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JOSUÉ, LES DOCTRINES RELIGIEUSES

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monuments est la collection des lettres de Tell-el-Amarna, découvertes en 1887-1888 en Egypte, au village de ce nom, et contenant toute une correspondance en caractères cunéiformes et en langue assyrocananéenne adressée vers 1400 aux rois d’Egypte Aménophis III et Aménophis IV par divers princes et intendants de l’Asie occidentale, de la Palestine surtout, alors sous la domination égyptienne. < Ces documents nous offrent, en effet, les données les plus précises pour reconstituer la situation géographique. historique et religieuse du pays que vont occuper les Hébreux après leur sortie d’Egypte. Nous y voyons vivre et s’agiter les principautés rivales qui se disputent le pays de Canaan, en attendant que les tribus d’Israël s’en emparent. » Dhorme, Les pays bibliques au temps d’El-Amarna, dans Revue biblique, 1908, p. 500. Elles nous aident à comprendre, surtout dans l’hypothèse de l’exode sous Aménophis II ou III, grâce à quelles divisions des princes de Canaan et à quel affaiblissement de la puissance égyptienne, la conquête du pays par les Hébreux a pu s’accomplir. Le morcellement du pays en une multitude de minuscules royaumes (cf. les trente et un rois vaincus par Josué, xii, 9-24) leur indépendance réciproque, la difficulté d’organiser une résistance commune malgré les coalitions des rois du Midi, Jos., x, et des rois du Nord, Jos., xi. l’absence de tout secours d’une Egypte trop lointaine et trop faible pour intervenir eflicacement, autant de points sur lesquels données bibliques et exlrabibliques sont en parfait accord. Cf. C. Bezold et IL. A. W. Kudge, The Tell et Amarna Tablels in the British Muséum, Londres, 1892 ; H. Winckler, Die Tonla/eln von Tell et Amarna, Berlin, 1906 ; A. Knudtzon, Die El Amarna Tafeln (Vorderasiatische Bibliolhek. 11), Leipzig, 1907-1914 ; Dhorme, Les pays bibliques au temps d’El-Amarna, Paris. 1909 (extrait de la Revue biblique, 1908-1909). Les Khabiri des lettres de Tell-el-Amarna dont l’identification avec les Hébreux, envahissant le pays de Canaan, ne pouvait manquer d’être faite, ne semblent pas, au moins d’après une opinion plus probable, les Hébreux de Josué. Cf. Lagrange, Les Khabiri, dans Revue biblique, 1899, j). 127-132 ; Scheil, Revue d’Assyriologie, t. xii, 1915, p. 114. signalant le nom de Khabiri sur des tablettes cunéiformes du temps de Rim-Sin (vers 2200 avant J.-C.)pour désigner une peuplade élamitekassite ou bas-mésopotamienne ; Dhorme, Les nouvelles tablettes d’El-Amarna, dans Revue biblique, 1924, p. 12-16 ; Condamin, art. Babylone et la Bible, dans d’Alès, Dietionnaire apologétique, t. i, col. 353.

L’interprétation de la mention des Israilu sur la stèle de Ménephtah (deuxième moitié du xme siècle), découverte eu 1895 à Thèbes par Flinders Pétrie : c Israël est détruit, il n’a plus de semence, » n’est pas assez certaine pour permettre d’apporter ici son témoignage. S’agit-il de l’Israël déjà fixé en Palestine, tout comme les autres peuples dont il est question sur la stèle : s’agit-il d’un simple clan israélite demeuré en Canaan après l’émigration en Egypte ; s’agit-il enfin des Hébreux résidant sur les bords du Nil et ce serait alors une allusion à la sortie d’Egypte ? Les opinions varient et se partagent entre ces différentes manières de voir ; toujours est-il que la mention certaine d’Israël, la seule, sur un monument égyptien, dont la date n’est peut-être pas 1res éloignée de celle de l’Exode et de la conquête de Canaan, n’est pas sans intérêt et méritait d’être relevée. Cf. FI. Pétrie, Egypt and Israël, dans Contemporain Review, mai 1890, p. 617-627 ; Maspéro, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, l. ii, p. 436, 443-444 ; A. Deiber, I. a stèle de Minephtah et Israël, dans Revue biblique, 1899, p. 267-277 ; Ph. Virey, Note sur le Pharaon Ménephtah et les temps de l Exode, dans Revue biblique, 1900, p. 578-586 ; F. Larrivaz, art. Ménephtah I a, dans Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. v, col. 965-967 : Mallon, art. Egypte, dans d’Alès, Dictionnaire apologétique, t. i, col. 1311-1315 : du même auteur, Les Hébreux en Egypte, Rome, 1921, p. 179-182.

Enfin, s’il faut en croire Procope de Gaza, De bello vandalico, II, xx, il y aurait eu, dans le nord de l’Afrique, une inscription phénicienne faisant mention de la conquête de Canaan par Josué ; les habitants, obligés de fuir de Palestine en Afrique devant le « brigand Josué, fils de Nun, » en seraient les auteurs. Cf. Compte rendu de V Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Journal officiel, 1 er et 14 juillet 1874, p. 4561 et 4912-4913 et sa conclusion : « Si le travail du P. Verdière… ne réussit pas à établir l’authenticité des textes enregistrés par Procope et par l’Arménien Moïse de Khôran, il aura du moins le mérite d’avoir groupé et discuté tous les témoignages et toutes les traditions que nous ont légués les anciens sur un fait qui paraît désormais à l’abri des contestations sérieuses, à savoir que le littoral du nord de l’Afrique a été colonisé très anciennement par des migrations cananéennes. » Budinger, De coloniarum quarumdam phœniciarum primordiis cum Hebrxorum exodo conjunclis, Sitzungsberichte der K. Akad. der Wissenschaft in Wien, Phil.-hist. Klasse, t. cxxv, fasc. 10, p. 30, 38 (1891).


III. Les doctrines religieuses.

Les années de la conquête de Canaan par les Hébreux, importantes au point de vue national, ne le sont guère moins au point de vue religieux. En présence d’une situation toute nouvelle, comment va se comporter le mosaïsme ? Ne va-t-il pas subir, aussi bien dans ses croyances et ses prescriptions morales que dans son organisation extérieure, des modifications, des altérations mêmes ? Des premiers contacts, en effet, avec un monde aux mœurs et à la religion si différentes de celles de l’Israël du désert, résulteront des réactions ou des influences dont dépendra en partie l’avenir de la religion d’Israël ; bien souvent son histoire, dans les siècles suivants, s’éclairera à la lumière des événements qui auront marqué l’entrée et le premier établissement des Hébreux en Canaan.

Au désert et durant le long séjour à l’oasis de Cadès, les tribus dans leur ensemble avaient pris une conscience très nette et très vive de l’unité qui les groupait en un seul peuple autour de Jahvé ; épreuves et dangers, combats et victoires, partagés par tous, n’avaient fait que resserrer des liens que des conditions de vie nouvelle allaient bientôt exposer à la rupture, et il ne faudra rien moins que la vigueur et la profondeur de ce sentiment de l’unité nationale et religieuse, mais surtout la bienveillance de Jahvé, pour assurer à Israël l’accomplissement de ses destinées malgré ses nombreux ennemis, malgré Israël lui-même.

Bien des causes, en effet, risquaient de compromet tre cette double unité nationale et religieuse. Après l’effort commun sous la conduite de Josué, il restait encore beaucoup à faire pour assurer à chaque tribu libre et entière disposition du territoire assigné ; déjà, lors de la conquête à l’est du Jourdain, n’avait-on pas agi séparément, et dans la suite longtemps encore. Jusqu’aux termes de la monarchie, ne verrait-on pas se répéter ces tentatives individuelles en vue de parfaire l’œuvre commencée seulement aux jours de Josué ? Séparées et dispersées en Canaan, laissées à elles-mêmes aussi bien dans la défense de leurs Intérêts que dans la lutte contre des ennemis difficilement résignés à la défaite, les différentes tribus perdent peu à peu de leur cohésion. Plus encore que par la dispersion, l’unité" va se trouver compromise par le