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LEON IX


au relèvement de l’Église de Toul que sa position entre France et Allemagne rendait assez vulnérable. De fait, l’épiscopat de Brunon qui durera vingt-deux ans fut réellement fécond. Comme tous les esprits religieux de son temps, il comprit que la réforme ecclésiastique ne pourrait se faire qu’à l’aide des moines et c’est pourquoi ses premiers soins furent consacrés à rétablir la discipline régulière dans les grands couvents de son vaste diocèse. Les abbayes de Saint-Èvre et de Saint-Mansuy, aux portes de Toul, celle de Moyenmoutier dans les Vosges, celle de Poussay, monastère de femmes, dans la plaine, furent réformées, enrichies, agrandies, surtout défendues par des privilèges impériaux contre les ingérences féodales. A Étival, à Senones, au prieuré de Deuilly, il en fut de même. Le monastère de Hohenbourg, au sommet du Mont Sainte-Odile, en Alsace, profita aussi des libéralités de Brunon. La défense de la ville épiscopale contre les incursions des comtes de Champagne, les négociations par lesquelles Brunon ménagea la paix entre l’empereur Conrad II et le roi de France, Bobert le Pieux, contribuèrent aussi à le mettre en relief. Vers les années 1040, il est un des prélats les plus représentatifs de la partie occidentale de l’Empire.

Il est donc tout naturel qu’à Worms, en décembre 1058, le fils et successeur de Conrad II, Henri III ait songé à Brunon pour le trône pontifical. On sait que depuis le fameux concile de Sutri en 1046, où avaient été déposés par Henri, les trois papes rivaux, Benoît IX, Sylvestre II et Grégoire VI, l’empereur, se prévalant du titre de patrice des Bomains qu’il avait alors reçu, s’était arrogé le droit de nommer lui-même les titulaires du Siège apostolique. Successivement, il avait désigné, ou plutôt imposé, aux suffrages des Bomains, Suidger, évêque de Bamberg, c]ui était devenu Clément II, Popon, évêque de Brixen, qui était devenu Damase IL Ces deux pontifes, le dernier surtout, n’avaient fait que passer sur le trône pontifical, et il courait sur leur mort soudaine, des bruits plutôt fâcheux. Ce n’était pas un poste de tout repos que celui qu’Henri II offrait à son cousin. L’évêque de Toul fit donc quelques difficultés avant de se rendre aux instances impériales qui furent, scmble-t-il, très vives. D’autre part, ce mode même de désignation ne laissait pas que d’effaroucher la conscience de Brunon. Ses biographes, surtout ceux cru] écrivent après le pontificat de Grégoire VII (1073-1085), adversaires ou partisans de la réforme grégorienne, prêtent ici un rôle considérable à Hildebrand rencontré, disent-ils, par Brunon, soit à Worms, soit un peu plus tard à Besançon. A les en croire, c’est sur les représentations plus ou moins vives de ce personnage, que Brunon se serait décidé à ne pas considérer la nomination impériale comme autre chose qu’une désignation aux suffrages des Bomains. M. A. Fliche s’est inscrit en faux contre cette légende, qui remonte à Brunon de Segni, l’admirateur passionné d’Hildebrand. Voir l’art. Hildebrand, dans I.e Mtii/rn Age, IIe série, t. xxi, 1919, p. 87. Pour lui, les hésitations de Brunon, son dessein de faire ratifier par une véritable élection des Bomains la décision impériale, s’expliquent sans qu’il soit besoin de faire intervenir Hildebrand. Depuis quelque temps, il se formait dans la région lorraine (au sens large du mot) une doctrine dont les plus anciennes traces, se retrouvent dans Bathicr évêque de lié"’953 a 966, mais qui s’exprimait surtout à l’époque’! < Brunon dans les actes et lis écrits de Wason, évêque de Liège, de 10Il a 1048. Cette doc trinr a sûrement pénétré dans le diocèse deToul, puisqu’elle se trouve danles écrits du futur cardinal Humbert, pour lors religieux de Moyenmoutier.

DICT, Dl i m "i. < moi.

D’après elle, le souverain temporel n’a aucune puissance dans le domaine strictement ecclésiastique ; quelles que soient les obligations féodales que les évêques aient à son endroit pour ce qui concerne le temporel, ils ne relèvent aucunement de lui en matière religieuse. Un traité De ordinando pontifice, composé par un clerc de Basse-Lorraine, peut-être à l’instigation même de Wason, critiquait très vivement, de ce point de vue, la nomination du pape Clément II, par l’empereur. Texte dans Monum. Germ. hist, Libelli de lite, 1. 1, p. 9 sq. A défaut de ce texte même, Brunon aura connu les idées qui s’y exprimaient et qui devaient être assez répandues dans la région lorraine. Elles expliquent au mieux l’attitude de l’évêque de Toul au moment où il est désigné par l’empereur pour prendre la succession de Damase IL Quoi qu’il en soit, c’est dans l’humble appareil d’un pèlerin que l’évêque de Toul se présenta à Borne ; il ne prendra les insignes pontificaux qu’après avoir été acclamé pape par les Bomains. Le 12 février 1049, il était intronisé et devenait Léon IX. Tout son passé, et cette démarche même, annonçait un pape réformateur. Léon IX ne tromperait pas l’espoir des personnes qui attendaient une action vigoureuse contre les désordres de l’Église, contre les deux abus les plus criants : la simonie et le nicolaïsmc. On sait ce qu’est la simonie ; sous le nom d’hérésie nicolaïte, les auteurs de l’époque désignent l’incontinence des mœurs dans le clergé. Ces deux abus qui s’engendrent l’un l’autre ont poussé depuis le Xe siècle des racines profondes dans toutes les Églises. Aucune n’est indemne ; l’Église romaine elle-même a donné, et tout récemment encore, le triste spectacle de papes simoniaques et débauchés. Ce n’est pas que des essais de réforme n’aient été tentés de-ci de-là. Depuis le milieu du Xe siècle, les moines de Cluny ont singulièrement relevé le niveau du monachisme ; des évêques isolés, un Atton de Verceil, un Bathier de Liège, un saint Gérard de Toul, un saint Fulbert de Chartres, bien d’autres, ont essayé, chacun dans leur domaine, de promouvoir la réforme des mœurs. Avec des préoccupations peut-être moins pures et trop dominées par des soucis, politiques, la dynastie ottonienne a essayé de réaliser, par autorité impériale, une plus ample conversion ; et de même Henri II et Conrad II d’Allemagne, aussi bien que Bobert le Pieux, en France. Mais toutes ces tentatives sont restées fragmentaires, décousues, intermittentes, parce que l’idée de réforme au lieu de chercher au centre même de l’Église son point d’appui, son principe et sa règle, ne procède que d’iniatitives personnelles, quelquefois intéressées, toujours éphémères. L’accession de Grégoire VI a été saluée par bien des gens comme un événement d’heureux augure. Dans les milieux monastiques, l’on espère que le Siège romain, reprenant conscience de ses devoirs et de ses droits, va donner maintenant l’impulsion aux idées réformatrices. Or Grégoire, à peine installé, est supprimé au concile de Sutri par l’autorité impériale. Mais voici qu’arrive Léon IX ; ses sympathies sont acquises à l’œuvre de la reforme ; par ailleurs, cousin de Henri III, désigné par lui aux suffi des Bomains. il risque moins que d’autres de heurter les susceptibilités impériales. Ainsi va pouvoir commencer la réforme de l’Église. Partie de Home, elle gagnera, sous l’impulsion d’un pape jeune, aetil.

entreprenant, les divers pays de la chrétienté. Sans

doute, et nous le dirons en son lieu, il lui manquait

quelque chose pour être profonde et définitive. Mail

de l’avoir conçue, voulue et imposée, reste le plus beau titre île gloire du pape alsacien.

i BS historiens (le (.recoin- II. depuis les plus

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