Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée
235
236
LÉON 1er. SAINT LÉON ÉVÊQUE DE ROME


se dispose à marcher sur Rome. Valenlinien III est à Rome, mais il ne dispose d’aucune force sérieuse pour la couvrir, et Rome ne pourra résister assez longsemps pour permettre à Aèce de venir de Gaule à son secours. Afin d’éviter un désastre, Valentinien III serétigne à négocier avec le roi des Huns. Une ambassade est envoyée qui se compose des trois personnages les plus importants de Rome : Aviénus, qui a été consul en 450, Trigétius ancien préfet (on ne dit pas de quelle préfecture ) et le pape Léon. Prosper, Chronic., an. 452, représente saint Léon comme le véritable ambassadeur : « Il entreprit cette affaire, avec le consulaire Aviénus et l’ex-préfet Trigétius, confiant dans le secours de Dieu qu’il savait n’avoir jamais manqué aux labeurs des gens de piété. Sa foi ne fut pas trompée. Attila reçut toute la légation avec dignité, et il se réjouit tant de la présence du summus sacerdos, qu’il décida de renoncer à la guerre et de se retirer derrière le Danube après avoir promis la paix. » Attila avait peut-être d’autres raisons de ne pas poursuivre sa campagne d’Italie, saint Léon n’en fut pas moins écouté, et cela importe surtout. Prosper qui est le contemporain de saint Léon, ne connaît rien des traits légendaires dont on a paré le souvenir de. la rencontre d’Attila et du pape, non loin de Mantoue, au confluent du Mincio et du Pô. On raconta, en effet, que, au moment où Léon parlait à Attila, celui-ci aurait eu la vision des apôtres Pierre et Paul se montrant dans les airs au-dessus du pape. Cette scène a été popularisée par Jacques de Voragine et par Raphaël, mais, observe le P. Grisar, « devant le silence des sources contemporaines, ces créations de l’art ne sauraient détourner l’historien de rechercher quand ce récit parut pour la première fois. Jusqu’à présent, la plus ancienne trace que l’on en trouve est dans Paul Diacre, aux environs de l’an 800. » H. Grisar, Histoire de Rome et des papes au Moyen Age, trad. franc., 1. 1, 1906, p. 332.

Nul doute que la démarche de saint Léon ait frappé l’esprit de tous. En 510, les évêques orientaux invoquant le secours du pape Symmaque, lui rappelleront son prédécesseur Léon allant en personne à la rencontre d’Attila et réclamant la délivrance des prisonniers, non seulement chrétiens, mais juifs et païens. P. L., t. lxii, col. 59.

L’ambassade de saint Léon auprès d’Attila doit se placer en 452, à l’automne. Attila évacua l’Italie, comme il l’avait promis : en 454, il mourut d’une mort bien capable de frapper l’imagination des contemporains. L’Italie était délivrée, mais Attila n’était pas mort, quand saint Léon écrit, Il mars 453, à l’évêquc Julien de Kos, qui lui sert d’agent à Constantinople. Julien lui a dit son émoi à la nouvelle des malheurs de l’Italie envahie. « J’ai reconnu les sentiments de ta dilection fraternelle, lui répond le pape, à la compassion que tu as pour les maux si monstrueux et si cruels que nous avons soufferts. Plaise à Dieu que ces maux, qu’il a permis ou voulu que nous souffrions, servent à la correction des survivants, et que, les malheurs cessant, cessent aussi les offenses. Ce sera encore une grande miséricorde de Dieu, s’il écarte les fléaux et convertit les cœurs. » Jaffé, n. 489. Cette allusion est la seule que l’on relève chez saint Léon à l’invasion d’Attila, et saint Léon lui-même ne nous révèle rien du grand rôle qui a été le sien dans ces événements.

Galla Placidia était morte le 27 novembre 450, laissant Valentinien III, incapable de se conduire, à la merci de son favori, l’eunuque Héraclius. On persuada à Valentinien III de se débarrasser d’Aèce, le dernier rempart de l’empire : Aèce fut assassiné sous les yeux mêmes de l’empereur, à Rome, le 21 septembre 454. Quelques mois plus tard, à Rome, Valentinien III était à son tour assassiné, 16 mars 455. Martroye, p. 150154. La lignée mâle de Théodose, qui s’éteignait avec

lui, faisait une pitoyable fin. Supposé que l’on doive suspecter les récits de Procope au sujet de Valentinien III, quelle pauvre figure que celle de ce prince « sans forces et sans cœur », comme dit Tillemont, « empereur de palais dont jamais les armées ne virent la majesté pâle », comme dit Duchesne ! On n’en est pas moins déconcerté de ne trouver chez saint Léon pas un mot de remerciement ou de commisération à son adresse.

Valentinien III fut remplacé le jour même de sa mort par le sénateur Pétronius Maximus. Genséric jugea le moment favorable pour tenter un coup sur Rome, sa flotte parut à l’embouchure du Tibre. La panique fut aussitôt immense à Rome et tout ce qui pouvait fuir fuyait : l’empereur Pétronius Maximus fut tué par des soldats au moment où il prenait lui-même la fuite, le 31 mai 455 : il avait régné soixantedix-sept jours. Trois jours après, Genséric entra dans Rome. Saint Léon, accompagné de tout le clergé, vint à la rencontre du roi des Vandales, à la Porta Portuensis, dans l’espoir qu’il réussirait auprès de lui comme il avait réussi auprès du roi des Huns : il obtint que les Vandales ne brûleraient pas Rome et ne massacreraient pas ses habitants, mais il ne put préserver la ville d’un pillage qui dura quatorze jours. Grisar, 1. 1, p. 79-82 ; Martroye, p. 159-161.

On a des détails sur ce pillage. Les chariots ne se comptaient pas qui emportaient les richesses enlevées aux temples, aux églises, aux palais. Procope signale parmi ces richesses les dépouilles du temple de Jérusalem, apportées jadis par Titus et déposées par Vespasien dans le Temple de la Paix, mais ces dépouilles subsistaient-elles encore ? Grisar note que, si les églises de Rome souffrirent toutes du pillage des Vandales, seules la basilique de Saint-Pierre, la basilique de Saint-Paul, peut-être la basilique du Latran, furent épargnées. Grisar, p. 81-82. La confession de Saint-Pierre possédait une grande pièce d’orfèvrerie en or. où figuraient le Christ et les douze apôtres dans une série d’arcades décorées de pierres précieuses : c’était un ex-voto offert par Valentinien III, du temps du pape Xyste. Nous savons que cette pièce d’orfèvrerie échappa au sac de Genséric, et elle subsistait à l’époque de Chademagne. Duchesne, Lib. pontif., 1. 1, p. 235, n. 8.

Genséric évacua Rome et l’Italie, emmenant des milliers de prisonniers, au premier rang desquels était Licinia Eudoxia, veuve de Valentinien III, et ses deux filles Eudoxia et Placidia.

A Constantinople, le successeur de Théodose II, l’honnête Marcien, ne reconnut pas Pétronius Maximus, et se considéra comme l’unique empereur de tout l’Empire romain, mais il ne pouvait rien contre Genséric, qui mit la main sur ce qui restait aux Romains en Afrique. Cependant, en Occident, l’homme que Pétronius Maximus avait placé à la tête de l’armée, Éparchius Avitus, se faisait proclamer empereur à Arles, 29 août 455, et arrivait à Rome le 21 septembre : le sénat le reconnut, et Marcien à son tour le reconnut. Mais à la tête de l’armée était maintenant Ricimer, suève d’origine et arien : en 456, il montra sa valeur en arrêtant la flotte vandale qui menaçait de nouveau l’Italie. Le 18 octobre 456, il déposait Avitus. Il allait demeurer jusqu’à sa mort (472) le maître de l’Italie, sans oser se faire roi ou empereur. Le 1 er avril 457, après un interrègne de près de cinq mois, il revêtait de la pourpre Majorien. Le choix eût été heureux, si Ricimer n’avait vite pris ombrage des desseins de l’empereur et ne l’avait déposé (2 août 461) et mis à mort (7 août). Il le remplaça par une ombre d’empereur, Libius Sévérus (19 novembre 461), qui occupa l’emploi jusqu’au 15 septembre 465 où il mourut.’Ricimer alors se tournera vers Constantinople et