Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée

1559

JOSUÉ, VALEUR HISTORIQUE

1560

hésiter, car Dieu ne fait pas de miracles inutiles et il se sert des agents naturels quand ils sont aptes à réaliser ses desseins, i H. Lesétre, Les récits de l’Histoire sainte, dans Revue pratique d’Apologétique, t. iv, 1907, p. 233. Aussi a-t-on établi un rapprochement entre le passage du Jourdain par les Hébreux à leur entrée dans la Terre promise et un événement survenu en 1267, lors de la réparation d’un pont jeté sur le fleuve non loin d’Adom, cf. Jos., iii, 16. Il se produisit alors dans une partie étroite de la vallée, à quelques kilomètres en amont de ce pont, un éboulement si considérable qu’il barra le cours du fleuve dont les eaux s’amoncelèrent derrière ce barrage, tandis que jusqu’à la mer.Morte son lit demeura à sec pendant plusieurs heures. « Ce qui arriva en l’an 1267, remarque le P. de Humrælauer, a pu se produire de même au temps de Josué. Les eaux qui s’arrêtent comme un mur, qu’est-ce à dire, sinon, arrêtées par un mur de terre et de rochers, laissant le fleuve à sec pendant plusieurs heures ? Op. cit., p. 137. Cf. G. A. Smith, art. Joshua, dans Hastings, A Dictionanj of the Bible, t. ii, p. 787 ; Lesêtre, loc. cit., p. 233-234. Le texte se prête-t-il à pareille interprétation ? d’aucuns ne le pensent pas ; il « se borne, remarque Touzard, à l’énoncé de l’événement, et le rapprochement avec ce qui arriva au temps de Bibars n’est pas autrement autorisé. » Art. Moïse et Josué, dans d’Alès, Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, 1919, t. iii, col. 823. F. Vigouroux observe lui aussi que « la manière dont est raconté le miracle dans le livre de Josué exclut une explication de ce genre, » il n’en admet pas moins que < si Dieu s’était servi d’un moyen analogue pour ouvrir à son peuple l’accès de la Terre promise, le passage n’en aurait pas moins été miraculeux, parce que la Providence se serait servi d’un moyen naturel pour exécuter ses desseins au moment précis qu’il avait annoncé à Josué et à Israël. t> F. Vigouroux. Dictionnaire de la Bible, t. iii, col. 1744.

b) La prise de Jéricho, le deuxième des événements miraculeux qui marquent l’entrée des Hébreux en Palestine, est racontée au c. vi, 1-20. Plus encore que pour le récit du passage du Jourdain, nombreuses sont les diflicultés soulevées par la critique textuelle aussi bien que par la critique littéraire. Fréquentes et parfois notables sont les variantes de l’hébreu et du grec, et il n’est pas toujours facile de se prononcer en laveur de l’un plutôt que de l’autre, bien que la concision des Septante apparaisse dans l’ensemble plus voisine de l’original. Visiblement le texte a subi, dans la suite des temps, des remaniements inspirés par des tendances diverses. La critique littéraire s’est exercée, elle aussi, sur ce passage, mais sans pouvoir imposer son morcellement, poussé jusqu’à la minutie (cf. surtout l’édition coloriée de Paul Haupt, où le chapitre forme une véritable mosaïque polychrome). Un fait toutefois paraît à peu près certain, c c’est qu’il y a eu a l’origine au moins deux récits de la prise de Jéricho, existant séparément, connus et utilisés par le rédacteur. Ces deux récits ont été naturellement fondus, mais la fusion n’est pas si complète qu’une fois ou l’autre on ne puisse percevoir des traces de la dualité primitive qui est au fond du récit actuel L’auteur, tout en disposant de ses documents avec une certaine liberté, de manière à composer un livre à lui, les traitait cependant avec respect, et il semble avoir été soucieux de conserver autant que possible tous les renseignements qu’il ypuisait… Si les deux narrations primitives ne racontaient pas l’événement d’une manière absolument identique, ce que ne feraient pas du reste deux témoins oculaires rapportant le même fait, elles ne différaient « pie dans les détails tout à fait secondaires et restaient pleinement d’accord sur le fait principal, le seul en cause, qui est l’intervention divine dans la conquête de Jéricho. « Savignac, La conquête de Jéricho, dans Revue biblique, 1910, p. 51 et 53. Cette intervention d’ailleurs n’excluait nullement la mise en œuvre de moyens humains. L’encerclement de la ville, cf. Jos., vi, i, 3a, devait amener sa rapide reddition rien que par suite du manque d’eau dans l’enceinte fortifiée, mais devant ses puissants moyens de défense, devant la solidité de ses murs, dont de récentes découvertes ont mis à jour les fondations, les Hébreux ne pouvaient guère que s’en rapporter aux promesses divines. Cf. H. Vincent, Les fouilles allemandes à Jéricho, dans Revue biblique, 1909, p. 274 et 1913, p. 456-458. « De là les rites qui se déroulèrent pendant sept jours. Ces processions, qui revêtaient peut-être le caractère d’une prise de possession du terrain au nom de la divinité et qui pouvaient laisser présager l’anathème, avaient vraisemblablement une double fin : impressionner et décourager l’ennemi qui, dans son vulgaire hénothéisme, ne songeait pas à nier l’existence et la puissance des dieux étrangers, moins encore celle de Jahvé, dont la renommée lui avait appris les exploits (cf. Jos., ii, 8 11), davantage encore, attirer la bénédiction et la faveur divines. L’espoir de Josué et de ses vaillants ne fut pas déçu. Le septième jour, au moment où la cérémonie se terminait au milieu des clameurs des assiégeants, « la muraille s’effondra et le peuple monta dans la ville, chacun devant soi. » J. Touzard, Moïse et Josué, dans d’Alès, Dictionnaire apologétique…, t. iii, col. 827. Ajoutons qu’ici encore le plus sage est de laisser au texte son caractère un peu mystérieux.

Le livre de Josué n’a pas été le seul à conserver le souvenir d’un tel événement, le livre des Rois, parlant de la reconstruction de Jéricho, rappelle la malédiction dont Josué avait menacé quiconque tenterait de rebâtir la ville vouée à l’anathème. III Reg., xvi, 34, cf. Jos., vi, 26. Les sacrifices humains de fondation ou d’inauguration de monuments, dont les fouilles des antiques cités cananéennes de Ta’annak, de Megiddo, de Gézer ont révélé l’existence, nous laissent entrevoir la manière dont se réalisa, au temps d’Achab, la terrible malédiction de Josué. Cf. A. Vincent, Canaan d’après l’exploration récente, Paris, 1907, p. 197200.

D’autres découvertes archéologiques, résultat des fouilles entreprises sur l’emplacement du site principal de Jéricho, permettent de constater, dans la vie de la cité cananéenne, un arrêt et un bouleversement, vers le xui c siècle ; « entre la brillante Jéricho cananéenne et la cité vraiment Israélite qui osa plus tard lui succéder malgré l’anathème divin, il y a solution de continuité. Le courant de puissante civilisation cananéenne est tari, la culture nationale israélite ne s’implantera là que deux ou trois siècles plus tard. » H. Vincent, dans la Revue biblique, 1913, p. 455 ; cf. E. Sellin et C. Watzinger, Jéricho, die Ergebnisse der Ausgrabungen, Leipzig, 1913.

c) Le récit de la bataille de Gabaon, Jos., x, 9-15, est encore de ceux dont le caractère merveilleux suscite bien des diflicultés à l’interprétation historique. Il se divise naturellement en deux parties, une première, y. 9-11, qui raconte comment Josué, tombé à l’improviste sur les rois Amorrhéens, leur infligea une grande défaite, grâce au trouble que Jahvé jeta dans leurs rangs et à la terrible grêle qu’il lit tomber du ciel ; à ce récit, apparemment complet, attribué aux anciens documents J et E, ou au rédacteur deutéronomiste, vient s’ajouter, 1. 12-15, la relation d’un épisode dont les premiers mots laissent entendre que l’auteur ignore ce qui précède, puisqu’il se croit obligé de préciser dans quelle circonstance se déroulent les événements qui vont suivre : « Alors Josué parla à Jahvé, au jour où Jahvé livra les Amoirhéens aux enfants d’Israël. » Le