Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/72

Cette page n’a pas encore été corrigée

1553

.IOSUÉ, LE LIVRE

1554

narrateur de sa mort le qualifie de serviteur de Dieu, xxiv, 29, lui-même se nomme toujours seulement le fils de Nun. » F. Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, 1903, t. iii, col. 1696.

Forts de ces raisons, plusieurs auteurs catholiques croient pouvoir maintenir l’unité et l’authenticité du livre de Josué, à l’exception toutefois de la finale xxiv, 29-33, qui raconte la mort de Josué et d’Éléazar, de quelques récits d’événements postérieurs tels que l’occupation de Dabir, xv, 15-19, l’expédition des Danites, xix, 47, et de quelques gloses insérées plus tard dans le texte. Himpel, Selbsldndigkeil, Einheit und Glaubiviïrdigkeit des Huches Josua. dans Tûbinger Quartalschrifl, 1864. p. 385-449 ; 1865, p. 227-307 ; Kaulen, FAnleitung, 2° édit., Fribouig-eii-B., 1890, p. 177 sq. ; Clair, Le Livre de Josué, Paris, 1883, p. 5 ; Fillion, La sainte Bible commentée. Paris, 1889, t. ii, p. 9 ; Cornelv, Inlroduclio specialis in historicos Y. T. libros, Paris, " t. i, p. 187-199 ; Pelt, Histoire de l’A. T., 3e édit., Paris, 1901, t. i, p. 333. Parmi les protestants : Kcenig, Alttestament. Studien, i, Authentic des H. Josua, Meurs, 1836, p. 4 sq. : Keil, Einleitung, 3e édit., p. 181 sq. ; Comment., 2° édit., p. 8 sq.

Conclusion.

De ce double exposé des théories modernes et de la tradition sur l’origine du livre de Josué, les conclusions suivantes semblent pouvoir se dégager :
1. Le livre de Josué constitue un ouvrage bien indépendant, tenu comme tel par les traditions juive et chrétienne, par un bon nombre même de critiques, qui, tout en y reconnaissant les mêmes documents que dans le Pentateuque, sont bien obligés d’admettre un mode tout différent de leur utilisation et de leur fusion. —
2. L’opinion qui fait de Josué, l’auteur du livre, quels que soient d’ailleurs son antiquité et le nombre de ses partisans, n’apparaît nullement comme une véritable tradition, à la fois certaine et unanime. —
3. Pour la rédaction de l’histoire de la conquête et du partage de la Terre promise, l’auteur s’est servi d’éléments préexistants, dont certains indices révèlent l’existence et dont la mise en œuvre n’a i as fait disparaître les traits caractéristiques, lui-même le laisse entendre par sa citation du Livre du Juste, Jos., x, 13 et par son allusion à un livro décrivant les villes du pays, Jos., xviii, 9 : < c’est un fait bien évident, constate le P. Lagrange, qu’aucun autre livre biblique, n’a autant l’aspect, même extérieur, d’une compilation. » Le livre des Juges, Paris, 1903, p. 26. C’est là sans doute le point de départ de l’hypothèse documentaire, mais, nous l’avons vii, des auteurs catholiques, anciens et modernes, ont suggéré ou franchement adopté cette explication de l’origine de notre livre. Pour préciser davantage, ne pourrait-on reconnaître parmi ces documents principaux des éléments provenant de deux histoires parallèles, l’une au caractère plus populaire et plus national, s’inléressant surtout aux guerres et aux victoires de Jahvé, l’autre au caractère plus religieux, soulignant davantage l’action divine dans les événements pour en dégager l’enseignement moral et religieux qu’ils comportent ? Est-ce à dire qu’il faille se rallier à la thèse critique telle que nous l’avons exposée ci-dessus et la suivre dans le détail de son analyse littéraire aussi bien que dans la fixation de la date des différents documents ? Nullement. Pour autant d’ailleurs que cette thèse n’est que l’extension au livre de Josué des théories modernes sur l’origine du Pentateuque, elle appelle les mêmes réserves que ces dernières.

Pour l’objet de notre étude, qui est de caractériser l’œuvre et la personne de Josué et de montrer la place qui revient à son époque dans l’histoire de la nation aussi bien que dans celle de la religion d’Israël, pas n’est besoin de procéder à une nouvelle analyse littéraire du livre ; qu’il nous suffise simplement de savoir que les documents principaux sont de par leur date, nous le dirons plus loin, des témoins dignes de foi et que le rédacteur, par le souci même qu’il a eu d’en préserver le texte dans son œuvre, s’est gardé de toute altération de la vérité. Si son but, directement religieux et non historique, à savoir manifester la gloire de Jahvé, la vaillance et la fidélité de Josué dans la conquête, lui commande le choix des matériaux qui concourront le plus efficacement à ce but, il n’implique nullement une déformation quelconque de la réalité » D’autres témoignages pourront d’ailleurs dans certains cas confirmer le sien tout en le précisant : ainsi le I er chapitre du livre des Juges et tel récit du livre de Samuel ou des Rois pour l’histoire de la conquête en général et tel de ses épisodes.

2. Date de la composition.

D’assez nombreux indices révèlent pour la composition du livre une époque plus récente que celle de Josué : la formule si souvent répétée, quatorze fois dans le texte hébreu, « jusqu’aujourd’hui » laisse entendrt qu’un intervalle de temps assez considérable a dû s’écouler entre l’événement raconté et sa relation. Jos., iv, 9 ; v, 9 ; vi, 25 ; vii, 26 (2 fois) ; viii, 29 ; ix, 27 ; x, 27 ; xiii, 13 ; xiv, 14 ; xv, 63 ; xvi, 10 ; xvii, 3, 17. S’il est impossible d’apprécier la longueur de cet intervalle de temps, il semble bien que le nombre des aimées qui séparent les débuts de la conquête de la mort de Josué ne puisse justifier pareille remarque du rédacteur. D’autre part, du fait que la Vulgate au c. xiv, ꝟ. 10, est seule à reproduire la formule « jusqu’aujourd’hui », on ne saurait conclure que celle-ci n’est, dans l’ensemble des cas, qu’une glose ajoutée plus ou moins tardivement à un texte plus ancien.

Parfois d’ailleurs cette formule pourra recevoir quelque précision du rapprochement d’un autre texte ; lorsqu’il est dit, par exemple, Jos., xvi, 10, que les Cananéens de Gazer ont habité jusqu’à ce jour au milieu d’Ephraïm, nous savons par III Heg., ix, 16, qu’il s’agit d’une époque certainement antérieure aux premières années de Salomon, puisque c’est au début de son règne que le roi d’Egypte s’empara de la ville, en massacra les habitants et en fit don à sa fille, mariée au roi d’Israël. De même, lorsque nous lisons, Jos., xv, 63, que les Jébuséens ont habité Jérusalem avec les fils de Juda jusqu’à ce jour nous pouvons affirmer que le renseignement est antérieur à la huitième année du règne de David. puisque c’est alors que le roi s’empara de la ville et en fit sa capitale. II Reg., v, 6-10. L’absence, du moins dans l’hébreu (Septante, xv, 60), du nom de Bethléem, patrie de David, entra’ne une conclusion analogue pour l’ensemble du passage, qui certes n’aurait pu laisser dans l’ombre le nom d’une cité devenue illustre après le règne du grand roi. La qualification de « grande ville » donnée à Sidon, Jos., xi, 8 ; xix, 28, nous permet de remonter à une date plus reculée puisque, après la ruine de cette ville par les Philistins au temps des Juges en Israël, Tyr seule mérita le nom de grande ville des Phéniciens. Que les récits enfin de la brillante conquête de Canaan aient été familiers aux prophètes du vin siècle et à leurs contemporains, c’est ce que suppose la simple allusion de Michée aux événements qui marquèrent la marche des Hébreux de Sétim à Galgala. Mien., vi, 5.

Sans doute l’emprunt fait au Livre du Juste, Jos-, x, 13, livre où se trouvait également l’élégie sur la mort de Saûl et de Jonathan, II Reg., i, 18, impliquerait une époque plus tardive, mais on a fait observer, non sans raison, que ce Livre du Jusle, lequel était selon toutes vraisemblances un recueil de poésies et de chants populaiivs, a fort bien pu s’enrichir, au cours des siècles, d’éléments nouveaux venant s’ajouter à d’autres plus anciens ; déplus, pour certains critiques (Steuernagel, Holzinger), la mention du Livre du Jusle n’appartien-