Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée
391
392
LÉON VI LE SAGE. SON ŒUVRE LITTÉRAIRE


p. 258 et 630, incline vers cette opinion deZacharise von Lingenthal. Mais plus récemment, dans la même revue, t. xii, 1903, p : 585-592, M. Mitard, Études sur le règne de Léon VI, i. La Tactique de Léon, concluait que la Tactique est, sinon peut-être de Léon VI lui-même, du moins de l’un de ses contemporains qui l’a placée sous le nom du basileus. (En 1758. Joly de Maizeroy en donna une traduction française.) Notons-y seulement ici des usages bien dignes d’une armée chrétienne : le chant du Trisagion par les soldats après le repas du soir (Tactica, Constit. xi, n. 21, col. 797C) ; l’institution de chanteurs militaires pour rappeler aux soldats « les récompenses de la foi en Dieu, les bienfaits impériaux, les succès antérieurs, » mais aussi « que c’est la lutte pour Dieu, pour son amour et pour toute la nation, pour leurs femmes, pour leurs enfants, pour leur patrie, que la mémoire est éternelle de ceux qui se conduisent bravement dans les combats pour la liberté de leurs frères, que c’est une guerre entreprise contre les ennemis du Christ, que nous avons, nous, pour ami le Dieu qui tient en son pouvoir le destin de la guerre… » (Constit. xii, n. 72, col. 828) ; la veille de la bataille, à la nuit, doivent se faire « des prières prolongées, la bénédiction des prêtres doit descendre sur tous les combattants, pour les persuader tous en actes et en paroles qu’ils ont Dieu pour allié, et les faire ainsi marcher au combat avec éclat et avec ardeur, Xa[i.7rpooç xoci 7tpo6û[iooç : le jour de la bataille, avanttout.il faut que l’armée soit pure. « (Constit. xiv, n. 1, col. 848).

Plus importante, à notre point de vue théologique, est VEpistola Leonis Imperatoris Augusti cognomento Philosophi ad Omarum Saracenorum regem de fldei christianae veritate et mysteriis et de variis Saracenorum hseresibus et blasphemiis, reproduite en traduction latine dans P. G., t. cvii, col. 315-324, d’après l'édition lyonnaise de 1501. Malgré le doute que pourrait créer la coïncidence historique de relations plus ou moins certaines entre le kalife Omar (710-717) et l’empereur Léon III l’Isaurien (cf. Byzantinische Zeitschrift, t. v, p. 277, n. 2), un critique comme A. Ehrhard, dans Krumbacher, Geschichte der byzantin. Literatur, 2e éd., 1897, p. 168, admet sans discussion l’attribution à Léon VI de la lettre à Omar publiée sous son nom. C’est un bref exposé de circonstance touchant la doctrine de la christologie, de la Trinité, du culte de la Croix, avec une mention iinale de certaines erreurs musulmanes, notamment sur le mariage et sur le fatalisme. Voir P. G., t. cvii, col. 324.

Concluons par la question que se pose tout lecteur de la vie et des écrits de Léon VI : Pourquoi a-t-il été appelé Léon le Sage ou le Philosophe ? Ce nom lui demeure spécial dans l’histoire byzantine. En 1084, Alexis I er Comnène, au début de la novelle de Sponsalibus, cite une ordonnance tou ooçcotixtou fJocaiXéoç xuptou Asovtoç, et un peu plus loin to 8'.<XTaY[Aa tou cpiXococpcoTCCfou fiao-'-Xécoç, Synopsis minor, p. 171. En 1092, même mention de Léon ô quXoo-ocpcûToeTOç. En 1166, Manuel Comnène rappelle de même des règles to0 jjiaxapÎTOu PaaiXécoç xupîou Aéovtoç to-j aoepou. Sage et philosophe : c’est encore l’appellation que lui donne Balsamon, dans un commentaire sur le canon 53 du concile in Trullo, P. G., t. cxxxvii, col. 700 C, 701 A. — « Pourquoi Léon VI fut-il appelé aotpôç? Doit-il ce surnom à sa conduite ? Le doit-il à ses écrits '.' » demande H. Monnier, op. cit., p. 211. Et nous citons la réponse qu’il fait à la question ainsi posée, car elle résume toute l'œuvre de Léon VI. « Il est malaisé de croire que sa vie publique ou privée ait valu à Léon VI l’admiration ou même l’estime des Byzantins. Il fut un chef de gouvernement indolent et faible. Peu soucieux d’exposer sa personne aux hasards et aux périls de la guerre, il abandonna à ses généraux le soin de défendre

l’empire, de guerroyer les Bulgares, les Lombards, les Sarrasins et les pirates de tout acabit qui infestaient la mer Egée. Sa collaboration militaire a tout au plus consisté dans la rédaction d’un traité de tactique. Au reste, Léon n'était pas un méchant homme. Pendant ses vingt-cinq ans de règne, il donna de fréquents exemples de clémence et des preuves d’une bonté d’autant plus méritoire qu’elle était sans beaucoup d’illusions (Cf. nou. xl). A l’approche de la mort, il put, en toute vérité, rappeler aux sénateurs assemblés près de son lit qu’il avait gouverné avec douceur. Il aimait la justice, bien que plus d’une fois sa justice fut prompte au point d’oublier toute forme légale et de ressembler à une vengeance. Mais ce n’est ni sa douceur ni sa justice qui lui ont valu d'être appelé le Sage. Ce n’est certes pas non plus d’avoir été marié quatre fois. L’histoire de ses deux derniers mariages est mêlée à de graves scandales que l'Église grecque eut, comme on sait, beaucoup de peine à oublier. Ce n’est pas non plus d’avoir introduit quelques réformes dans les administrations civile, militaire, ecclésiastique, notamment en remaniant la division des thèmes, en établissant, d’accord avec le patriarche Nicolas Mysticus, un nouvel ordo thronorum pour les métropoles et les archevêchés (voir les Notitiæ episcopatuum reproduite" par P. G., t. cvii, col. 329-117). Ce n’est pas non plus d’avoir fait compiler les Basiliques et d’avoir écrit de nombreuses novelles. Léon en est bien l’auteur, mais ces novelles ne sont ni fort originales ni très substantielles et la plupart eurent peu de succès. Cujas a même soutenu que, à l’exception de celles qui statuaient sur des objets entièrement nouveaux, elles n’avaient jamais été appliquées. Cujas certainement avait tort. Mais il est vrai qu’un grand nombre de novelles léoniennes vieillirent vite à la traversée des âges et de bonne heure tombèrent en désuétude. .. Il faut donc chercher ailleursles causes du renom de sagesse attribué à Léon VI. Les trouverons-nous dans ses œuvres théologiques ?… Selon Krumbacher, Gesch. der byz. Litter. p. 168, et d’autres savants, c’est à ses écrits théologiques que Léon doit d'être appelé sage et philosophe. D’après Zepernik, dans son édition de l’ouvrage de A. Beck, De Nouellis Leonis Augusti et Philosophi eorumque usu et auctoritate liber singularis, Halle, 1769, p. 239, c’est à son érudition ; d’après Fleury, Histoire eccl., 1. LUI, 50, à son amour pour les lettres. Toutes ces manières de voir sont soutenables. Je me refuse pourtant à les adopter. J’incline à penser, avec Lebeau, Histoire du Bas-Empire, 1. Lxxii, n. 55, que si Léon VI fut appelé très sage, très philosophe, la cause en est dans ces oracula, dans ce don prophétique que de bonne heure la tradition lui attribua. Il fut le basileus oocpcoTaxoç ou çiXoctoçwtxtoç. non parce qu’il avait été orateur, législateur, argumentateur. versificateur, mais parce que ses sujets qui croyaient à la magie et aux magiciens le crurent quelque peu sorcier. » — L’opinion de Lebeau semble un peu moins nuancée. Après avoir rappelé qu’au dire des chroniqueurs byzantins Léon mourant aurait prédit à son frère Alexandre que celui-ci n’avait plus que treize mois à vivre, le consciencieux écrivain ajoute : « Les Grecs de ce temps-là paraissent fort prévenus en faveur du talent prophétique de Léon ; à les entendre, il avait prédit presque tous les événements de son règne et même ceux des temps postérieurs : et c’est peut-être principalement pour cette raison qu’ils lui ont donné le nom de Sage et de Philosophe, qu’on peut d’ailleurs lui refuser avec justice. » N’en déplaise à Lebeau et tout en réduisant à leurs justes limites les mérites littéraires de Léon VI, ceux-ci nous semblent mieux expliquer le renom de sagesse ou de philosophie que lui a décerné la postérité. Les éloges d’un Combéfis ou d’un Marracci, malgré l’exagération