Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/160

Cette page n’a pas encore été corrigée
305
306
LEON III


lieue fidei agnitione munire. Vestrum est, elevatis ad Deum cum Moyse manibm nostram adjuvare militiam. Carol. epist., viii, P. L., t. xcviii, col. 908. Ce rôle liturgique dans lequel le roi semblerait volontiers cantonner la papauté nous paraît vraiment un peu étroit et ce n’est pas seulement ici que s’affirme de la part de Charlemagne la prétention de se tailler une large part dans la gestion intérieure de l’Église. La fin de la lettre royale rend d’ailleurs le même son. Charles engage vivement le pape à suivre très exactement les canons et à donner le bon exemple à toute l’Église. Et ce n’est pas simple façon de parler. Les instructions données par le roi à Angilbert, abbé de Saint-Riquier, chargé de le représenter à Rome, insistent avec moins d’aménité encore sur les suggestions que celui-ci devra faire au pontife. Epist., ix, Ibid., col. 909. A les lire, on s’aperçoit assez que Charles se considère comme le vrai chef politique et religieux de la société chrétienne.

Déjà, sous le pape Adrien, des prétentions du même genre avaient été formulées de manière plus ou moins explicite. Adrien, par sa modération, avait réussi néanmoins à garder intact son prestige et n’avait cédé que le moins possible de ses droits. Il ne semble pas qu’on remarque chez son successeur, la même tendance à réagir. En face du souverain qui, à ce moment, tient entre ses mains le sort de toute la chrétienté occidentale, le pape ne peut jouer qu’un rôle assez effacé. Du moins, le jouera-t-il avec assez de dignité. Toutefois les difficultés que rencontrait dans Rome même son gouvernement n’étaient pas faite pour le grandir aux yeux de Charlemagne. Le parti de la noblesse romaine qui avait été au pouvoir sous Adrien I" semble s’être agité de bonne heure. En 798, Arn, archevêque de Salzbourg, écrit de Rome à Alcuin que la ville est troublée. Voir la réponse d’Alcuin dans.laffé, Bibliolh. rerum germanicarum, t. vi, Monum. Alcuiniana, epist., 108, p. 445.

Finalement un complot se prépare contre le pape ; et la sédition éclate le 25 avril 799 au moment de la procession des litanies majeures. Jeté à bas de son cheval, le pape est roué de coups : on essaie de lui crever les yeux et de lui couper la langue, finalement, il est enfermé dans le couvent de Saint-Érasme sur le Cœlius. C’est miracle s’il recouvre la vue, et s’il peut, grâce à un partisan fidèle, s’échapper nuitamment et se réfugier à Saint-Pierre, où le rejoignent les forces" lu duc de Spolète. Avec celui-ci, il s’éloigne de Rome. Pour l’instant, la Ville éternelle reste aux mains de ses ennemis : il ne semble pas pourtant que ceux-ci aient cherché à créer un antipape. Ils se contentent d’exercer des représailles sur les partisans de Léon, et de mettre à mal les biens de l’Église, fendant ce temps, le malheureux pape se dirige vers Paderborn, mi Charlemagne prépare contre la Saxe une nouvelle expédition. Reçu avec tous les honneurs dus à sa dignité souveraine, il sera reconduit à Rome à l’automne de 799 par un cortège imposant d’évêques francs et de comtes, chargés de remettre le pape en possession et de faire une enquête sur les événements du 25 avril. Il faut remarquer toutefois l’attitude

que prend le roi à l’égard des instigateurs du complot. Au lieu de les traiter sans plus comme des rebelles,

on les laisse se poser en accusateurs du pape, lequel est Invité, somme toute. a se justifier. La correspondance entre Vlculn ei Arn deSalzbourg, un det prélats francs qui onl ramené Léon a Home, ne permet

pas de douter que les délégués royaux aient prêté l’Oreille aux accusations portées contre le pape’I les aient crues dignes d’une enquête. Dans une

lettre du printemps de 800, Alcuin. évidemment

sur des nouelles qu’An) lui a transmises, éetit a

celui-ci : i Je comprends, que 1rs ennemis « lu pape

cherchent à le faire déposer par de fausses accusations, en lui imputant les crimes d’adultère et de parjure ; ou bien, ils voudraient que par un serment très solennel, il se purgeât de ces accusations ; au fond leur dessein est de l’amener à donner sa démission et à se retirer dans un monastère. Le pape n’en doit rien faire ; il ne doit consentir ni à se lier par un serment, ni à donner sa démission. Si j’étais à ses côtés, je répondrais pour lui : Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre. » Et Alcuin, tout dévoué à la cause pontificale, rappelle les canons de Sylvestre qui exigent soixante-douze témoins irréprochables pour faire le procès d’un pontife ; il se souvient même (allusion à un axiome fameux) que le Siège apostolique a le droit de juger, mais ne peut être lui-même jugé. Insuper et in aliis legebam canonibus apostolicam sedem judiciariam esse non judicandam. Alcuin, Epist., cvni. P. L., t. c, col. 325326. Pourtant, Arn avait donné à son ami de telles précisions sur les griefs faits au pape qu’Alcuin, pour éviter toute indiscrétion, avait cru devoir immédiatement brûler la lettre. Ibid., col. 327 A. A Riculphe, archevêque de Mayence, Alcuin donnait les mêmes conseils ; mais il était bien obligé de constater qu’il y avait sur la culpabilité du pontife, et peut-être aussi sur la compétence de la commission d’enquête, d’assez vifs dissentiments parmi les délégués royaux. Epist., cxxiii, ibid., col. 358. A la cour de Charlemagne, on ne se dissimulait pas non plus que l’affaire était plus épineuse qu’on ne l’avait cru tout d’abord. Sans doute, la commission avait expédié au roi le chef de l’émeute du 25 avril ; mais il restait à tirer au clair la situation même du pape. Le roi se décida à aller lui-même à Rome, à la fin de l’an 800 ; et, sans doute, en s’y rendant, il ne pensait pas exclusivement à l’affaire de Léon III ; il est infiniment vraisemblable que d’autres projets se foimaient alors dans son esprit. Une lettre adressée à Charlemagne par Alcuin, qui a dû recevoir quelques confidences du maître, indique assez clairement les diverses questions qui étaient alors pendantes : celle du pape, celle de l’empereur d’Orient (Constantin IV déposé et aveuglé par sa propre mère Irène) ; celle du roi lui-même et de sa dignité. Tertia est regalis dignilas in qua vos Domini twstri Jésus Christi dispensatio rectorcm populi christiani disposuit cœteris prsejalis dignitatibus (le pape et l’empereur de Ryzance) potentia exeellentiorem, sapientia clariorem, regni dignitate sublimiorem. C’est au centre de la chrétienté que tous ces problèmes peuvent et doivent se résoudre. Epist., xcv, ibid., col. 302.

Sur les événements, si graves à tous égards pour l’avenir de l’Église, qui vont se dérouler à Rome en cette fin de l’an 800, nous sommes assez copieusement renseignés, tant par le Liber Ponttftealia que par les divers annalistes francs. Les uns et les autres malheureusement, s’appliquent davantage à rapporter l’extérieur des événements qu’à en étudier les ressorts. A plus forte raison, ne songent-ils guère à en découvrir l’enchaînement et la signification profonde. Cette particularité explique la divergence des jugements. Charles, axons nous dit. venait à Rome d’abord pour tirer définitivement au clair la question du pape Léon III. S’il jugea à propos de donner à la justification du pontife une solennité tout à fait Inattendue, c’est donc qu’il ne considérait pas les mesures prises an milieu de l’année par les commisse ! res royaux comme définitives. On remarquera néanmoins que le pape en toute cette phase du pi ne fait pas figure d’aci est comme chef de

l’Église romaine qu’il se porte jusqu’à N’omentnni

(Mentana contre do roi, qu’il reçoit < fiai les, le

21 novembre, sur les degrés de la basilique Saint