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LÉON VIII — LÉON IX


Or, en 1858, Floss a fait connaître, d’après un ms. de Trêves, une forme beaucoup plus complète de ce document. Die Papstivahl unter den Ottonen, Fribourg-cn-B., 1858, Urkunden, p. 147-166. La pièce publiée par lui diffère surtout du document précédent en ce qu’elle contient une narration assez longue des événements qui ont amené le pape Léon VIII à faire cette concession, et surtout en ce qu’elle justifie par des considérants d’ordre historique et théologique les privilèges accordés à l’empereur. Tous savent, dit le texte, que le droit ainsi concédé au César n’est pas nouveau. Honorius I er en a fait usage lors de la compétition entre Eulalius et Boniface I er et l’Ancien Testament ne montre-t-il pas les grands prêtres institués par les rois ? Un certain nombre de textes conciliaires, qui prescrivent le respect des pouvoirs établis appuient cette démonstration. A deux reprises enfin, le document insiste sur le fait que les Romains ont fait librement cession de leurs droits relatifs à l'élection pontificale.

Avant la découverte de Floss, beaucoup d’historiens, à la suite de Baronius, Annales, ad an. 964, n. 22 sq., et de Pagi, ibid., n. 6. avaient considéré le texte inséré par Gratien comme un faux. D’autres restaient hésitants : les éditeurs des Monumenta faisaient remarquer que la forme extérieure du document était de nature à éveiller les soupçons, mais que pourtant, les concessions, soi-disant faites par Léon VIII à Otton, n’avaient rien d’extraordinaire et n'étaient que la traduction en règles juridiques d’usages qui avaient eu force de loi jusqu’au milieu du xie siècle. D’autres historiens enfin, se rangeaient à la suite de Gratien, qui avait, à coup sûr, considéré le décret comme authentique. Ainsi, au xviie siècle, Pierre de Marca, dans son De concordia sacerdotii et imperii, t. VIII, c. xii et xxix, et plus près de nous Gfrorer dans son Allgemeine Kirchengeschichte, Stuttgard, 1844, t. m c, p. 1255 sq.

La découverte de Floss a fait prendre au problème une autre orientation. En effet, il y a entre le document publié par lui et le texte de Gratien une incontestable parenté. L’un dérive de l’autre. Floss estime que la recension longue (la sienne) est la première en date, et d’ailleurs, qu’elle est un document authentique. Quelque exorbitantes que puissent paraître à un canoniste moderne les concessions faites par le pape, elles n’ont rien qui doive surprendre si l’on réalise les circonstances où elles furent obtenues. Otton avait tout intérêt à les obtenir ; le pape n’avait aucun moyen de les refuser. Loc. cit., p. 62 sq. — Cette position a paru intenable à d’autres critiques. Un recenseur anonyme de Floss propose une autre hypothèse : La recension longue provient de la chancellerie impériale, elle est un mémoire soumis au pape et dont celui-ci aurait tiré la bulle qui figure dans Gratien. La bulle, d’ailleurs, serait restée elle-même à l'état de simple projet. Somme toute, les deux textes sont, en un certain sens, authentiques, mais ils manquent, l’un et l’autre d’autorité. Voir Historischpolitische Blàtter, 1858, t. xlii, p. 805-822. E. Bernheim a voulu sauver, par un autre biais l’authenticité partielle de ces textes. La recension de Gratien n’est qu’un abrégé, sans autorité, de la forme longue. Celle-ci n’est elle-même qu’un document fabriqué ; mais la première partie qui contient la reconnaissance des droits de l’empereur sur l'élection pontificale repose en définitive, sur un document authentique (celui-là même dont il est question dans le Privilegium Ottonis) ; la seconde, relative aux investitures a été fabriquée de toutes pièces au moment le plus critique de la querelle du sacerdoce et de l’empire, peut-être sous l’antipape Guibert, 1080. Voir Forschungen zur deutschen Geschichle, 1875, t. xv, p. 618 sq.

C’est faire encore beaucoup d’honneur à ces pièces que d’y chercher même un semblant d’authenticité. Les historiens les plus récents s’accordent à y voir tout simplement des faux exécutés à l'époque du conflit entre Henri IV et Grégoire VIL C’est la position de Hauck, dans l’art. Léo VIII de la Realencyclopûdie protestante ; ce même auteur, dans sa Kirchengeschichte Deutschlands, t. iii, n’y fait même pas allusion. Mgr Duchesne, qui ne croit pas non plus à l’authenticité, fait observer néanmoins, avec sa finesse coutumière, que ces pièces apocryphes correspondent assez bien à ces chartes de donation que les moines se croyaient en droit de fabriquer, après coup, pour remplacer des originaux authentiques, mais disparus. En fait, les rapports entre l'Église et l'État que ces documents font consacrer par Léon VIII, sont précisément ceux qui ont joué dans la période qui va de 960 à 1060. Les premiers temps de l'État pontifical, p. 184, note. Qu’elle ait été réalisée par un document explicite, ou qu’elle se soit manifestée seulement par les faits, l’abdication de la papauté entre les mains de l’empereur est une réalité, hélas, trop certaine.

Mêmes sources que pour le pontificat de Jean XII : Liutprand, De rébus gestis Oltonis, dans Mon. Germ. hist.. Script., t. iii, p. 340-346, dans P. L., t. cxxxvi, col. 837-910, et dans Watterich, Pontif. rom. vilæ, t. i, p. 49-63 ; Liber Pontifîcalis, édit. Duchesne, t. ii, p. 246250. — Le texte des concessions faites par Léon dans Mon. Germ. hist., Leges, t. n b, p. 166, sq., reproduit dans P. L-, t. cxxxiv, col. 992, sq., et dans Watterich, ibid., p. 675 (texte de Gratien), p. 679 (restitutions territoriales) ; p. 683 (texte de Floss, en abrégé).

Les principaux travaux relatils à ces documents ont été signalés au cours de l’article. Voir aussi Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iv b, p. 818-824, et une indication très complète des diverses opinions dans P. Genelin, Die Entstehung der angeblichen Privilegien Leos VIII fur Otto I, Prossnitz, 1879.

E. A MANN.

    1. LÉON IX (Saint)##


9. LÉON IX (Saint), élu pape en décembre 1048, mort le 19 avril 1054. — Fils de Hugues, comte d’Egisheim et d’Hedwige, Brunon qui deviendra le pape saint Léon IX est né en Alsace en 1002. Il est impossible de préciser autrement le lieu de sa naissance. Au dire de son biographe, Guibert, archidiacre de Toul, il a été confié dès l'âge de cinq ans à Berthold, évêque de cette ville, et c’est dans l'école épiscopale qui s’abritait à l’ombre de la vieille cathédrale SaintÉtienne qu’il a fait toutes ses études. Il s’y est rencontré avec plusieurs jeunes gens de familles nobles, attirés par la renommée de l'école touloise, en particulier avec Hazilon qui deviendra plus tard évêque de Metz, et il s’est fait remarquer de bonne heure par sa régularité, son intelligence et sa piété. On ignore la date à laquelle il entra dans les ordres, mais il est certain qu’en 1025 Brunon est diacre. C’est en cette qualité qu’il prend la tête du détachement toulois que l'évêque de Toul, Hermann, ne peut conduire lui-même au service de Conrad II occupé à guerroyer en Lombardie. Ce n'était pas la première fois que le jeune homme prenait contact avec l’empereur, et depuis plusieurs années, il avait été présenté à la cour de Conrad, auquel il était uni d’ailleurs par des liens de parenté. De bonne heure, on avait songé à lui pour un évêché ; en 1026, la mort de l'évêque Hermann est l’occasion pour l’empereur de le nommer au siège épiscopal de Toul. Bien que Brunon fût encore très jeune, ce choix était excellent. La piété sincère du nouvel élu devait en faire un des propagateurs de la réforme ecclésiastique, si impérieusement nécessaire à l'époque. Les qualités d’organisateur dont il avait donné des preuves dans la campagne de Lombardie étaient non moins utiles