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LÉON 1er. LES DERNIÈRES ANNÉES DE SAINT LÉON

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l’évêque d’Arles, Havennius, et à ses quarante-quatre collègues pour les remercier d’avoir souscrit sa lettre à Flavien. Le pape a fait connaître aux évêques orientaux le sentiment commun de Rome et de l’Occident. Le concile s’est tenu à Chalcédoine, qui a réuni près de six cents évêques, et qui n’a toléré aucune entreprise contra fundatam diuinitus fidem. Les princes, les pouvoirs publics chrétiens, tous les ordres du clergé et du peuple, ont reconnu hanc esse vere apostolicam et catholicam fidem, ex divinæ pietatis fonte manantem, quam sinceram et ab omni fœce totius erroris alienam, sicut accepimus, prædicamus, et universo jam mundo consentiente defendimus. Il fallait rejeter l’erreur d’Eutychès comme on avait jadis rejeté celle de Nestorius, et c’est ce que vient défaire le concile de Chalcédoine, humilttatis nostrx scriptis, auctoritate domini mei beatissimi Pétri apostoli et merito roboratis, religiosa unanimitate consenliens. Les légats ne sont pas encore rentrés à Rome, mais le pape ne veut pas attendre pour annoncer aux Gallo-romains de si bonnes nouvelles, que va leur porter leur collègue Ingénuus, évêque d’Embrun.

Quelque temps plus tard, en février apparemment, Jafïé, n. 480, saint Léon s’adresse à l’évêque de Narbonne Rusticus et à ses collègues gallo-romains, en tête desquels Ravennius. Les légats sont de retour du concile, le pape confirme aux Gallo-romains le triomphe de Y apostolica prædicatio. Tous les évêques à Chalcédoine in unam sententiam, sancto Spiritu docente, consensere. Le pape joint à sa présente lettre le texte de la sententia prononcée contre Dioscore par le concile. Sur cette sententia, voir Siège apostolique, p. 543.

La lettre de saint Léon à l’évêque de Fréjus, Théodore, Il juin 452, Jafïé, n. 485, est la réponse à une consultation demandée à Rome par cet évêque. Le pape lui représente qu’il aurait dû interroger d’abord son métropolitain : si celui-ci n’avait pas été en mesure de l’instruire, il se serait alors adressé à Rome, quia, in causis quæ ad generalem observantiam pertinent omnium Dei sacerdotum, nihil sine primatibus oportet inquiri. Le pape va cependant instruire l’évêque de Fréjus de ce que prescrit la régula ecclesiastica dans l’espèce. Suit un exposé de la discipline pénitentielle. La pénitence est instituée pour réparer les défaillances postérieures au baptême : le pardon de Dieu ne s’obtient que par les prières des évêques, indulgentia Dei nisi supplicationibus sacerdotum (nequit) obtineri. Le Christ a donné ce pouvoir aux évêques, præpositis Ecclesise, d’imposer à ceux qui avouent leurs fautes Yaclio psenitentise, et de les rétablir dans la communion des sacrements par la porte de la réconciliation. S’il arrive que quelqu’un de ceux pour qui nous supplions Dieu meure avant d’être arrivé au terme de sa pénitence, croyons que le Seigneur se réserve de faire ce que le ministère de l’évêque n’a pu faire, mais tenons pour utile et nécessaire que le pécheur soit avant sa mort relevé de ses fautes par la prière de l’évêque. A ceux qui, in tempore necessilatis et in periculi urgentis instantia, implorent la pénitence et la réconciliation, on ne doit refuser, ni l’une, ni l’autre : nous ne pouvons limiter la miséricorde de Dieu, nous ne devons pas être difficiles à dispenser les dons de Dieu. Il ne faut pas non plus que le pécheur diffère jusqu’à son dernier jour sa conversion, le péril est trop grand de la remettre à l’heure incertaine qui sera la dernière et où l’on trouvera à peine le temps pour la confessio pœnitentis et pour la reconciliatio sacerdotis. Néanmoins le mourant devra être secouru, s’il demande sa réconciliation, ne fût-ce que par des gestes conscients, supposé qu’il ait perdu l’usage de la parole ; et il devra être secouru de même, si, privé de connaissance, les fidèles qui l’entourent peuvent témoigner qu’il a demandé, étant conscient, le bienfait de la pénitence et de la

réconciliation. On observera cependant la règle des canons des Pères concernant les personnes qui ont péché contre Dieu en abandonnant la foi. En terminant, saint Léon prie l’évêque de Fréjus de communiquer sa réponse à son métropolitain, afin que, s’il se rencontre des évêques embarrasés, cette réponse les éclaire tous sur les règles à observer.

Cette lettre à l’évêque de Fréjus révèle au mieux l’action et l’autorité du Siège apostolique en matière de discipline, en Occident : les évêques comme ce Théodore ne pensent pas à saisir de leurs doutes le concile de leur province, leur métropolitain : ils recourent à Rome pour régler leur conduite. Les métropolitains en font autant. En 458, ou 459, l’évêque de Narbonne, Rusticus, envoie à Rome son archidiacre Hermès pour soumettre les gesta d’une action que Rusticus a ouverte contre deux prêtres, Sabinianus et Léon, lesquels ont fait défaut, alléguant que la justice des juges leur était suspecte. Le pape prononce que les deux prêtres ont péché seulement par excès de zèle, et n’ont pas droit de se plaindre puisqu’ils ont fait défaut, mais il s’en remet à la décision que prendra Rusticus, en lui recommandant l’indulgence. L’archidiacre Hermès a porté à Rome une série de questions à soumettre au pape. Ici encore il s’agit de doutes à résoudre, de règles à poser : le métropolitain de Narbonnaise veut tenir de Rome sa règle de conduite. Le pape aurait préféré s’en entretenir de vive voix avec Rusticus : « Les règles, celles qui sont imprescriptibles, appellent dans l’application des tempéraments, pro consideratione œtatum, aut pro necessitate rerum, étant bien entendu que nous ne ferons rien, dans les cas douteux ou obscurs, qui soit contraire aux préceptes évangéliques ou aux décrets des saints Pères.

On n’attend pas de nous que nous analysions les dix-neuf questions et les dix-neuf réponses, questions de droit et cas de conscience posés au pape et résolues par lui. Nous ne pouvons cependant omettre de relever ce que ces solutions ont de sagesse et aussi bien d’indulgence. Cette lettre à Rusticus inaugure en quelque manière la casuistique, avec quelle dignité ! Et comme elle fait comprendre que ces Gallo-romains aient aimé à chercher à Rome la règle sûre et juste de leur conduite ! Nous avons dans cette lettre à Rusticus mieux encore, si on peut dire. Rusticus s’est ouvert au pape de l’affliction que lui donnent les scandales qui se multiplient, jusque-là qu’il songe à résigner l’épiscopat pour finir sa vie dans le silence et le repos. Avec une condescendance touchante, saint Léon s’applique à ranimer le courage de l’évêque, à le détourner de Vamor quietis. Il faut tenir, lui dit-il, il faut supporter. Odio habeantur peccata, non homines : le Christ est notre conseil et notre courage. Cette exhortation n’est pas seulement d’un moraliste judicieux, mais d’un grand cœur.

Des réponses aux dix-neuf questions de Rusticus de Narbonne, on rapprochera les réponses aux sept questions de Nicétas d’Aquilée, lettre du 21 mars 458. Jaffé, n. 536. On notera l’indication de la fin : Hanc epislolam nostram, quam ad consultationem tuæ fraternitatis emisimus, ad omnes fralres et comprovinciales luos episcopos faciès pervenire, ut omnium observantise data prosit auctoritas. Saint Léon n’a pas recours à son concile pour donner ces réponses, il les donne de lui-même, et cela suffit pour qu’il puisse prier l’évêque d’Aquilée de les communiquer à ses comprovinciaux et que ceux-ci s’y soumettent. La lettre (auctoritas) peut compter sur l’obéissance de tous.

Le pape ne s’interdit pas pour autant de délibérer avec son concile. Sa réponse aux questions de l’évêque de Ravenne, Néon, 24 octobre 458, Jafïé, n. 543, énonce que fréquemment le pape sur divers doutes a dû fixer les esprits hésitants des évêques ses frères, et qu’il a cher-