Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée
1585
1586
JUDAÏSME, littérature juive


3. Littérature prophétique.

La critique moderne veut placer également au temps du judaïsme un bon nombre d’écrits prophétiques. Outre les prophètes de la restauration : Aggée, Zacharie, Malachie, elle regarde comme postexiliens Abdias, Joël, Jonas ainsi que deux morceaux du livre d’Isaïe et le livre de Daniel. Examinons rapidement les divers problèmes que soulèvent ces attributions. — Aggée et Zacharie sont les deux premiers prophètes postexiliens. L’écrit du premier date de l’année 520, il contient des exhortations à la construction du temple en vue d’accélérer l’arrivée du temps messianique. Le livre qui est conservé sous le nom du second se divise en deux parties très distinctes. La première (i-vm) présente sous forme de visions nocturnes les mêmes idées que le livre d’Aggée. La seconde (ix-xiv) diffère beaucoup pour le fond et la forme de la précédente ; il n’est plus question de la construction du temple, de Zorobabel ou de Babylone ; le salut messianique prévu pour la fin des temps, est décrit d’une façon apocalyptique ; les précisions sur la date des prophéties, telles qu’elles se trouvent dans la première partie, manquent. Pources raisons, il semble nécessaire de supposer pour les deux parties, sinon deux auteurs différents’, au moins un certain intervalle entre la rédaction des deux morceaux. Voir A. Van Hoonacker, Les douze petits Prophètes, Paris, 1908, p. 649 sq. L’un et l’autre sont d’une extrême importance à cause de leurs idées messianiques.

Malachie a suivi de près Aggée et Zacharie. Le temple est achevé, i, 10 ; mais les graves abus que blâme le prophète prouvent qu’il a exercé son ministère avant la réforme de Néhémie et d’Esdras. En prédicateur austère, il annonce le jour du grand jugement de Jahvé.

Non seulement ces trois derniers livres du recueil des Douze Petits Prophètes, mais encore trois autres sont à considérer comme postexiliens :

D’abord la prophétie d’Abdias sur la chute d’Edom et sur le relèvement d’Israël qu’à cause des versets Il sq. il faut placer après l’année 586.

Ensuite le livre de Joël, célèbre par sa description si complète et si une du jugement final de Jahvé ; la dispersion d’Israël qui y est supposée, le gouvernement des prêtres, qui semble remplacer celui du roi, ainsi que d’autres faits, paraissent caractériser cet écrit comme postexilien. Voir ci-dessus, col. 1489.

Finalement le livre de Jonas est encore plus sûrement un produit du judaïsme. Les raisons philologiques, historiques et psychologiques rendent sa composition par le prophète Jonas, contemporain de Jéroboam II, pour ainsi dire impossible, et sa forme littéraire le rend voisin des derniers livres du canon. Sa doctrine si remarquable sur l’universalité du salut en fait au point de vue dogmatique une des perles de toute la littérature de l’Ancien Testament, Voir col. 1498.

Bien plus compliqués sont les problèmes que soulèvent certaines parties d’Isaïe et le livre de Daniel.

Au sujet d’Isaïe d’abord, les exégètes non catholiques sont unanimes à placer pendant l’exil les chapitres xl-lv, après l’exil lvi-lxvi et xxiv-xxvii ainsi que d’autres morceaux moins importants. Voir l’exposé des raisons à l’art. Isaie, col. 26 sq.

Du moment que le prophète a écrit certaines parties de son livre comme s’il vivait après la destruction de Jérusalem, et la dispersion des Israélites, il est admis par les exégètes catholiques, J. Touzard, Renie biblique, 1917, p. 122-136, et Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1624, que l’on peut utiliser les chapitres xllv pour le temps de l’exil auquel ils se réfèrent. En vertu du même principe, les chapitres lvi-lxvi deviennent une source pour l’histoire du judaïsme.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

C’est en ce temps seulement que les idées des prophètes étaient destinées à devenir actives. Il faut en dire autant de l’apocalypse xxiv-xxvii, qui fait supposer un milieu historique analogue.

Au sujet du livre de Daniel, l’accord semble fait entre les critiques indépendants pour dire qu’il ne provient pas du prophète exilien et pour en faire un pseudépigraphe de l’époque macchabéenne. Les arguments qu’ils empruntent au fond et à la forme, à la place qu’occupe l’ouvrage dans le canon ainsi qu’au silence du Siracide à son sujet, prouvent au moins que cet écrit n’a reçu sa forme définitive qu’au temps des guerres macchabéennes : ses allusions fréquentes aux circonstances de cette époque montrent qu’il a dû être un livre de consolation précisément pour ce temps. C’est dans ce sens que l’on peut regarder le livre de Daniel comme une source pour la connaissance des idées juives de cette époque.

4. Littérature historique.

Tandis que les livres historiques abondent sur la période qui précède l’exil, deux ouvrages seulement nous renseignent sur l’histoire générale du judaïsme : les livres d’Esdras et de Néhémie et les livres des Macchabées ; les uns et les autres ne portent que sur deux courtes époques, celle de la restauration et celle des guerres macchabéennes.

Les livres d’Esdras et de Néhémie ne sont plus conservés dans leur état primitif, de sorte qu’il n’est pas facile de reconstituer la suite des événements. Le fond des deux écrits est constitué par des documents qui sont très rapprochés des événements, savoir les mémoires d’Esdras et de Néhémie, des actes officiels des archives perses et juives qui constituent des sources très précieuses pour l’histoire. Leur valeur n’a pu être diminuée ni par les nombreuses attaques d’autrefois, voir article Esdras-Néhémie, t. v, col. 535 sq., ni par la critique récente de G. Hôlscher dans E. Kautzsch, Die Heilige Schri/t des Allen Testamentes, 4e édit., Tubingue, 1922, t. ii, p. 491 sq.

Très importants comme sources sont aussi les deux livres des Macchabées ; le premier peut être considéré comme le meilleur livre historique de l’Ancien Testament ; au sujet du second, qui n’est qu’un extrait d’un grand ouvrage de Jason de Cyrène, les critiques font des réserves à cause des nombreux faits miraculeux qui y sont relatés. Tandis que le premier a été composé en Palestine et en langue hébraïque, le second est un produit de l’hellénisme juif et à te titre il renseigne, non seulement sur l’histoire politique rie l’ère macchabéenne, mais, d’une façon particulière, sur les idées religieuses de ce temps.

Les livres d’Esdras et de Néhémie n’étaient primitivement que la seconde partie d’un ouvrage historique dont la première était formée par les deux livres des Chroniques ou Paralipomènes. L’auteur de cet écrit a voulu retracer l’histoire de l’humanité pieuse à partir d’Adam jusqu’à la restauration de la communauté israélite. C’est une des œuvres les plus caractéristiques du judaïsme à cause de l’intérêt prédominant que l’ouvrage manifeste pour le temple et le culte lévitique. Comme source historique, le livre des Chroniques ne mérite pas le mépris avec lequel Wellhausen, Renan et leurs disciples l’ont traité, c’est ce qu’ont montré des savants de première valeur comme H. Winckler, Alttestamentliche Untersuchungen, 191 P, p. 157-167 ; Sellin, op. cit., p. 162 et F. X. Kualer, Von Moses bis Paulus, 1922, p. 234-300 : Zur Glaubwùrdigkeit der Chronik.

Trois autres écrits postexiliens sont relatifs à des épisodes particuliers : le livre de Judith raconte la délivrance de Béthulie par une pieuse veuve, le livre de Tobie le soit d’uni’famille juive, transportée en exil à Ninive, le livre à’Esther l’élection d’rne belle juive comme reine à la cour de Suse et la délivrance

VIII. — 51