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LEON 1er. SAINT LEON ET L’ORIENT


Le Symbole, en effet, fait prononcer aux fidèles : « Je crois en Dieu, le père tout-puissant, et en Jésus Christ, son fils unique, notre Seigneur, qui est né du Saint-Esprit et de la vierge Marie. » Ces énoncés suffisent presque pour vaincre toutes les hérésies. Celui qui croit en Dieu le Père tout puissant reconnaîtra que le Fils est coéternel au Père. Et ce Fils unique, éternel, d’un Père éternel est né du Saint-Esprit et de la vierge Marie. Cette naissance temporelle n’a rien retranché ni ajouté à la naissance éternelle. Sa raison d’être a été le salut de l’homme, car nous ne pouvions dominer ni le péché, ni l’auteur de la mort, si le Fils n’avait pris notre nature et ne l’avait faite sienne. Il a donc été conçu du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge, qui l’enfanta sans perdre sa virginité, de même qu’elle l’avait conçu sans que cette virginité reçut aucune atteinte.

La christologie justifiée d’abord par le Symbole, l’est ensuite par le Nouveau Testament et par les prophètes. Eutychès semble ignorer la généalogie que l’Évangile donne au Christ et que l’Épître aux Romains i, 1-4, corrobore. Il ignore pareillement Isaïe, vii, 14 et ix, 6. La conception de la Vierge est l’œuvre de Dieu, mais la chair de celui qui est conçu n’en est pas moins empruntée à la nature de celle qui conçoit, et la réalité du corps du Christ est vraiment prise du corps de sa mère.

Ainsi les deux natures, conservant ce qui leur est propre, s’unissent en une seule personne. Pour payer notre dette, la nature impassible s’est unie à la nature passible, afin que, suivant ce qu’exigeait notre salut, l’unique médiateur de Dieu et des hommes, l’homme Jésus-Christ, d’une part pût mourir et de l’autre fût immortel. Le Fils de Dieu descend de son trône céleste sans pourtant quitter la gloire du Père. De sa mère il a pris la nature, mais il n’a pris aucune faute. De ce que la naissance de notre Seigneur, formé dans le sein de la Vierge, est miraculeuse, il ne s’ensuit pas que sa nature soit différente de la nôtre. Chacune des deux natures opère en union avec l’autre ce qui lui est propre. Une seule et même personne est tout à la fois véritablement fils de Dieu et véritablement fils de l’homme. Sa naissance charnelle est une manifestation de sa nature humaine, son enfantement virginal est la marque de sa vertu divine. Ce n’est point la même nature qui peut dire : « Le Père et moi nous ne sommes qu’un, » Joa., x, 30, et déclarer d’autre part : Mon Père est plus grand que moi. » xiv, 28.

Lorsque notre Seigneur veut par ses questions instruire lui-même ses disciples, il leur demande : « Qui dit-on que je suis ? Mais vous, qui croyez-vous que je suis, moi que vous voyez dans la condition de l’esclave et dans la vérité de la chair ? » Alors le bienheureux l’ierre, divinement inspiré et devançant tous les peuples par sa profession de foi, répond : « Vous êtes le Christ, fils du Dieu vivant, i Et ce n’est point sans raison que l’ierre est déclaré bienheureux par le Seigneur et tire ainsi de la pierre par excellence, qui est le Christ, la force de son pouvoir et de son nom, lui qui confesse que le Christ est fils de Dieu. L’un sans l’autre n’aurait pu opérer notre salut, et il y avait un égal péril, que le Seigneur fût Dieu sans être homme, ou homme sans être Dieu. De même, après sa résurrection. le Sauveur emploie quarante jours à éclairer la foi qui

sera la nôtre. Il converse avec ses disciples. j| habite et mange avec eux. il leur montre la plaie de snn tOUl Cela afin que l’on connaisse que les propriétés de la nature divine et de la nature humaine demeurent Inséparablement unies, et que, sans Identifier le

Verbe et | ; i chair, nous soyons convaincus que le Yci be et la chair ne forment qu’un Fils île Dieu.

1 est le mvstère de la foi qu’l’.ul cliès a complète ment ignoré : il n’a point reconnu notre nature dans |e fils unique de Dieu, pas plus dans les abaissement ! de

sa passion que dans les magnificences de sa résurrection. Interrogé par vous, Eutychès a répondu : « Je professe qu’avant l’union notre Seigneur était en deux natures, mais après l’union je crois qu’il n’existe plus qu’une seule nature. » Je suis grandement surpris qu’on lui ait laissé émettre, sans qu’aucun de ses juges le repîrt, une profession de foi aussi scandaleuse.

Le pape ne désespère pas de voir Eutychès venir à résipiscence. Léon croit trouver dans les gesta l’indice qu’Eutychès a commencé, d’une manière fort louable, à renoncer à ses premiers sentiments. Mais comme il refusait d’anathématiser son dogme impie, le concile a bien jugé en le condamnant. S’il accepte, même tardivement, la sentence qui l’a frappé, s’il réprouve de vive voix et par écrit tout ce qu’il a pu penser de faux, nul ne pourra blâmer qu’on use de miséricorde avec lui. Imitons le bon pasteur : la justice doit réprimer ceux qui pèchent et la miséricorde ne pas repousser ceux qui se convertissent ; c’est seulement quand les sectateurs d’une opinion fausse ont eux-mêmes condamné leur erreur que la vraie foi est défendue avec tout le fruit désirable.

Telle est la célèbre lettre de Léon à Flavien, dont on trouvera une bonne traduction française dans E. Amann, Ledogme catholique dans les Pères de l’Eglise, 1922, p. 344-355. Voir aussi dans ce Dictionnaire, l’article Hypostatique (Union), p. 478-483. Dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1905, p. 290-303, une étude de M. Saltet sur « Les sources de V’Epavia-nf)ç de Théodoret », met en lumière que, dans son état premier, 13 juin 449, la lettre à Flavien n’était accompagnée d’aucun dossier patristique. Après le brigandage d’Éphèse, saint Léon ajouta à sa lettre une série de textes justificatifs empruntés aux Pères, tant grecs que latins ; ce dossier fut porté à Constantinople par les légats Abundius, Asterius, Basilius, Senator (voir plus loin, col. 256), en juillet 450, et il est rappelé par le pape à Paschasinus de Lilibée dans une lettre du 24 juin 451. Sanclorum patrum nostrorum, de sacramento incarnationis Domini quid senserint et quid Ecclesiis prwdicaverinl ut cvidenler agnosceres, aliqua ad dilectionem tuam scripta transmisi, qusc nostri quoque apud Conslantinopolim eu m mea epistola allegarunt. Jaffé, n. 468. Le dossier en question, voir Hardouin, Concil., t. ii, p. 299-306, contient des citations de saint Hilaire, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Ambroise. de saint Jean Chrysostome, de saint Augustin, de saint Cyrille. Déjà en 430, composant son De incarnatione contra Nesloriiim dédié à Léon, Cassicn citait des témoignages des Pères : Hilaire, Ambroise, Augustin. Jérôme, Ru fin, Grégoire de Nazianze, Athanase, Jean Chrysostome : le dossier du pape Léon dépend du dossier de Cassicn. mais on observera que Léon ne cite que des évêques. 1 c dossier de saint I.éon de 450 a été utilise par Théodore ! dans une seconde édition de son’EpaviCT^ç. après le concile de Chalcédoine. En 458, le pape l.éon adressera à l’empereur I.éon un nouveau dossier patristique, oii

se retrouvent les textes du dossier de 150 et de nouveaux textes (t hanase. Théophile, Basile).

Il ne faut pas chercher dans la lettre à Flavien, la doctrine abondante de (.vrille ou de Théodoret, moins encore la scolastique de Léonce de Byzance, l’as de définition de la nature nu de la personne. I.éon prend ses preuves au symbole baptismal, à l’Ecriture, il veut des preuves de tait, c merètes. élémentaires. Il ne prévoit pas d’objections. Il ne prétend qu’à dire ce qu’il a appris. On ne lient pas dire que sa lettre marque

un progrès théologique et dogmatique relativement à l’union hypostatiqi la christologie moyenne

que le pape Impose comme une discipline acquise ans COntroversistes d’Orient, cl’ans entrer dans les

problèmes soulo es par eux.