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JOSUE, LES DOCTRINES RELIGIEUSES

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des figures les plus mystérieuses de l’Ancien Testament, t tantôt ange véritable, messager au sens propre du mot hébreu mal’ak, tantôt Dieu lui-même. Cf. surtout l’apparition du buisson ardent, Ex., iii, 1 sq. Dans cet ange de Jahvé, la spéculation antique voyait, avec Philon, le Verbe, Fils de Dieu, présidant au gouvernement du monde, avec des Pères de l’Église, la seconde personne de la sainte Trinité, préludant à l’incarnation par des manifestations où elle se révélait à demi. Cf. Vacant, art. Ange, dans Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 586-587 ; Montagne, L’apparition de Dieu à Moïse, dans Revue biblique, 1894, p. 232 sq. D’autre part, < cet être insaisissable est devenu la création favorite des critiques les plus avancés. On voit là un trait particulier des religions sémitiques ; on s’en sert pour pénétrer leurs mystères, on en étend l’application aux peuples païens… On met la conception de l’ange de Jahvé à l’origine de la religion d’Israël comme un principe d’évolution d’où est sortie l’idée des autres anges. » Lagrange, dans Revue biblique, 1903, p. 213. Ainsi Kasters et Buchanan Gray, dans l’article Angel de YEncijclopœdia biblica de Cheyne ; Smend, Lehrbuch der A. T. Religiongeschichie, p. 126 ; Marti, Geschichle der isrælitischen Religion, p. 67. La critique littéraire et la critique textuelle établissent que dans la forme primitive de nombreux passages où apparaît l’ange de Jahvé, c’était Jahvé lui-même et lui seul qui se manifestait ; plus tard, à une époque difficile à préciser, ces théophanies parurent incompatibles avec la nature spiri% tuelle de la divinité, et ce fut l’ange de Jahvé qui se manifesta aux hommes. « Les anciens, dit le P. Lagrange, ne faisaient pas mystère d’admettre des apparitions sensibles de Jahvé, sans que ces apparitions très variées permissent de conclure qu’il avait une forme sensible propre à laquelle il était nécessairement attaché. Cependant, plus tard, on aima mieux considérer ces apparitions comme conduites à l’aide de l’envoyé ordinaire de Jahvé. Les anciens textes furent donc retouchés en ce sens, mais avec tant de respect et de mesure qu’on’laissa subsister dans la bouche de l’être mystérieux l’affirmation qu’il était Dieu. » Loc. cit., p. 220. Cf. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 730.

Touchant encore à la notion de la divinité dans l’ancien Israël est la question de l’anathème, du herem si souvent mentionné dans le livre de Josué. Pour l’école évolutionniste, le herem serait un véritable sacrifice offert à la divinité en exécution de la promesse faite par le vainqueur d’immoler tous ceux que Jahvé livrerait entre ses mains, tel l’anathème contre les Cananéens en général, contre Jéricho en particulier. Cf. Stade, Geschichle des Volkes Israël, t. î, p. 189 sq. Le Dieu d’Israël, tout comme ceux des Assyro-babyloniens, serait d’une cruauté révoltante pour tout ce qui n’est pas son peuple, et ainsi la religion des anciens Israélites ne saurait prétendre à la supériorité sur celles de l’antiquité païenne. Cf. Fr. Delitzsch, Babel und Bibel.

Il y a lieu de remarquer tout d’abord que l’anathème n’est ni un vœu ni un sacrifice, c’est la simple exécution d’un ordre formel de Dieu, qu’il s’agisse de Jéricho, Jos., vi, 17, de Haï, viii, 3, ou de l’ensemble des Cananéens, x, 40, non pour offrir des victimes mais pour exterminer des ennemis dangereux surtout au point de vue religieux ou pour châtier des coupables, Jos., VIII.

Les mêmes textes qui nous prouvent que l’anathème n’est pas le sacrifice humain, commandé par un vœu, nous apprennent qu’il est la consécration intégrale à la divinité d’une enceinte déterminée et de tout ce qu’elle renferme ; la philologie scientifique, l’histoire cl la législation d’Israël corroborent cette conclusion.

Cette consécration est faite, non pas en vertu de l’empire souverain de Jahvé sur toute la terre, mais par une intervention divine spéciale, manifestée pour Jéricho, par exemple, par l’apparition du chef de l’armée de Jahvé, v. 13-16 et le transfert de l’arche autour de la ville, vi, 2-5, pour Haï, par le geste de Josué étendant, sur l’ordre de Dieu, son javelot vers la ville et le maintenant ainsi jusqu’à l’extermination de ses habitants, viii, 18. 26. (Cf. Ex., xvii, Moïse sur la colline, tendant le bâton d’Elohim vers l’ennemi, tandis que Josué combat dans la plaine.) Tout ce qui se trouve à l’intérieur de l’enceinte dont Jahvé a ainsi pris possession lui est réservé ; quiconque y pénètre illégalement ou en détourne quelque objet est de même à la merci de Jahvé et devra être détruit, tel le sens de la mort d’Achan. châtiment de sa révolte contre Jahvé. Jos., vin.

Cette idée de l’anathème dans l’ancien Israël, modifiée dans la suite, suppose une conception plus ou moins claire de la divinité qui dépasse la monolâtrie d’un dieu local ou national et exige un véritable monothéisme, lequel fait de Jahvé le maître de la terre et le roi de tous les peuples. De pratiques et d’usages religieux communs à d’autres peuples, on ne peut conclure à l’identité de religion : « on pourra s’y tromper et nier les divergences, si l’on se contente d’étudier les institutions par le dehors ; il est impossible de s’y méprendre dès qu’on en demande l’interprétation aux Israélites eux-mêmes. Ce monothéisme, pour ignorer nos cadres métaphysiques, n’est cependant ni l’hénothéisme ni même une simple monolâtrie. On a dit qu’il était l’œuvre des prophètes du viiie siècle. Mais, on le voit, cela est radicalement impossible ; il est si bien et de tant d’années antérieur aux prophètes qu’il a une profonde répercussion dans les plus anciennes institutions israélites. Il est impossible qu’il soit le produit de la pensée humaine. Nous le devons à la révélation divine. Le reproche de cruauté, que Delitzsch articule contre Jahvé, combe à faux. Tout au plus et à se mettre à un point de vue absolu, pourrait-on parler, pour certains cas, de sévérité outrée ; mais c’est un jeu puéril ; les usages anciens ne se jugent qu’en fonction de leurs milieux et suivant les idées qu’ils traduisent. Et certes, au sein du monde oriental de l’antiquité, Israël n’avait pas à rougir. » L. Delporte, L’anathème de Jahvé, dans Recherches de science religieuse, 1914, p. 338. Cf. tout l’article, p. 297-338 ; Lagrange, Religions sémitiques, Paris, 1903, p. 179 sq.

Au sujet de la religion des ancêtres d’Israël enfin, un passage du livre de Josué, xxiv, 2 est Suuvent invoqué pour faire débuter la religion d’Israël à la vocation d’Abraham et considérer par conséquent tous ses devanciers comme des polythéistes : « Vos pères, dit Jahvé Dieu d’Israël, Tharé père d’Abraham et de Nachor, habitaient à l’origine de l’autre côté du fleuve et ils servaient d’autres dieux. » S’agit-il de tous les ancêtres du peuple hébreu qui de tous temps auraient servi d’autres dieux sans connaître le seul vrai Dieu, ou bien de certains d’entre eux seulement qui auraient abandonné ou altéré la véritable religion ? Cette dernière alternative paraît plus vraisemblable au P. Calés, dans Recherches de science religieuse, 1913, ]>. 89 ; rien n’empêche pourtant de s’en tenir au sens littéral du texte scripluraire.

Le culte.

Si les sacrifices dont il est fait mention au livre de Josué sont offerts parfois selon les prescriptions du Deutéronome et du Lévitique, c’est-à-dire au sanctuaire unique, auprès de l’arche d’alliance : si les fils de Kuhen, de Cad et de la demi-tribu de Ma nasse sont blâmés pour avoir dressé un autel en violation de la loi de l’unité du sanctuaire, Jos., xxii, 9, 34, il n’en va pas toujours de même comme c’est le cas, semble-t-il, dans l’érection d’un autel au mont