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    1. LÉON XIII##


LÉON XIII. SON ACTION POLITIQUE

tsar Alexandre II parurent se prolonger sous Alexandre III.

Les évoques Borowski et Felinski, depuis longtemps exilés, recouvrèrent la liberté ; des accords supplémentaires furent conclus pour régler l’instruction des clercs et la nomination des évoques, et plusieurs des entraves qui gênaient en Pologne la vie catholique furent supprimées. Le Saint-Siège et la Russie, sans renouer immédiatement des rapports officiels, continuèrent de ne se point perdre de vue, et ces rapports furent définitivement établis, en 1894, par M. Isvolski.

3. Léon XIII et la Grande-Bretagne.

Léon XIII caressa l’idée de nouer des rapports réguliers entre le Saint-Siège et le gouvernement anglais : la lettre dans laquelle le 3 janvier 1881, à l’occasion des troubles d’Irlande, il insistait auprès de l’archevêque de Dublin sur l’importance de la modération et de la légalité, amena la reine Victoria à envoyer à Rome, pour une mission épisodique, M. Errington. Lorsque, en 1887, Léon XIII chargea Mgr Ruffo Scilla, nonce à Munich, de porter à la reine Victoria, à l’occasion de son jubilé, les compliments du pape, le cardinal Manning se sentit inquiet : il lui parut que si l’on accréditait à la cour d’Angleterre un légat permanent du pape, l’Église de Rome perdrait une partie de sa force en paraissant s’appuyer sur les cours, non sur le peuple. « La présence permanente d’un légat, disait Manning, serait la ruine en Angleterre de toute mon œuvre des trente dernières années. »

La question de l’union entre l’Église anglicane et l’Église romaine entra, sous Léon XIII, dans une phase décisive. La lettre apostolique Ad Anglos, du 15 avril 1895, affirma l’ardente volonté du pontife de ne point rebuter les anglicans qui, à la suite du vicomte Halifax et des quatre mille clergymen faisant partie de l’English Church Union, aspiraient à s’unir collectivement à Rome. Mais sur quel terrain pouvait se faire cette union ? Le volume sur les ordinations anglicanes, publié en 1894 par M. F. Portai, lazariste, sous le pseudonyme de Fernand Dalbus, suggérait l’idée que, si les ordinations anglicanes étaient reconnues valides, le rapprochement entre les deux Églises serait singulièrement facilité. La perspective d’une telle déclaration de validité mit en émoi les catholiques anglais, notamment le cardinal Vaughan. On apprit en 1895 que Léon XIII donnait audience à Lord Halifax, et qu’il instituait une commission pour l’étude des ordres anglicans. Avant même que cette commission n’eût rendu son verdict, Léon XIII jugea nécessaire de rectifier l’erreur où se complaisaient certains anglicans qui niaient que l’évêque de Rome eût en Angleterre aucune juridiction : par une lettre apostolique du 29 juin 1896, il exposa ce qu’était la hiérarchie catholique. Trois mois plus tard, le 15 septembre, une lettre apostolique nouvelle publiait la décision de la commission, d’après laquelle les ordinations anglicanes devaient être considérées comme entièrement invalides et nulles. Cette décision, de toute évidence, ajournait la réalisation du rêve auquel se complaisait Lord Halifax, lorsqu’il souhaitait qu’un début d’union collective, d’union en corps, pût s’ébaucher entre une fraction importante de l’Église anglicane et l’Église romaine. Durant les dernières années du pontificat de Léon XIII la méthode des conversions individuelles prit le dessus : le 22 août 1897, le pape créa une association universelle de prières et d’apostolat pour hâter l’union de l’Angleterre avec l’Église romaine : cette association devint une archiconfrérie ayant son siège à Saint-Sulpice, à Paris ; et le cardinal Vaughan, en 1903, l’année même où mourut Léon XIII, créa une société de missionnaires chargée de travailler à la conversion des Anglais non catholiques.

4. Léon XIII et l’Amérique.

La préparation du

concile national de Raltimore, qui, en 1884, réorganisa la vitalité de l’Église catholique américaine, se fit à Rome sous les yeux mêmes de Léon XIII ; elle fut l’œuvre des archevêques des États-Unis réunis à Rome et présidés par les cardinaux Simeoni et Franzelin. Entre autres décisions, le concile résolut que l’on devrait, dans un délai de deux ans, fonder des écoles catholiques dans toutes les provinces qui n’en possédaient pas encore. La Propagande, en 1891, fut saisie de plaintes contre l’archevêque Ireland, de Saint-Paul de Minnesota, qui, n’ayant pas les ressources pour subvenir à l’entretien de nombreuses écoles, avait laissé à l’administration civile la direction des écoles catholiques, en y faisant maintenir les congréganistes à titre de professeurs, et les emblèmes religieux à titre d’objets d’art ; le Propagande décida que la convention conclue par Mgr Ireland pouvait, toutes les circonstances étant pesées, être tolérée. Les polémiques s’étant poursuivies, Léon XIII écrivait au cardinal Gibbons, le 31 mai 1893 : « Sans condamner tout à fait les écoles publiques, car il est des cas où il peut être permis de les fréquenter, des efforts doivent être faits pour la création d’écoles catholiques de plus en plus nombreuses. »

A peu près à la même époque, une autre question troublait la catholicité américaine : les nationaux allemands fixés en Amérique et pour lesquels s’était fondée, en Allemagne, l’Association de Saint-Raphaël, destinée à leur assurer des soins spirituels dans leur propre langue, souhaitaient d’avoir, dans les villes américaines où ils étaient nombreux, des évêques de nationalité allemande : une lettre du cardinal Ledochowski, préfet de la Propagande, déclara que c’était là une prétention susceptible d’entraver l’organisation de la hiérarchie et contraire d’ailleurs aux décisions des précédents conciles de Baltimore. Léon XIII redoutait que les catholiques de diverses nationalités ne pussent être accusés de vouloir former sur terre américaine des États dans l’État : il sentait que les autorités de la grande république d’outre-mer désiraient voir se fondre, dans le creuset de la nationalité américaine, tous les éléments immigrés, il ne voulait pas que l’Église catholique, en favorisant certaines tendances particulières, devînt suspecte au patriotisme américain.

L’attachement de Léon XIII pour la grande république d’outre-mer s’exprima dans plusieurs documents significatifs. En 1888, le président Cleveland lui ayant fait remettre un exemplaire de la Constitution des États-Unis, Léon XIII répondait : » L’archevêque de Philadelphie m’assure que l’on jouit chez vous de la liberté dans le vrai sens du mot, garantie qu’elle est par la Constitution. Chez vous la religion est libre d’étendre toujours davantage les limites du christianisme, et l’Église de développer sa bienfaisante action. Votre pays a devant lui un avenir plein d’espérance. » En 1892, lorsqu’à l’occasion du quatrième centenaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb fut organisée l’exposition de Chicago, Léon XIII se fit représenter par Mgr Satolli et déclara qu’il voulait établir à Washington, « pour rendre en quelque sorte perpétuelle sa présence au milieu de ses enfants d’Amérique », une délégation apostolique. Cette délégation fut créée en 1893 avec Mgr Satolli comme titulaire. Enfin la lettre Longinqua Oceani adressée par Léon XIII, le 6 janvier 1895, au clergé des États-Unis, fut accueillie avec un respectueux enthousiasme non seulement par le clergé catholique, mais par certains représentants des autres confessions chrétiennes.

La publication d’une traduction française de la Vie du P. Hecker, fondateur des Paulistes américains, provoqua en France d’âpres polémiques, qui amené-