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LEON 1er. SAINT LEON ET L’ORIENT


fratres mei qui vice mea orientali synodo præsederunt, et saint Léon confirme à Ravennius et à ses collègues gallo-romains les bonnes nouvelles qu’il leur a données déjà. Jafïé, n. 480. Pas un mot des difficultés subsistantes.

Mais le 22 mai 452, Jalïé, n. 481, répondant à l’empereur Marcien, le pape Léon le remercie d’avoir fait l’unanimité de foi des peuples, des évêques, des princes. Aussitôt cependant il parle de la douleur qu’il a de voir l’esprit d’ambition menacer la paix que Dieu vient de rendre à l’Église universelle. Anatolios avait bien des raisons d’être modeste : il était suspect, du fait des évêques à qui il devait son ordination, et nous avions été indulgent à ses débuts incertains, assure le pape, en considération de la foi et de l’intervention de l’empereur. Il aurait dû suffire à Anatolios d’être, par l’appui de votre piété et par mon bon vouloir, évêque d’une si grande ville. A défaut d’un siège apostolique, qu’il ne dédaigne pas une cité impériale : Non dedignetnr regiam civitatem, quam apostolicam non potest facere sedem.

Nous découvrons que le pape est entré pleinement dans le sentiment de ses légats : il ne veut pas du 28° canon, et il donne à l’empereur les raisons de son veto : Privilégia enim Ecclesiarum, sanctorum patrum canonibus insliluta, et venerab’ilis Nicœnse synodi fixa decretis, nulla possunt improbitate convelli, nulla novitate mutari. Le pape estime que c’est sa tâche de maintenir, avec l’aide du Christ, les institutions des Pères : Dispensatio mihi crédita est, et ad meum tendit reatum, si paternarum régulée sanctionum, quæ synodo Niceena ad totius Ecclesiæ regimen spiritu Dei inslruente sunt conditæ, me (quod absit) connivente violentur. Le pape est le gardien des règles posées à Nicée pour l’ordre de toute l’Église.

La lettre du même jour, 22 mai 452, Jafïé, n. 482, à l’impératrice Pulchérie, est conçue dans le même sentiment. Le pape rend grâces à Dieu du zèle de l’impératrice pour la paix rendue à toute l’Église, pour l’univers confirmé dans l’unité de l’Évangile. Mais il ne peut accepter l’ambition d’Anatolios. On ne doit permettre à qui que ce soit d’attenter aux décrets du concile de Nicée, qui sont la condition de la paix dans les Églises. L’évêque de Constantinople, par quoi serat-il satisfait, si la grandeur de Constantinople ne lui suffit pas ? Celui-là seul est grand qui est étranger à toute ambition. Anatolios foule aux pieds l’antiquité pour s’arroger le droit d’autrui. Il veut exalter la dignité de son siège en confisquant tôt métro politanorum primatus, et en troublant lapaix de provinces où le concile de Nicée avait mis l’ordre. Pour se justifier, il invoque le consentement d’évêques (ceux du concile de 381). En conclusion, le pape déclare : Consensiones episcoporum, sanctorum canonum apud Nicseam conditorum regulis répugnantes, unita nobiscum vestrse fidei pietate, in irritum mittimus et per auctoritatem beali Pétri apostoli generali prorsus deftnitione cassamus. C’est le rejet solennel et la condamnation du 28° canon.

Ce même 22 mai 452, saint Léon écrit à Anatolios, Jafïé, n. 483, dans le même sens et avecplus de sévérité. La foi a été mise en sûreté par le concile, le pape s’en réjouit et sait gré au zèle d’Anatolios d’y avoir travaillé. Élu d’une faction détestable, Anatolios n’a pas justifié les craintes qu’il inspirait, et Dieu a tourné le mal en bien. Mais le pape ne peut supporter son ambition. Il s’est arrogé, en effet, la consécration de l’évêque d’Antioche contra canonicam regulam. Il entreprend de méconnaître sacratissimas Nicœnorum canonum constitutions, comme si le temps était venu où l’on dût tenir pour aboli le privilège qui donne le second rang à l’Église d’Alexandrie et le troisième à l’Église d’Antioche, ut, his locis, juri tuo subditis, omnes metropolitani episcopi proprio honore priventur.

Le pape défend les inslitula Xicseni concilii, des lois qui doivent subsister jusqu’à la fin du monde, des institutions quæ ad perpeluam utilitatem generaliter instituta sunt. Il le dit en une formule toute juridique : Non convellaniur provincialium jura primaluum, nec priuilegiis antiquitus institutis metropolitani fraudentur antistites. Nihil Alexandrinæ sedi ejus quam per sanctum Marcum evangelistam beali Pétri discipulum meruit pereat dignilatis… Antiochena quoque Ecclesia, in qua primum prædicanle beato apostolo Petro christianum nomen exortum est, in paternse constitutionis ordine perseveret et in gradu tertio collocata nunquam se fiât inferior.

Nous ne ferons pas de difficulté de reconnaître que l’opposition de saint Léon au 28e canon est malaisée à justifier. Ce canon, en effet, ne confisquait pas les droits de tous les métropolitains orientaux au bénéfice de l’évêque de Constantinople. Tout au plus pourrait-on trouver dans les canons 9 et 17 l’institution en certaines causes, d’un recours à Constantinople, recours facultatif, mais il n’y a rien de pareil dans le 28e canon. Secondement, saint Léon articule que les institutions établies par les saints Pères sont immuables, intangibles, et doivent durer jusqu’à la fin du monde : affirmation que l’expérience des siècles infirme. Troisièmement, saint Léon veut que le concile de Nicée ait établi un ordre qui fait du siège d’Alexandrie le second après Rome, et du siège d’Antioche le troisième : le canon 6 de Nicée n’a pas ce sens.

Quelle que soit la valeur des considérants invoqués par le pape, on voit qu’il ne supporte pas l’accaparement par l’évêquedeConstantinople d’une primauté, soit d’honneur, soit de juridiction, qui est manifestement dans ses desseins. N’eût-il pas été plus habile de s’accommoder de la primauté de Constantinople, puisqu’elle était inévitable et qu’elle s’exerçait déjà de fait, quitte à chercher le moyen de l’ajuster au principatus de l’évêque de Rome ?

Un autre point difficile de la position de saint Léon est qu’il déclare ne pas connaître le canon 3 du concile de Constantinople de 381, et qu’il assure que ce canon est depuis soixante-dix ans resté sans effet. En fait, au concile de Chalcédoine, les légats ont reconnu à Anatolios le premier rang, loin de le réclamer pour l’évêque d’Antioche, à défaut de l’évêque d’Alexandrie. Eusèbe de Dorylée a déclaré que, étant à Rome, il avait lu au pape le canon 3 de 381, et que le pape l’avait approuvé. Tillemont, Mémoires, t. xv, p. 617. Siège apostolique, p. 559.

Ces difficultés sont graves et reconnues. Voir R.-J. Kidd, A History of the Church to A. D. 461, 1922, t. iii, p. 336. Mais on n’a pas le droit de dire que le pape ne pouvait alléguer les vraies raisons de son opposition au 28e canon, c’est à savoir qu’il redoutait un rival à sa propre autorité, dans « l’élévation de Constantinople au second patriarcat. Ibid. Faisons à saint Léon l’honneur de croire qu’il ne cachait pas sa pensée et qu’il n’aurait pas craint de la dire tout entière à Marcien, à Pulchérie, à Anatolios, à Julien de Kos. Il était trop clairvoyant pour ne pas voir un danger dans l’ambition de l’évêque de Constantinople. et il la dénonce en clair. Il a peut-être voulu interdire la constitution en Orient d’une unité dont l’évêque de Constantinople serait le chef, et qui s’opposerait à celle de l’Occident en s’en isolant, et qui serait dans la main du basileus, lequel n’aurait pas toujours les mêmes sentiments que Marcien ou Pulchérie.

Ainsi en jugent R. Sohm, Kirchenrecht, t. i, 1892, p. 437, et Duchesne, Hist. anc, t. iii, p. 465. Mais cette interprétation dépasse les déclarations du pape : Léon ne dénonce que l’ambition d’Anatolios.

Quant à voir dans cette ambition la négation du privilège apostolique de Rome, c’est ce que les adver-