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JUDAÏSME, histoire politique


dant treize ans, il retourna en Perse. Il revint cinq ans après et constata de nouveau de grands abus : le sabbat n’était pas sanctifié, les revenus des prêtres ne se payaient pas, et des mariages mixtes avaient encore lieu en grand nombre. Néhémie agit avec rigueur et chassa même du pays un petitfils du grand prêtre Éliaschib, Manassé, parce qu’il avait épousé la fille de l’ennemi mortel des Juifs, Sanaballat. C’est làdessus, d’après Josèphe, Ant., XI, vii, 2 ; viii, 2, que Sanaballat construisit à Garizim un temple et y institua comme grand prêtre Manassé. D’autres prêtres encore et des laïques, mécontents des mesures de Néhémie, suivirent Manassé. Ainsi devint définitif le schisme des Juifs et des Samaritains.

Tel est l’enchaînement des faits communément admis, à s’en tenir au texte actuel des deux livres canoniques. Néanmoins à y regarder de près, cette restitution des événements offre de fort sérieuses difficultés. Aussi plusieurs critiques sont-ils d’avis que l’activité de Néhémie est à placer avant celle d’Esdras. Voir surtout A. Van Hoonacker, Nouvelles études sur la restauration juive après l’exil de Babylone, Louvain, 1890. La vii c année d’Artaxerxès, donnée comme date de l’arrivée d’Esdras, ne serait pas le viie année du premier, mais du second roi de ce nom, qui régna de 405 à 358 ; elle correspondrait donc à l’an 398. Dès lors il faudrait placer les événements rapportés Esdr., vn-x, après ceux que raconte le livre de Néhémie. En effet l’ordre donné par Artaxerxès I er à Néhémie et les premières mesures prises par celui-ci ne tiennent aucun compte de l’œuvre de réforme accomplie par Esdras, et seraient incompréhensibles venant après l’action de celui-ci. Pour une foule d’autres raisons, - voir Esdras et Néhémie, t. v, col. 517, sq.. l’ordre de succession Néhémie-Esdras semble s’imposer. Dans ce cas, Esdras aurait coopéré à l’œuvre de Néhémie comme simple prêtre, non comme délégué du grand roi et son retour avec la caravane de dix-sept cents Juifs serait un second voyage de rapatriement, qui prit place après un séjour de quelques années que ce prêtre dut aller faire en Babylonie.

Récemment cette hypothèse a été attaquée par le P. Kugler, op. cit., p. 201 sq., lequel a prétendu la réfuter définitivement par des arguments, tirés de calculs astronomiques et de données du calendrier juif : en 398, le départ de la caravane d’Esdras aurait eu lieu un vendredi, la veille du sabbat et l’arrivée à Jérusalem un sabbat ; en 458, le départ tomberait un mercredi et l’arrivée un vendredi. Dans le premier cas, le repos du sabbat aurait été deux fois violé ; il faudrait donc maintenir l’année 458 pour le retour d’Esdras. A. Van Hoonacker, Revue biblique, 1923, p. 481-494 et 1924, p. 33-64 après avoir soumis cette argumentation à un examen minutieux aboutit à prouver que les bases en sont précaires. Nous sommes donc autorisés à maintenir avec lui la suite Néhémie-Esdras.

3. Destinées ultérieures des Juifs sous la domination perse. — Pendant que dans leur patrie les Israélites se trouvaient dans une extrême détresse, ils obtenaient à Suse sous le règne de Xerxès I er (485-465), par l’élévation d’Esther à la dignité de reine la gloire et la puissance.

Sur la vie des Juifs en Palestine à la fin du ve et au ive siècle, nous avons peu de renseignements. Par Josèphe, Ant., XI, vii, 1, nous savons que le grand prêtre Jochanan, petit-fils d’Eliaschib et frère de Manassé, tua dans le temple pendant l’office son autre frère Josué parce que celui-ci voulait, avec l’aide du gouverneur perse Bagosès. s’emparer du souverain pontificat et dans la chronique d’Eusèbe, nous lisons que sous Artaxerxès III Ochus (358-337) beaucoup de Juifs furent déportés en Hyrkanie, près de la mer Caspienne. Eusèbe, Chron., édit. Schœne, t. ii, p. 112.

Parmi les papyrus d’Éléphantine se trouve une lettre, adressée en 408-7 par les membres d’une colonie militaire juive au gouverneur Bagoas (= Bagosèsi et aux fils de Sanaballat. Les requérants se plaignent de ce que le temple que leurs ancêtres avaient construit dans la forteresse de Jeb en l’honneur de Jahvé, ail été détruit en 411-10, par des prêtres païens. Ils se sont déjà adressés, il y a trois ans, au grand prêtre Jochanan de Jérusalem et à Bagoas, sans avoir eu de réponse. Ils viennent de nouveau solliciter la faveur du gouverneur ainsi que des fils des grands ennemis des Juifs pour reconstruire le temple. Bagoas, d’après un autre texte très fragmentaire, leur accorda l’objet de leur demande.

Il résulte de ces textes qu’au vie siècle déjà il y avait en Egypte une importante colonie juive qui, ne pouvant pas prendre part au culte de Jérusalem, avait pris l’initiative de construire un temple à son usage.

Période grecque.

1. D’Alexandre le Grand jusqu’à

Anliochus Épiphane (333-175). — Lorsque, en 333, Alexandre le Grand, par la bataille d’Issus, eut mis fin à l’empire perse, une nouvelle période commença pour l’Orient, qui allait désormais subir avec le règne de ses nouveaux maîtres, l’influence de la civilisation hellénique.

D’après Josèphe, Ant., XI, viii, 4, la Palestine aurait été conquise par Alexandre lui-même qui serait entré solennellement à Jérusalem pour rendre hommage à Jahvé ; mais en réalité la Terre sainte fut soumise au joug grec par ses deux généraux Parménion et Perfliccas.

Pendant les guerres des diadoques, elle eut beaucoup à souffrir parce qu’elle se trouvait entre le royaume égyptien des Lagides et le royaume syro-babylonien des Séleucides. Elle était la pomme de discorde entre eux comme autrefois entre les pharaons et les rois assyriens. Après la bataille d’Ipsus (301) qui termina ces guerres, elle fut attribuée à Séleucus. Mais lorsque celui-ci voulut en prendre possession, il la trouva déjà occupée par Ptolémée, fils de Lagus, et ne voulant pas entrer en guePre avec son ancien compagnon d’armes, il la lui abandonna. Les nouveaux roiî d’Egypte, les Lagides, firent l’impossible pour gagnet les faveurs des Juifs. Alexandre déjà leur avait accordé pleine liberté pour leurs pratiques religieuses et les avait, d’après Josèphe, attirés en grand nombre vers l’Egypte, en leur donnant, à Alexandrie les mêmes privilèges qu’aux Grecs. Les Lagides continuèrent cette politique d’Alexandre. Ptolémée I er donna même de préférence des postes de confiance aux Juifs. Alexandrie devint ainsi presque une ville juive et bientôt les Juifs habitèrent l’Egypte par milliers. En Palestine, ils jouissaient d’une grande liberté ; sans les impôts à payer et les garnisons égyptiennes à entretenir, ils eussent à peine senti la domination étrangère. L’administration intérieure était tout entière entre leurs mains.

De temps à autre ils souffrirent des expéditions entreprises par les successeurs de Séleucus pour revendiquer leurs droits. C’est seulement après un siècle parla bataille de Paneïon (198) que ceux-ci parvinrent à s’emparer définitivement de la Palestine.

Pendant les dernières luttes, les habitants de la Terre sainte avaient eu beaucoup à endurer de la part des troupes égyptiennes, de sorte qu’ils reçurent avec enthousiasme le vainqueur Antiochus III le Grand. Celui-ci les dédommagea par de grands privilèges ; il leur accorda pleine liberté pour le culte et exempta de tout impôt les prêtres ainsi que les anciens et tous ceux qui s’établiraient dans les trois années suivantes à Jérusalem.

La fortune qui avait souri à Antiochus 1 II dans ies démêlés avec les Lagides, ne lui resta pas fidèle dans