Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/8

Cette page n’a pas encore été corrigée


DICTIONNAIRE

DE

THÉOLOGIE CATHOLIQUE

Séparateur

J

(suite)


JOACHIM DE FLORE (Le bienheureux),

fondateur d’ordre et écrivain mystique de la seconde moitié du xiie siècle. — I. Vie. II. Œuvres, (col. 1429). III. Doctrine, (col. 1432.) IV. Influence posthume : le joachimisme, (col. 1-137.)

I. Vie.

1° Sources. — La vie de Joachim est

assez mal connue. Rares sont les indications que Joachim donne sur lui-même dans ses ouvrages, rares les mentions que font de lui les écrivains ses contemporains ; rares les lettres pontificales ou les chartes qui le concernent (cataloguées, incomplètement, dans l’article de Schott. Voir la Bibliographie.)

Il y a deux biographies anciennes : 1. La Virtulum B. Joachimi synopsis (titre moderne), par Luc, archevêque de Gosenza, éditée par Ughelli dans l’Ilalia sacra, édit. 1721, t. ix, 205, et d’après lui par Papebroch, Acia Sanctorum, mai, t. vii, col. 91-92, écrit bref et sec, qui vise à l’édification plus qu’à l’histoire ; du moins les renseignements qu’il contient seraient de valeur (car l’auteur avait connu personnellement Joachim, et lui avait servi de secrétaire) si nous étions certains d’en avoir un texte original et non retravaillé. — 2. La Chronologia Joachimi abbalis et ordinis Florensis (titre donné par l’auteur et modifié par Papebroch), publiée à Cosenza, en 1612, par Giacomo Greco, moine à San Giovanni in Fiore depuis 1586, etrééditée, avec des coupures considérables, par Papebroch, loc. cit., col. 92-109. Au milieu de beaucoup de verbiage, l’auteur donne bon nombre de faits et quelques pièces. Il a visiblement travaillé sur d « s sources, mais avec quelle critique ? Outre la date bien récente de son travail, des erreurs certaines et graves engagent à la défiance : attribution à Joachim d’ouvrages apocryphes ; date de 1214 assignée à sa mort. — Il y a en outre : 3. Un recueil de Miracula édité par Papebroch, loc. cit., col. 110-121, rédigé par Greco d’après un ms. ancien existant de son temps à San Giovanni in Fiore (le même probablement qui nous avait conservé le texte de Luc de Cosenza), et dont il affirme avoir reproduit la substance en ne corrigeant que le style. Il n’y a d’ailleurs rien à en tirer pour l’histoire.

Données essentielles.

 De ces sources résulte la

biographie traditionnelle suivante. Joachim a dû naître vers le commencement du deuxième tiers du xue siècle ; la date de 1145, donnée par Greco, semble tardive ; celles de 1130 ou 1132, données souvent par les historiens modernes, sont hypothétiques ; d’après

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Raoul de Coggeshall, Chronicon anglicanum, édit. Stevenson, dans Rolls séries, p. 69, Joachim aurait eu vers 1195, au témoignage de l’abbé Adam de Perseigne, environ soixante ans. D’après Greco, fils d’un notaire, né à Celice, en Calabre, il aurait reçu une bonne éducation grammaticale, puis vécu quelque temps à la cour de Sicile. Un projet de pèlerinage en Terre sainte l’aurait conduit à Constantinople. Une épidémie terrible, à laquelle il échappe, le convertit. Il continue son pèlerinage avec un seul compagnon, va visiter des anachorètes dans le désert de Thébaïde, arrive à Jérusalem, y fait une espèce de retraite durant tout un carême, y conçoit l’idée de ses futurs ouvrages ; revient en Sicile, puis en Calabre, se retire quelque temps au monastère cistercien de Sambucina près Bisignano, puis fait profession au monastère cistercien de Corazzo, où bientôt, malgré une tentative pour se dérober par la fuite, il est élu abbé. Quelque temps auparavant il s’était, pour avoir le droit de prêcher, fait ordonner par l’évêque de Catanzaro. Dans tout cela trois points sont assurés : 1. une première instruction solide, qu’attestent ses œuvres (Raoul de Coggeshall se fait, loc. cit., l’écho d’une légende contraire, suivant laquelle « il aurait reçu du ciel toute sa sagesse, étant auparavant presque illettré ; » d’après Guillaume de Nangis, Chronicon, ad an. 1186, Historiens de la France, t. xx, p. 742, c’est Joachim lui-même qui aurait raconté quod ei ignoranti lilleras attulera angélus Domini librum, dicens : vide, lege et intellige. Cf. Vincent de Beauvais, loc. cit.). — 2. Le voyage de Palestine, que Luc mentionne aussi (mais il le place en un temps où Joachim, encore juvenculus, avait déjà pris l’habit religieux), et auquel Joachim fait allusion lui-même (le séjour à Constantinople est rendu vraisemblable par la connaissance qu’il montre des choses grecques). — 3. L’abbatiat de Corazzo qui a commencé avant août 1177 d’après un acte de l’évêque Michel de Martorano, Ughelli, t. ix, p. 273 ; un privilège de Guillaume II, roi de Sicile, daté du 12 décembre 1178, donne ce titre à Joachim.

Désireux d’écrire sur la Bible et pour se conformer aux statuts cisterciens qui défendaient de le faire sans autorisation, il va trouver à Veroli le pape Lucius III, durant la deuxième année de son règne (6 sept. 11825 sept. 1183), puis s’installe au monastère de Casamari, où il rédige sa Concordia (Greco). Le séjour à Casamari est confirmé par Luc, qui y était moine, et y a fait la connaissance de Joachim, et par Joachim lui VIII. — 46