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JOSUE, VALEUR HISTORIQUE

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premier élément du passage est constitué par une strophe poétique :

Soleil, arrête-toi sur Gabaon, Et toi, lune, sur la vallée d’Ajalon. Et le soleil s’arrêta et la lune demeura Jusqu’à ce que le peuple se tut vengé de ses ennemis,

Ces quelques vers sont empruntés, ainsi que nous l’apprend une courte note du > 13, au Livre du Yasar (Juste), recueil sans doute d’antiques poèmes, semblable au Livre des guerres de Jahvé, Num., xxi, 14, et mentionné une nouvelle fois II Reg., i, 18, à propos de l’élégie de David sur Saiil et Jonathan. Le commentaire qui les suit et qui proviendrait lui aussi du Livre du Yasar (Steuernagel, Holzinger) en complète et en précise le sens : « Et le soleil s’arrêta au milieu des cieux et il ne se hâta point de s’en aller environ un jour entier. Et il n’y eut pas comme ce jour, ni avant lui, ni après lui, où Jahvé ait (ainsi) entendu la voix d’un homme, car Jahvé combattait pour Israël. » Le ꝟ. 15 qui manque dans les Septante serait une addition tardive d’un rédacteur deutéronomiste.

Cette brève analyse et cette distinction des documents, de quelque nom d’ailleurs qu’on les désigne, ne va pas sans conséquence au point de vue de l’interprétation des ?. 12-15 qui pourrra n’être pas la même que celle de la première partie du récit ꝟ. 9-11, puisque tout autre est le caractère de leurs sources respectives. L’insertion d’un fragment de poème, même dans un récit historique, ne saurait en modifier le caractère ; n’est-ce pas ce qu’a voulu insinuer l’auteur du livre lui-même en mentionnant le recueil d’où il tirait ces quelques lignes ? C’est vers une solution de ce genre que des critiques catholiques orientent leur réponse aux questions soulevées par l’étude de Jos., x, 12-15. « Au lieu, dit Lesêtre, de chercher des explications physiques pour rendre raison de ce passage du livre de Josué, on peut n’y voir qu’un problème littéraire et admettre, avec bon nombre d’exégètes catholiques contemporains, qu’on est en face d’une citation poétique à interpréter d’après les règles applicables à la poésie. » Les récils de l’histoire sainte, Josué et le soleil, dans la Revue pratique d’apologétique, 1907, t. iv, p. 355. Cf. L’arrêt du soleil par Josué, dans la Revue du Clergé français, 1905, p. 585-603. Le texte d’Eccli., xlvi, 4-0, n’y contredit pas. Écho d’une même tradition, dérivée d’une même source, il insiste d’ailleurs, dans son allusion à la victoire de Josué, plutôt sur la pluie de pierres qui pour lui apparaît comme le fait capital qui décide du succès. Notons enfin que les auteurs sacrés qui aiment à rappeler les prodiges de la sortie d’Egypte sont muets sur un fait qui, pour le moins, eût été aussi extraordinaire.

Si pendant de longs siècles la tradition semble bien avoir pris à la lettre le texte de Josué, dont on ne trouve pas de commentaires proprement dits mais de simples citations pour en dégager des considérations morales (cf. de Hummelauer, op. cit., p. 238 sq.), si l’exégèse juive, et encore non sans quelques exceptions, Maimonide par exemple, s’en est tenue à un littéralisme où s’exaltaient les gloires de l’antique Israël (cf. Josèphe, Antiquités judaïques, V, i, 17), il n’en est pas moins vrai que depuis longtemps « les auteurs les plus traditionnels n’hésitent pas à sacrifier le sens strictement littéral, qui dit que le soleil s’arrêta, pour lui substituer une formule interprétative plus en harmonie avec les données de la science. » Lesêtre, loc. cit., p. 352-353. D’autres, de plus en plus nombreux, en raison de l’insuffisance de toutes ces hypothèses, qui n’ont pour elles ni le texte de la Bible ni une tradition exégétique, non seulement n’admettent pas un arrêt du soleil, mais rejettent également une prolongation quelconque de la lumière du jour ; les explications peuvent varier, le principe demeure : * le miracle que Josué obtint à Gabaon ne fut en réalité ni un arrêt du soleil ou de la terre, ni même une prolongation de la lumière du jour. Il fut tout autre chose, et si la Bible parle d’arrêt du soleil par Josué, elle n’en parle qu’en usant d’une fiction de langage. » Pour les uns, c’est une grêle miraculeuse qui permit au chef des Hébreux d’achever sa victoire avant la fin normale du jour, « le soleil à la lettre ne se coucha pas avant l’anéantissement de l’armée amorrhéenne. C’était tout ce qu’avait demandé Josué, — objectivement du moins et par la teneur de sa prière, c’est aussi tout ce qu’il obtint. Son vœu fut exaucé dans sa teneur littérale, quelque hardie qu’elle fût, sans que le ciel, ni la terre, ni le soleil eussent à se déranger. » J. Bourlier, Revue du Clergé français, t. xii, p. 4l>- 47 ; cf. du même auteur dans la même revue, t. xxxix, p. 575-597. Pour d’autres, la disparition du soleil sous le nuage de grêle aurait pu faire croire à la fin du jour, mais les nuages une fois dissipés et le soleil réapparaissant, il y eut comme un deuxième jour : verborum « stetit sol » nos cam reddimus ralionem, solem nubibus grandinis oblectum visum esse abiisse, post verba Josue rediisse. De Hummelauer, op. cit., p. 247 ; cf. A. van Hoonacker, dans Théologie und Glaube, 1913, p. 454461.

Preuves directes. —

La valeur historique du livre, de Josué, ainsi maintenue malgré les arguments qu’on lui oppose, s’affirme encore à la lumière des données de l’archéologie palestinienne, babylonienne et égyptienne. Sans doute celles-ci ne constituent pas une histoire parallèle à l’histoire biblique dont elles confirmeraient les moindres détails, mais elles permettent souvent d’en vérifier l’exactitude et d’y apporter quelque précision.

Les fouilles, opérées en Palestine, ont déjà donné à ce point de vue d’appréciables résultats. Si, à Jéricho, elles ont révélé, en même temps que la solidité des remparts, la soudaine transformation de la vie dans la cité au xme siècle, par ailleurs au contraire on ne trouve pour la même époque environ, début du xii c siècle, « aucune transformation radicale, voire même absolument aucune modification appréciable dès l’abord dans la culture des antiques cités cananéennes. Non seulement Ta’annak, Mégiddo, Gézer, échappées à la conquête, mais les moindres tertres fouillés, montrent dans leur ruine un développement poursuivi avec régularité près de deux siècles encore après l’invasion. — C’est aux jours de la grande monarchie juive seulement, c’est-à-dire à l’extrême fin du xi° siècle, qu’une inspiration nouvelle anime à peu près complètement toute la culture civile et religieuse ; non pas qu’elle réalise un progrès notable en dehors de l’épuration de l’idée religieuse, mais parce que sans être plus indépendante de l’extérieur elle présente dans sa façon de syncrétiser les influences une autonomie plus caractéristique. Cette évolution progressive, sans nulle trace de l’hiatus qu’eût nécessairement produit la substitution violente et brusque des Israélites aux Cananéens exterminés en bloc, est la plus directe confirmation que pouvaient apporter les fouilles au schéma historique de la conquête tel qu’on peut le tracer d’après la Bible. L’absorption lente de Canaan par les Israélites se poursuivit avec des alternances de revers et de prospérité en toute la période des Juges, durant un intervalle d’un siècle et demi environ. » H. Vincent. Canaan d’après l’exploration récente, Paris, 1907, p. 4(53-464.

Plus nombreux et plus précis parce qu’ils sont épigraphes, les monuments de l’archéologie babylonienne et égyptienne apportent eux aussi de précieux renseignements à l’histoire de Canaan pour la période de la conquête. Le plus important de heaucoup de ces