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JUDAÏSME, littérature juive

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teuque, il faut dire que ni les divergences entre les éléments historiques et législatifs des cinq volumes, ni les données de l’histoire de la religion Israélite et des autres religions sémitiques, ne sont telles qu’elles forment une preuve absolument inattaquable de la répartition du Pentateuque en quatre sources appartenant à quatre époques tout à fait distinctes.

Pour ce qui concerne en particulier les lois rituelles du Code sacerdotal, nous indiquerons plus loin, les raisons pour lesquelles nous ne nous pensons pas obligés à regarder le Code sacerdotal comme étant l’ouvrage le premier en date et le plus caractéristique du judaïsme. Nous ne laissons pas néanmoins de le tenir pour une source très précieuse et pour un élément constitutif de la vie religieuse d’Israël après l’exil. Car c’est alors seulement que ces lois reçurent leurs derniers compléments et furent observées avec cette minutie qui demeure le trait le plus marquant du judaïsme. Pour comprendre ce dernier fait, il n’est pas besoin de supposer qu’à ce moment-là se fit leur première promulgation ; il suffit de songer aux circonstances nouvelles, créées par l’exil, après lequel l’État politique fut remplacé par une communauté religieuse, dirigée par des prêtres.

2. Littérature poétique et didactique.

a) Les Psaumes. — On appelle avec raison le psautier le livre de prière et de chant de la communauté postexilienne. D’abord c’est à cette époque que fut constitué le recueil définitif et complet des psaumes, que leur usage officiel et privé devint fréquent, qu’on adapta des psaumes individuels au culte public en leur donnant un sens collectif, que bien des titres contenant des remarques liturgiques et musicales ont été ajoutés.

A ces divers titres déjà, le psautier représente un témoignage et un élément important de la piété juive. En outre un certain nombre de psaumes remontent à cette époque. Beaucoup de critiques tiennent que ce serait le cas de presque tous. Hypothèse aussi inexacte que celle de la composition tardive du Code sacerdotal et qui repose en somme sur les mêmes préjugés. Elle ne tient aucunement compte de la tradition si bien documentée des livres de Samuel sur les talents poétiques et musicaux ainsi que sur les productions littéraires de David, I Reg., xvi, 18 ; II Reg., i, 17 sq. : iii, .’5 : 5 sq. ; vi, 15 ; xxii ; xxiii, 1 sq., et méconnaît absolument le caractère de beaucoup de psaumes. Il est tout à fait invraisemblable que les psaumes qui s’adressent à un roi, ii, xvii, xix, xx, xxvii, xliv, lx, i.xii, lxxi, cix, cxxxi, (numérotation de la Vulgate), qui professent une opinion libre sur les sacrifices, xiv, xxxix, xlix, l, soient postexiliens, et puisque ces psaumes voisinent avec d’autres qui leur ressemblent, de grands groupes doivent dater de l’époque des rois. Voir E. Sellin, Einleitung in das Allé Testament, 3e édit., Leipzig, 1020, p. 137 sq.

D’autre part il est certain que l’époque perse pendant laquelle les Juifs jouissaient d’une grande tranquillité extérieure et intérieure et s’adonnaient d’après les Chroniques avec tant de zèle au culte du temple, a vu naître beaucoup de psaumes, en particulier des psaumes liturgiques, mais il est difficile de les discerner des psaumes préexiliens. Par contre l’époque inacchabéenne était beaucoup moins favorable à la poésie religieuse, de sorte que, même pour les psaumes xliii, i. xxiii, i.xxviii, i. xxxii, qu’on regarde si souvent comme mæchabéens, il vaut peut-être mieux supposer une date et une situation plus ancienne.

b) Livres sapientiaux : Cantique des cantiques, Ecclé siaste, Ecclésiastique, Sagesse. La plupart des critiques attribuent tous les livres sapientiaux au judaïsme el y voient, avec les psaumes, les produits caractéristiques de l’époque qui a suivi l’exil, comme les livres prophétiques seraient les œuvres marquantes de la

période préexilienne. Jusqu’à la fin de l’exil, les Israélites auraient eu comme guides spirituels surtout les prophètes ; après cette date, les sages auraient pris leur succession. Cette conception simplifierait beaucoup l’histoire littéraire et religieuse d’Israël. Mais elle ne correspond pas à la réalité telle qu’elle est attestée par les écrits historiques et prophétiques préexiliens. D’après III Reg.. iv, 29 (hébr. v. 10, sq.) ; x, 1 sq. on cultivait déjà la « sagesse » à la cour de Salomon et Jérémie, xviii, 18, parle des « sages » comme d’un étal qui existait de son temps à côté des prophètes et des prêtres.

En face du témoignage de III Heg., iv, 32, sur l’activité littéraire de Salomon, il n’y a aucune raison pour nier en bloc l’authenticité salomonienne du livre des Proverbes. Il n’existe de sérieuses difficultés que pour l’introduction, i-ix, et le dernier chapitre, xxx, 10-31. Les différents arguments qu’on allègue pour l’origine postexilienne des sentences salomoniennes (absence de polémique contre l’idolâtrie, état très élevé de la civilisation qui forme le fond de beaucoup de sentences et qui serait au-dessus du niveau de la culture juive à l’époque de Salomon, etc.) sont loin d’être décisifs. Surtout c’est à tort qu’on suppose nécessaire pour la floraison de la littérature gnomique en Israël l’influence hellénique et qu’on attribue dès lors à une époque tardive, l’ensemble de ces manifestations littéraires.

Il n’est pas aussi aisé de déterminer l’époque du livre de Job. Les moyens sûrs pour fixer sa date font défaut. Il nous semble plus probable que cette œuvre, la plus grandiose qu’ait produite le génie poétique des Israélites, est née au temps de la pleine floraison de la littérature hébraïque, donc avant l’exil. Dans la discussion du problème de la rétribution, la moindre lueur de la possibilité d’une survivance heureuse après la mort manque (xix, 25-27, il n’est pas question de résurrection ; voir art. Job, col. 1473 sq.), ce qui paraît peu vraisemblable pour un homme d’une si haute culture intellectuelle, vivant à l’époque perse ou grccqiTe. La prétendue dépendance du poème par rapport à Jérémie, xx, 14-18, et Ézéchiel, xviii, 2 sq., ou à d’autres écrivains encore plus tardifs est un argument très précaire. Voir néanmoins les opinions en sens contraire dans l’art. Job, col. 1482.

Tous les autres écrits didactiques sont à considérer comme des fruits du judaïsme :

D’abord le Cantique des cantiques, cette poésie aussi réaliste que mystique. Ce sont surtout des raisons d’ordre philologique qui rendent l’origine postexilienne (ive ou ve siècle), plus probable que l’origine salomonienne.

Ensuite VE celés iastc, le plus curieux des produits littéraires du judaïsme biblique, qui, à cause du caractère tardif de sa langue et de sa familiarité avec les idées grecques, à dû être écrit après 300 avant Jésus-Christ. La langue aussi bien que le contenu excluent toute relation avec Salomon.

L’Ecclésiastique contient les i proverbes » du judaïsme. Son auteur, Jésus benSirach, était un scribe palestinien du commencement du iie siècle avant Jésus-Christ. Après s’être adonné dès la jeunesse à l’étude de la sagesse, après avoir voyagé beaucoup, il a composé ce livre essentiellement juif qui se distingue des Proverbes de Salomon par l’influence beaucoup plus grande de la loi et du sacerdoce.

La Sagesse a été composée par un philosophe juif de la Diaspora égyptienne dans le dernier siècle avant Jésus-Christ. L’influence grecque y est plus forte que chez l’Ecclésiaste sans que la doctrine traditionnelle y soit abandonnée : celle-ci est au contraire enrichie par l’enseignement le plus clair de la survie après la" mort et par la spéculation sur la Sagesse incréée.