la messe privée qui caractérise le Moyen Age.

Ne pouvant analyser ici tous les missels manuscrits qui encombrent nos bibliothèques, nous passerons directement à celui qui est presque seul en usage aujourd’hui dans l’Église latine, — le missel romain. Le missel romain actuel contient pour le jeudi saint, après la messe, les vêpres et le dépouillement des autels, sans autre indication d’heure que ces mots : post denudationem altarium, hora competenti, facto signo cum tabula (en fait c’est ordinairement l’aprèsmidi), une cérémonie très solennelle que le cérémonial des évêques regarde comme obligatoire dans les cathédrales ; on la considère comme facultative dans les autres églises. Elle est tombée en désuétude en beaucoup d’endroits.

Pour la décrire, rien de mieux que de traduire la rubrique précise qui l’introduit : « Après le dépouillement des autels, à une heure convenable, on donne un signal avec la crécelle et les clercs se réunissent pour faire le mandatum (ce mot devenu usuel pour désigner la cérémonie elle-même, n’est que le premier mot de l’antienne destinée à l’accompagner). Le prélat ou le supérieur se revêt, par-dessus l’amict et l’aube, d’une étole et d’un pluvial de couleur violette ; il est assisté d’un diacre et d’un sous-diacre parés en blanc comme pour la messe ; dans le lieu destiné à cette cérémonie, il impose d’abord l’encens dans l’encensoir ; puis le diacre tenant sur sa poitrine le livre des Évangiles, se met à genoux devant le supérieur et lui demande sa béné diction. L’ayant reçue, et entouré de deux acolytes qui tiennent des chandeliers allumés, face au sousdiacre qui tient le livre, il fait d’abord le signe de la croix sur le livre, puis il l’encense et chante, comme de coutume, l’évangile de la messe, Anle diem feslum Paschæ. Celui-ci terminé, le sous-diacre porte le livre ouvert à baiser au supérieur, qui est encensé par le diacre comme à l’ordinaire. Ensuite le supérieur dépose le pluvial ; aidé par le diacre et le sous-diacre, il se ceint d’un linge et, toujours assisté par eux, il procède au lavement des pieds, parcourant la rangée de ceux à qui il doit les laver. Les clercs lui présentent le bassin et l’eau ; le sous-diacre tient le pied droit de chacun ; le supérieur se met à genoux devant chacun, leur lave les pieds, les essuie, et les baise, tandis que le diacre lui tend la serviette pour les essuyer. Pendant ce temps, on chante ce qui suit. »

a) Les chants. — Suit le texte de neuf antiennes à chanter, accompagnées pour la plupart du premier verset d’un psaume, après lequel on répète l’antienne comme à l’introït de la messe. On ne dit pas de Gloria Patri à cause du deuil spécial des jours saints. On entend ainsi le commencement des psaumes Beati immaculali, Magnus Dominus et Benedixisli. Quant aux antiennes, elles sont tirées du chapitre xrn de saint Jean. Une quatrième antienne, qui est le dialogue de Jésus et de Pierre, se répète trois fois de suite, les deux premières fois avec un verset tiré du même chapitre (ce récitatif est plutôt celui d’un répons que d’une antienne). Viennent ensuite deux autres antiennes également tirées de saint Jean et accompagnées, l’une d’un verset de psaume, Audite hrnc, l’autre d’un verset de l’Évangile, une septième antienne tirée de l’épître aux Corinthiens, Maneant in vobis (ides, spes, caritas…, une huitième antienne à la gloire de la sainte Trinité, Benedicta sil, avec commencement du psaume Quam dilecla. Une neuvième antienne d’une structure toute particulière, est un centon biblique assez remarquable, coupé d’ailleurs de versets de composition ecclésiastique. Cette pièce était autrefois beaucoup plus considérable et était connue sous le nom d’Hymne de la charité ; elle a existé longtemps à part sans avoir de lien spécial avec la cérémonie du Mandatum. Les bénédictins la chantent encore aujourd’hui pour la réception des novices, dom Wilmart a esquissé récemment l’histoire de ce remarquable morceau de poésie liturgique dans un article de la revue La vie et les arts liturgiques (1924), p. 250-259. Nous résumerons ici ses conclusions. « Ce morceau, dit dom Wilmart, qui découle de la plu s pure doctrine de l’Évangile, aune histoire littéraire dont n’apparaît plus dans la liturgie que le dernier terme. En parcourant les anciens exemplaires imprimés du Missel romain qui précédèrent la publication du pape saint Pie V, on s’aperçoit que la série totale, depuis 1474 jusqu’aux approches de 1570, offre pour la cérémonie du Mandatum un ensemble d’antiennes qui ne se distingue de notre texte officiel que par son étendue. Aussi retrouvons-nous dans le Missel de 1474 la suite des versets » auxquels l’antienne Ubi caritas sert de refrain. La disposition des strophes est la même, matériellement, mais, au lieu de trois strophes, nous en avons neuf, c’est-à-dire un poème ou un cantique qui semble complet, à première vue du moins. La réforme de 1570 a consisté, en la circonstance, à retenir seulement la première, la quatrième et la dernière strophes sans autre intention apparente que de raccourcir un développement censé trop long.

  • Au reste les premières éditions du xv « et du

xvie siècles n’apportaient rien de nouveau. Elles se tiennent rigoureusement dans les limites d’une tradition qui est celle de la « Curie romaine ». Le missel de la Curie ou romano-franciscain, composé en la seconde