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JUBE — JUDAÏSME, LITTERATURE JUIVE

par le futur cardinal de Fleury eut connaissance de ses lettres et s’apprêtait à le faire arrêter : Jubé n’eut que le temps de fuir.

On le retrouve ensuite à Rome, au concile réuni par le pape Benoît XIII, où l’avait député l’évêque de Montpellier, un des chefs du parti janséniste. Mais ses intrigues attirent bientôt l’attention sur lui et le forcent à revenir en France. Il voyage alors à l’étranger, mais une mission que lui confient ses amis, l’oriente enfin vers la Hollande et peu après vers la Russie. Il s’agissait de poursuivre des négociations entamées en 1717 par Bourrier, docteur en Sorbonne, pour la réunion de l’Église latine et de l’Église orthodoxe russe. Nommé aumônier de la princesse Dolgorouki, récemment convertie du schisme grec, et précepteur de ses enfants, muni par l’archevêque des appelants, Barkmann d’Utrecht, d’amples pouvoirs, tels que celui d’approuver les prêtres en Russie, d’y établir des paroisses, il se rend à Saint-Pétersbourg, octobre 1728. Comme on le devine et d’après ce qui parait dans ses prédications, il se proposait surtout de convertir les grecs à la cause de l’appel.

La mission de l’abbé Jubé en Russie trompa ses espérances et ne lui attira que désagréments et persécutions. La princesse Dolgorouki dont il était l’aumônier, rentra dans l’Église orthodoxe, et lui-même devenu suspect fut contraint de se cacher, puis de fuir. II avait voyagé de France en Hollande et de Hollande en Russie sous le pseudonyme de de La Cour, il ne réussit à sortir des limites de l’empire russe, qu’enveloppé dans un ballot de marchandises, 1732. De retour en Hollande, il y séjourna jusque vers 1740. s’occupant de dresser la relation de ses voyages. Puis il revint à Paris où il vécut caché. Il mourut à l’Hôtel-Dieu, 30 décembre 1745, muni, paraît-il des sacrements de l’Église et il fut inhumé à Saint-Séverin. A-t-il rétracté son appel et souscrit à la bulle Unigenitus ? En cours de route pour la Russie, apprenant la soumission du cardinal de Noailles, l’abbé Jubé l’avait qualifiée d’affreuse chute, un comble de faiblesse, puis, par manière de protestation et pour attirer, disait-il, les grâces de Dieu sur sa mission, il renouvelait son propre appel. Dans son testament de juillet 1738, en même temps qu’il adhère aux miracles du diacre Paris, il fait de nouveau acte d’appelant. S’il a vraiment reçu les secours de la religion, il y a lieu de croire qu’il s’est rétracté.

On a de lui de nombreux écrits anonymes qu’il est presque impossible d’identifier aujourd’hui ; Lettre d’un curé de Paris à M. Saurin, au sujet de son écrit intitulé : État de la religion en France, en lui adressant le mandement du cardinal de Noailles, et Deux lettres d’un médecin touchant le miracle arrivé dans la paroisse Sainte-Marguerite, 1725, in-12. Il collabora à la Vie des Saints de Baillet.

On trouvera des détails sur la mission de Jubé en Russie dans le 3e volume de l’Histoire et Analyse du livre de l’action de Dieu sur les créatures, 1753 ; Émery en a inséré lin extrait dans les Annales philosophiques, morales et littéraires, 1800, t. i, p. 161, s’appuyant principalement sur la relation manuscrite de Jubé ; voir aussi Réflexions sur la nouvelle liturgie d’Asnières, 1724, in-12, attribuées à Blin, chanoine de Rouen ; Nouvelles ecclésiastiques, 23 octobre 1746 ; l’abbé Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. ix ; Barbier, Examen critique des dicl. historiques, p. 477 ; Michaud, Biographie universelle ; Hœfer, Nouvelle biographie générale.

A. Thouvenin.

JUDAÏSME. — Par judaïsme on entend la religion et l’histoire des Israélites à l’époque postexilienne. Puisque le peuple élu dans sa grande majorité n’a pas reconnu Jésus comme Messie, cette seconde époque de ses destinées dépasse la phase biblique pour se continuer jusqu’à la destruction de l’État juif et la dissolution de la nation. Elle s’étend donc du retour des exilés à l’échec du soulèvement de Barkokéba sous l’empereur Hadrien (538 avant Jésus-Christ-135 après Jésus-Christ).

L’étude de cette période est d’une grande importance d’abord parce que le judaïsme est le prélude immédiat du christianisme. C’est d’une manière générale dans les formes judaïques que les idées et institutions de l’Ancien Testament sont devenues la base du Nouveau. C’est spécialement dans le cadre du judaïsme que s’est formé l’Évangile.

Abstraction faite de cette connexion étroite avec le christianisme, le judaïsme en lui-même a pris de nos jours une portée qu’on ne soupçonnait pas il y a quelques dizaines d’années. En renversant la conception traditionnelle de l’histoire religieuse du peuple juif, en particulier de l’origine de ses productions littéraires, la critique assigne à cette forme religieuse dans l’évolution d’Israël un rôle beaucoup plus saillant qu’autrefois. Position discutable à bien des égards, mais qui impose en tout cas l’obligation de mieux connaître cette suprême période qui clôt l’histoire du peuple de Dieu.


I. Sources : littérature juive. —
II. Histoire politique (col. 1595). —
III. Institutions (col. 1606). —
IV. Partis religieux et politiques (col. 1614). —
V. Idées religieuses (col. 1617). —
VI. Pratiques religieuses (col. 1636). —
VII. Rapports entre le judaïsme et le milieu païen (col. 1652).

I. Sources : littérature juive. — Sauf quelques renseignements fournis par les auteurs grecs et romains, Polybe, Diodore, Strabon, Plutarque, Cicéron, Tite-Live, Suétone, qui ont écrit sur l’histoire de la Syrie sous l’ère séleucide et romaine, voir Th. Reinach, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, Paris, 1895, 1a littérature juive est presque notre seule source pour la connaissance du judaïsme.

Parce qu’ils sont des produits du génie juif, ces écrits appartiennent à la vie intérieure du peuple. Mais puisque la manière de les apprécier, surtout par rapport à leur date et à leur caractère, influe nécessairement sur toute la conception du judaïsme, il faut en parler en premier lieu. Pour ne pas faire double emploi, nous allons les apprécier non seulement comme sources, mais aussi comme œuvres littéraires ;

Littérature canonique.

En abordant ce terrain, on est assailli par les principaux problèmes de la haute critique. La solution en est si difficile que celui des historiens qui a écrit sur le judaïsme l’étude la plus complète qui existe jusqu’ici, A. Bertholet, se voit obligé de reconnaître à plusieurs reprises que, vu l’incertitude qui plane sur la date des écrits en question, les résultats de ses recherches ne sont que provisoires et qu’il regarde presque son entreprise comme une audace. Biblische Théologie des Allen Testamentes, t. ii, Die jùdische Religion von der Zeil Esras bis zum Zeitaltcr Christi, Tubingue. 1911, p. vin. D’autres comme T. K. Cheyne, Jewish religions Life after the Exile, NewYork, 1898, préface, ont fait le même aven. Ce qui, joint au désaccord qui existe entre les critiques sur bien des points capitaux, donne le droit de se tenir sur la réserve en face de systèmes qui reposent très souvent moins sur des faits réels que sur des idées préconçues.

1. La prétendue origine exilienne et postexilienne du Code sacerdotal. — D’après la conception évolutionniste des origines du Pentateuque, le quatrième document dont celui-ci est formé, sérail ici notre source la plus importante. Car le Code sacerdotal aurait été composé partie pendant l’exil, partie immédiatement après, pour régler la vie religieuse du peuple reconstitué.

Sans entrer dans l’ensemble de la question « lu Penta-