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LAVEMENT DES PIEDS. FAITS LITURGIQUES

seu sacerdotum secundum hoc sacrosanctum exemplum suorum lavare statuat subditorum. Quod si quisquam sacerdotum hoc nostrum distulerit adimplere decretum, …… mensium spatiis sese noverit a sanctæ communionis præceptione frustratum. Can. 3, Mansi, Concil., t. xii, col. 97-98.

On a pu remarquer que le concile parle de l’usage du lavement des pieds au jeudi saint comme d’un usage ancien que la négligence des pasteurs aurait laissé tomber en désuétude, partim desidia, partim consuetudine. Nous n’en connaissons pas cependant d’attestation antérieure. En particulier on doit remarquer que saint Isidore de Séville, mort en 636, c’est-à-dire cinquante-huit ans avant notre concile, n’en fait aucune mention dans l’exposition, pourtant détaillée, qu’il a laissée des rites du jeudi saint. De ecclesiasticis officiis, i, 29, 2, P. L., t. lxxxiii, col. 764.

Par contre on en constate l’existence dans les monuments qui nous sont parvenus de la liturgie wisigothique ou mozarabe, en usage en Espagne jusqu’au xie siècle.

Le plus ancien de ces monuments est le Liber ordinum ou pontifical mozarabe édité par dom Férotin Monumenta Ecclesiæ liturgica, Paris, 1904, t. v, col. 190. La rubrique, il est vrai, dont il s’agit, est rédigée en termes fort obscurs, que nous ne pouvons que reproduire, en renvoyant à Férotin pour un essai d’explication.

Eodem vero die (in Cena Domini) ad missam omni tempore monendum erit signum ad sex semipedes. Et incipienda erit lectio legere ad septimum. Et erit post totum officium expletum, sive altare expoliatum, exiendum ad viginti duos pedes ; et accedendum est ad cenam post pedes lavatos, sole jam occidenti.

Suivent deux oraisons post pedes lavatos. Passons sur la bizarrerie de l’expression sex semipedes pour désigner les pieds de douze hommes (ou peut-être un seul pied de chacun des six premiers). Ce n’est pas la seule énigme de ce texte dont la fin nous parle non moins bizarrement de « vingt-deux pieds ». (On excluait peut-être un apôtre en mémoire de Judas). Quel que soit le sens de telle ou telle des rubriques précitées (on peut voir là-dessus les notes de dom Férotin, loc. cit.), l’existence du rite est très clairement attestée.

On en trouve une mention très brève dans un des manuscrits étudiés par dom Férotin pour son édition du Liber mozarabicus sacramentorum (même collection, t. vi, col. 686) : Incipiunt versus ad pedes lavandos. A nt. Diligamus nos invicem. A ce propos, dom Férotin renvoie au Riluale antiquissimum de Silos et au Breviarium goihicum, P. L., t. lxxxvi, col. 946-960.

Ce bréviaire mozarabe, publié à Madrid, 1775, contient au jeudi saint (in Cena Domini) après vêpres et le dépouillement des autels, sous le titre : Ad pedes lavandos, une antienne et deux oraisons, dont la seconde du moins (édit. originale, p. 359-360 et P. L., t. lxxxvi, col. 603-604) mérite d’être reproduite ici comme donnant avec ampleur le symbolisme du rite.

Anl. — Bone magister, lava me al) injuslitia mea, et a peccato meo munda me. Si autan ego lavi pedes vestros, MaglutfT et Domlnus, <t —>s debetJi aliorum lavare pedes. Exemplum enim relinquo ut, quemadmodum ego facio, et vos similiter tactatis.

t.Beati Immaculatl In via : qui ambulant in lege Domini.

Oratin — Unigeniti Del l’atris Filhu…

Alia oratin. — Domine Jera Cbrltte, Filins Dci, qui tempore nuntiatus et auto omnia tempora ex Pâtre genitus, quique etiam post multa MBCtlla naM i dignatns es de Virgine Matra, quique formam servi accipiens in s i mil i t u rliii’-m îiominis nunqu&m abfuUtl de mhu btgenttl PatrU ; tralque non dedlgnatus pedei tuorum lavare dlactpulorum ; qui es

etiam Domimis Angrlorum : qua-simms omiiipotentlam tuain, clementisslme Dons, ut CUjUS nitimur imitari eeuiplum, cjus mercamur fleri participes regni : quatenus ahlutt

ab omnibus nostrorum vitiis peccatorum, serviamus nomini sancto tuo. Lava mores nostros unda verbi tui, et a contagione sordium gratia purifica salutari ; et qui Unigeniti tui humilitatem annuo recolimus opère, dum aqua fraternos pedes abluimus, humilitatem sedulo prosequamur : et quod visibiliter nos impendimus pedibus tu invisibilitei nostris impertias animabus. Amen.

Le missel mozarabe de Ximenès (Missale mixtum). reproduit par Migne, P. L., t. lxxxv, donne au jeudi saint un rite complet ad lavandos pedes. C’est à des prêtres que l’évêque lave les pieds clausis ostiis et laicis omnibus foris projectis, col. 420 sq.

2. Les plus anciennes traces dans les pays de rite romain. — De l’Espagne, passons aux pays de rite romain, qui s’étendent, à partir de l’époque de Charlemagne, à l’Occident entier. A l’époque, en effet, où l’Église d’Espagne se servait encore des livres mozarabes que nous venons de citer, la liturgie gallicane avait depuis longtemps disparu de la Gaule proprement dite par le fait de Charlemagne. Rien d’étonnant donc si nous ne trouvons rien dans les livres gallicans étudiés plus haut à propos du baptême. Rien d’ailleurs non plus dans les sacramentaires romains antérieurs à l’époque carolingienne. On trouvera sans doute des mentions du lavement des pieds dans les documents de l’histoire monastique. Mais il n’y a rien là qui ressemble à un usage liturgique : c’est une simple pratique de piété ou de propreté, et qui aussi bien se fait en dehors du jeudi saint : la règle de saint Benoît la prescrit tous les samedis pour la communauté (c. xxxv) et en outre à l’occasion de la réception des hôtes (c. Lni). Ces prescriptions ont donné lieu à différents usages que Martène a étudiés (De antiquis ritibus monachorum) et dont le développement a donné naissance à la cérémonie liturgique du jeudi saint.

A l’époque carolingienne, il semble bien que le lavement des pieds n’était encore représenté dans le cérémonial du jeudi saint que par un rite éminemment symbolique, le lavement des murs et du pavé de l’église. Pseudo-Alcuin, De divinis officiis, c. xvi, P. L., t. ci, col. 1205. Eodem die allaria templi et parietes sive pavimenta ecclesiæ lavantur et vasa Domino sacrata purificantur. Quamvis ornatui possit congruere lavatio eorum, tumen non deest aliquid mysticum… Lavatio domus… signum est lavationis pedum fratrum. Lavatio pedum fratrum signum est remissionis peccatorum, sive quando a Domino remittuntur seu invicem a nobis ipsis. Cf. Rupert, P. L., t. clxx, col. 143 et Benoît d’Aniane, P. L., t. ciii, col. 1201.

Notre cérémonie existait-elle déjà à l’époque mérovingienne ? Le seul témoin qu’on ait pu alléguer est saint Éloi, évoque de Noyon sous le roi Dagobert. Homilia VIII. In die Cœnæ Domini, P. L., t. lxxxvii, col. 623. Et quia in hac die sacratissima fiunt plurima in sancta Ecclesia quæ necessario débet scire vestra industria, sicut pænitentium reconciliatio, sacri olei benedictio, sancti chrismatis confectio, fraterna pedum ablulio, ecclesiarum quoque et sacrorum purificatio, dignum judicavimus quantum Dominus dederit, hæc vestræ fraternitati disserere.

Dans la suite du développement, il ne revient pas sur le lavement des pieds comme sur un rite en usage, mais il rattache à l’exemple du Sauveur l’usage de laver le pavé et les murs de l’église, ainsi que les vases sacrés. Pour nous, en présence du silence de tous les textes contemporains, nous nous défendons mal contre L’impression que les mots fraterna pedum ablutio ont dû être ajoutés au texte par des copistes postérieurs, choqués de ne pas voir mentionné ici un des rites les plus caractéristiques du Jeudi saint.

Il semble qu’au xive siècle encore, le fameux Durand de Mande, dont le Rational est comme la synthèse de