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LE MASSON


Couteulx, qui depuis plusieurs années déjà recueillaient des documents pour composer une histoire de l’ordre. Dom Le Masson garda pour lui la tâche d’exposer la règle des chartreux et d’en montrer l’esprit et la constance, il confia à dom Le Couteulx le soin de rédiger les Annales, et chargea dom Le Vasseur d’écrire les Èphémérides. Voir article Chartreux, bibliographie de saint Bruno et bibliographie de la Règle. Dom Le Masson mourut d’apoplexie, le 8 mai 1703.

Les ouvrages imprimés de dom Le Masson sont fort nombreux. La première catégorie comprend les publications relatives à la règle cartusienne, texte, commentaires, directoires, etc. Signalons seulement le Directoire des novices chartreux de l’un et de l’autre sexe, Lyon, 1660, 1676, édition spéciale pour les moniales, Avignon, 1869. Trad. latine faite par l’auteur même, Lyon, 1676.

Non moins nombreuses sont les œuvres de spiritualité. Après avoir fait paraître séparément des Instructions spirituelles, Paris, 1674, des Lettres spirituelles, Paris, 1676, et une Introduction à la vie religieuse et parfaite, Lyon, 1687 (plusieurs éditions), dom Le Masson réunit en un seul tome les Instructions et les Lettres y ajouta deux livres sur les Scrupules, et fit imprimer le tout comme t. ii, de V Introduction, Paris, 1701. Il en avait donné antérieurement une édition latine sous le titre I ntroductio ad vitam inleriorem et perfectam, La Correrie, 1693-1695. Pour l’histoire des démêlés de dom Le Masson avec les jansénistes il importe de marquer Y Appendix du premier tome latin, qui n’est pas le même dans tous les exemplaires. Il est intitulé dans quelques-uns : Appendix in qua in unum collecta habentur loca ubi piissimus auctor libride Imilatione Christi de gratia Christi loquitur, ut ejus sensus de hac re evidentius innotescat, et n’a que 19 pages numérotées à part ; dans les autres exemplaires, après le mot Appendix, on lit : Epistola monitoria et adhortatoria R. P. Prioris Carlusiæ ad omnes superiores cartusiensis ordinis pro sollicitudine adhibenda contra libros suspectes et colloquia novatorum, et à la suite de cette lettre on trouve les mêmes textes de V Imitation avec le commentaire de l’auteur et deux petites dissertations fort importantes. Dans le première, l’auteur expose la doctrine du concile de Trente sur la grâce, et dans la seconde, il traite de doctrina et verbis S. Augustini sur la même matière. Dans ces exemplaires V Appendix a 36 pages également numérotées à part. Cette étude fut clandestinement communiquée à un théologien janséniste, qui l’attaqua par quinze objections, auxquelles Le Masson fit autant de réponses aussi profondes que savantes ; et, pour aider ses religieux à se pénétrer de l’esprit et de la doctrine de l’Église sur la grâce, il fit imprimer séparément V Appendix avec les objections et ses réponses sous ce titre : Enchiridionsalutis opérandes, in quo de gratia Christi obtinenda, servanda et in vacuum non recipienda agitur secundum mentem et instituta Libri de Imitatione Christi, La Correrie, 1693, 16 et 260 pages. Cet opuscule fut propagé au dehors, examiné avec rigueur, attaqué par les disciples de Port-Royal et défendu par les théologiens catholiques. Parmi les critiques, faites à son sujet, on doit noter les remarques très modérées que plusieurs théologiens de la Faculté de Paris envoyèrent au religieux qui leur répondit avec déférence. Ces remarques étant très justes, l’auteur n’hésita pas à les publier avec ses réponses dans le même format que l’Enchiridion pour le compléter. Voici le titre : Examen Enchiridii gratiæ Dei a pluribus doctoribus parisiensibus sapienlissimis magistris factum, La Correrie, 1695. Hors de France, l’Enchiridion fut reçu avec applaudissement. Mgr Steyært, vicaire apostolique de Bois-le-Duc, jugea que c’était un petit livre sanctus et utilissimus ; le docteur François Martin, professeur à l’Université

de Louvain, déclara que tous les catholiques devaient l’estimer et rendre grâces à son auteur. Ces encouragements décidèrent le chartreux à en donner une édition destinée au public. Elle parut, en effet, en 1699, in-18, avec le même titre : Enchiridion, etc., à La Correrie, et fut répandue avec succès en France, à Rome et en Belgique, De toutes parts les théologiens catholiques envoyèrent à la Grande Chartreuse leurs témoignages d’estime pour la publication opportune d’un livre aussi utile dans l’agitation d’esprit, où se trouvaient les fidèles à cause des doctrines propagées par les disciples de Jansénius. Mais ce qui irrita davantage le parti de Port-Royal fut la publication d’une lettre du R. P. Thyrse Gonzalez, général des jésuites, datée de Rome le 12 mai 1699, et l’approbation de l’Enchiridion donnée par Mgr Guillaume de Précipiano, archevêque de Malines et primat de Belgique (7 aoûtl699). Le prélat souhaitait que l’opuscule se trouvât dans les mains de tous les fidèles, et que ses doctrines, vraiment chrétiennes et catholiques fussent bien gravées dans leurs esprits pour avoir une voie de salut très certaine et très sûre. De son côté le général des jésuites félicitait la sainte Église d’avoir trouvé opportunément dans ces temps très dangereux un vengeur très saint et un défenseur très zélé de la foi véritable et orthodoxe. Dom Le Masson répondit à la lettre de Thyrse Gonzalez par une ouverture de cœur, qui lui exposait brièvement comment il était arrivé à se préserver des erreurs janséniennes et à demeurer fidèle à l’enseignement catholique. Cette réponse donna lieu à un commerce épistolaire entre les deux grands théologiens et vers la fin de 1699, le chartreux fit imprimer quatre lettres de Gonzalez, et trois de ses réponses, où mutuellement ils exposaient leurs sentiments, sur les matières de la grâce et de la prédestination et montraient leur accord parfait. Ce recueil est très rare ; il a été imprimé à La Correrie, in-16, 36 et 27 pages, sans aucun titre.

Les jansénistes ne pouvaient rester indifférents aux éloges donnés à l’Enchiridon. Plusieurs théologiens du parti écrivirent donc contre les doctrines de dom Le Masson ; mais celui qui s’acharna le plus ce fut le fougueux dom Gerberon qui, en 1700, fit paraître une réfutation, en forme de lettre anonyme, imprimée en français et en latin, et répandue partout avec profusion. Ce pamphlet était intitulé Senior Seniori ; Augustini discipulus, Molinee discipulo ; humilis sacerdos generali præposito Cartusise, meliorem mentem qua et de vera Christi gratia et de ejus defensoribus sequiora senliat et loquatur en français : Lettre d’un théologien au général des chartreux. Un vieillard ù un vieillard, etc., in-12, 22 pages, 1700. Cette Lettre pénétra dans quelques chartreuses de France, où les disciples de Jansénius avaient des amis. Elle apporta le trouble dans plusieurs esprits, qui avaient déjà été impressionés par les libelles imprimés ou manuscrits composés contre les assertions de dom Le Masson, dans la Vie de Mgr Jean d’Aranthon d’Alex, publiée en 1697 et 1699. Le général de l’ordre jugea donc nécessaire de publier une réfutation de la Lettre de dom Gerberon et de la répandre en latin dans les chartreuses et en français dans la Savoie et en France. Le texte latin parut dans la 3e édition de l’Enchiridion imprimée à La Correrie, en 1700, in-8° : le texte français fut imprimé à la même époque dans les Éclaircissements sur la vie de Mgr Jean d’Aranthon d’Alex, dont il sera fait mention plus loin. Dans l’une et l’autre publication, dom Le Masson ajouta un cahier particulier, où depuis longtemps il avait noté pour son usage les cinq propositions condamnées de Jansénius extraites de l’édition de l’Augustinus, faite en 1643 à Rouen, avec plusieurs passages de saint Augustin opposé aux mêmes propositions. Le pamphlet de dom Gerberon