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LÉON 1er. LA POLITIQUE DE SAINT LÉON


auprès de lui Julien de Kos, qui a ordre de ne pas s’éloigner de la cour, ut a comitatu vestro non abesset exegi. Epist., exi, 3. Mais on ne doit pas oublier que le concile de Chalcédoine a été convoqué par Marcien à rencontre des plans de saint Léon.

En 453 (21 mars), saint Léon, écrivant à Marcien, rend à « Dieu inefîablement grâces » que dans un temps où devaient éclater les scandales des hérétiques, la Providence ait mis Marcien au faîte de l’Empire, in quibus ad totius mundi salutem et regia potentia et sacerdotalis vigeret industriel. Epist., cxv, 1. Mêmes expressions, Epist., cxvi, qui reviennent à dire que l’empereur Marcien et l’impératrice Pulchérie ont, avec la puissance impériale, un zèle sacerdotal, un zèle d’évêques.

Ces termes qui ont été très remarqués, se retrouvent ailleurs encore chez saint Léon. Rapprocher Epist., exi, 3, où saint Léon souhaite à Marcien que Dieu lui donne, prxter regiam coronam, eliam sacerdotalem palmam ; Epist., cxvii, 2, où saint Léon exprime à Julien de Kos que l’excellence des princes (Marcien et Pulchérie) est un indice, non solum regii culminis, sed etiam sacerdotalis sanctitatis. Rapprocher cxxxiv, 1 ; cxLin, 1 ; cliv.

Ces termes ne sont pas réservés à Marcien et à Pulchérie, car saint Léon les applique au successeur de Marcien, Léon le Thrace, dont il louera non solum regiam, sed et sacerdotalem menlem. Epist., clv, 2, à Anatolios, Il octobre 457. Il s’en sert dans une lettre à l’empereur Léon lui-même dont il s’applique à émouvoir sacerdotalem et apostolicum pielatis animum. Epist., clvi, 6. Le P. Quesnel s’est un peu échauffé sur ce langage, qui est surtout de l’emphase, et dans lequel il ne faut pas voir l’esquisse d’une théorie de la royauté. C’est ce que les Rallerini ont fort bien noté, P. L., t. lv, col. 1441. Le langage de saint Léon n’est pas même à rapprocher de l’acclamation à Marcien : Tô> îepeï tû PaaiXeï, que l’on signale dans les actes de la quatrième session du concile de Chalcédoine, ou de l’acclamation à Théodose II : Tw àp^iepet tw pacriXei, dans les actes du concile tenu par Flavien contre Eutychès, acclamations qui préludent au byzantinisme ecclésiastique.

Saint Léon compte absolument sur le prince pour le répression de l’hérésie, mais sans lui permettre d’aller jusqu’à l’efïusion du sang : Disciplina inquietos revocari et a sanguine eorum jubeat abstineri. Epist., cxviii, 2, à Julien de Kos.

Léon le Thrace qui succède à Marcien en 457, est moins sûr. Le langage de Léon, au début, est moins confiant : Gloriosum vobis est universali Ecclesiæ me supplicanle concedere, écrit le pape au nouvel empereur, en le conjurant de tenir ferme pour la foi de Chalcédoine et de rétablir l’ordre dans l’Église d’Alexandrie. Epist., cxlv, 2. Il écrit dans le même sentiment à Anatolios et à Julien de Kos, cxlvi, cxlvii : tout dépend-t-il donc des dispositions du basileus ? La foi de Chalcédoine n’est-elle donc assurée que si le basileus en est le gardien ? Le pape ne peut-il que supplier 1 Epist., cxlviii, à l’empereur Léon. Il prend peu à peu confiance et il lui dit son devoir : Debes incunclanter adverlere regiam potestatem tibi non ad solum mundi regimen, sed maxime ad Ecclesiæ præsidium esse collatam. Epist., clvi, 3. Il faut qu’il triomphe des ennemis de la vérité : Diademati vestro de manu Domini etiam fldei addatur corona, et de hostibus Ecclesiæ triumphetis. Ibid., 5. Rapprocher clxiv, 1. Saint Léon se persuade trop facilement que l’empereur Léon surpasse par sa foi la sollicitude des évêques, il presse Anatolios de ne pas cesser de supplier le prince « pro universali Ecclesia », d’empêcher qu’on ne touche au concile de Chalcédoine, sous prétexte d’un nouveau concile. Epist., clvii. Un

peu plus tard, le pape se répand en compliments, qui nous semblent passer la mesure, Epist., clxii, et qui manqueront leur but, puisque l’empereur procédera à une consultation des évêques d’Orient qui, heureusement, tournera en faveur de Chalcédoine, mais qui allait contre le dessein du pape.

Saint Léon croyait ne demander l’aide du basileus que contre les hérétiques, et en fait le basileus, mettait l’épiscopat en tutelle : le pape se prêtait à un jeu singulièrement dangereux !

Le mérite supérieur de saint Léon est dans la conception qu’il a de l’unité et de la discipline de l’universalis Ecclesia, dans la conception qu’il a du rôle de l’évêque de Rome dans cette unité. Il n’a rien créé en cela, il a tout hérité, mais il a donné à ces conceptions leur expression la plus poussée : il n’est pas le premier pape, comme on a prétendu, mais il est pleinement le pape. Dans un temps où l’Empire romain se disloque, où l’Orient catholique avec le monophysisme va vers le schisme, où l’Occident, proie des Barbares, verra bientôt disparaître son dernier empereur, le pape Léon a travaillé à consolider la seule autorité subsistante, celle de la Catholica dont il est la tête. On peut douter qu’il ait vu si loin, car il vit dans le moment présent, il résout les difficultés au jour le jour et une à une, il ne doute pas de la solidité de l’Empire romain, et il compte sur ce totius mundi præsidium. Par là, il est un pape du vieux monde, mais l’ancienne Église n’en a pas connu de plus complet ni de plus grand.

I. Éditions.

On consultera, pour la revue des éditions de saint Léon, la Notilia historico-litteraria extraite de la Bibliotheca de Schoenemann, Leipzig, 1792-1794, et reproduite en tête du t. liv de la Patrologie latine de Migne qui contient les œuvres de saint Léon. La première édition, comptant 12 sermons et 5 lettres a été publiée à Rome en 1470. A la suite, Schoenemann énumère douze éditions successives pour la fin du xve siècle, trente-deux pour le xvie, dix-neuf pour le xviie, jusqu à l’édition du P. Quesnel, Paris, 1675. Pour la fin du xvii » siècle, Schoenemann relève quatre éditions, et au xviii* quatorze, jusqu’à celle de P. et H. Ballerini, Venise, 1755-1757, trois volumes réimprimés dans P. L-, t. liv-lvi, Paris 1865. L’édition de Quesnel lait époque pour les corrections apportées au texte de saint Léon, plus encore pour les notes et dissertations qui l’accompagnent, alors même que le jugement de l’éditeur, n’est pas toujours sûr. Le tort de Quesnel est d’avoir gâté ce commentaire par un gallicanisme agressif, qui lui valut d’être mis à l’Index par décret du 22 juin 1676. Quesnel sera l’auteur, vingt ans plus tard, des Réflexions morales qui amèneront la bulle Unioenitus. Les deux frères Ballerini, de Vérone, qui s’étaient fait connaître par leur publication des sermons de saint Léon (1736) et par leur vaste compétence tant en théologie morale qu’en droit canonique, furent invités par Benoit XIV à reprendre, en la corrigeant, l’édition de Quesnel. L’œuvre des Ballerini comprend une révision du texte de saint Léon, une réfutation des notes et dissertations erronées ou tendancieuses de Quesnel, des suppléments concernant le sacramentaire romain d’une part, et d’autre part les collections canoniques antérieures à Gratien. L’édition des Ballerini est un chef-d’œuvre de l’érudition du xviii< siècle pour son information et sa snreté.

L’Académie de Vienne annonce, depuis longtemps, une édition des sermons de saint Léon par A. Haberda, qui tarde à paraître. Jusque-là, nous aurons manqué d’une édition critique, dans l’acception moderne du mot, des sermons de saint Léon, puisque ni Quesnel, ni les Ballerini, n’ont procédé à un établissement rigoureux du texte. Du moins, leur devons-nous, aux Ballerini surtout, la discrimination des sermons authentiques. Le style de saint Léon est un critérium assez caractérisé pour permettre d’éliminer les sermons apocryphes : on en a vingt seulement, dans l’édition des Ballerini, auxquels on joindra les huit publiés par Caillau et reproduits dans P. L., t. lvi, col. 1131-1154. Sur un sermon (v » siècle) relatif à la chaire de saint Pierre, que De Rossi pensait pouvoir attribuer à saint Léon, voir Dom Morin, Études, textes, découvertes, 1913,