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JOSUÉ, LE LIVRE

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documents s’explique par le fait que le Jahviste suit une tradition de Juda, tandis que l’ÉIohiste est l’écho d’une tradition éphraïmite. Plus complète encore est l’œuvre du rédacteur deutéronomiste surtout dans le récit de la conquête ; des environs de 600, il se rattache à la tradition de l’ÉIohiste, mais non toutefois sans indépendance. Enfin le récit sacerdotal, à peu près sans lacune dans la deuxième partie du livre, est très fragmentaire pour les débuts où il lui revient quelques versets seulement. Pour lui, comme pour le Deutéronomiste et l’ÉIohiste, la conquête est l’œuvre de tout le peuple réuni sous la conduite d’un seul chef, Josué. Si dans sa rédaction actuelle il est postexilien, à cause de l’abondance de détails concernant les pays de l’Israël d’après l’exil, il semble bienpréexilien pour l’ensemble de la description des tribus.

Composé d’éléments de même provenance que ceux du Pentateuque, le livre de Josué a-t-il suivi les mêmes étapes dans sa formation ? Certains le pensent qui y voient le résultat de la fusion successive de J-EavecD, puis avec P. D’autres, au contraire, supposent que les documents sont demeurés indépendants jusqu’après l’exil, et qu’après 445 seulement ils auraient été combinés, d’abord la rédaction deutéronomiste avec l’écrit sacerdotal ; plus tard, au ive siècle, des emprunts faits au Jahviste et à l’ÉIohiste seraient venus s’y ajouter ; enfin des retouches d’un rédacteur sacerdotal, des modifications et des additions qui ne figurent pas encore dans les Septante auraient achevé de donner au livre sa physionomie actuelle. Cf. Steuernagel, Lehrbuch der Einleilung in das Aile Testament, Tubingue, 1912, p. 280-287.

Avec des dissidences partielles dans la répartition des textes entre les documents et surtout dans la détermination des étapes de la rédaction, l’hypothèse que nous venons d’exposer est adoptée par la grande majorité des critiques : J. Wellhausen, Die Composition des Hexateuchs und der hislorischen Bûcher des A. T., 2e édit., Berlin, 1889, p. 118-136 ; Cornill, Einleilung in das A. T., 4e édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1893, p. 79-83 ; Driver, Introduction lo the literalure of the O. T., 7e édit., Edimbourg, 1898, p. 104-116 ; E. Carpenter and G. Harford, The composition of the Hexaleuch, Londres, 1902, p. 347-378 ; W. H. Bennett, The Book of Joshua, Leipzig, 1895 ; Volk, art. Josua dans A. Hauck, Realencyclopadie fur protestantische Théologie und Kirche, 3e édit., 1900, t. ix, p. 390-392 ; G. A. Smith, art. Joshua dans Hastings, A Diclionary of the Bible, 1899, t. ii, p. 780-784 ; Holzinger, Das Buch Josua, Tubingue et Leipzig, 1901, dans Kurzer Tland-Commentar zum A. T. de Marti ; L. Gautier, Introduction à l’A. T., 2e édit., Lausanne, 1914, p. 218-224.

b) D’après la tradition.

Si l’on peut parler d’unanimité pour l’attribution du Pentateuque à Moïse par toute l’antiquité, il n’en est pas de même pour celle du livre de Josué à Josué lui-même. Les témoignages à son sujet, en effet, sont peu nombreux et pas toujours concordants. Sans doute le Talmud affirme bien que Josué écrivit son livre et huit versets de la Loi, Baba Balhra, 14 b, et la majorité des rabbins se range à cette opinion que semble confirmer un passage du livre de l’Ecclésiastique, xlvi, 1, qui fait de Josué le successeur de Moïse, non pas seulement dans sa mission prophétique, mais encore dans la composition de livres inspirés ; le contexte toutefois et l’hébreu retrouvé ne permettent guère cette interprétation. Quelques Pères de l’Église latine ont accepté la donnée juive de l’attribution du livre à Josué, ainsi Lactance, Divin, institut., t. IV, c. xvii, P. L., t. vi, col. 500 ; saint Isidore de Séville, Elginolog., VI, i, et De eccles. offïcis, t. I, c. xii, P. L., t. lxxxii, col. 230 ; t. lxxxiii, col. 717 ; ainsi encore Raban Maur Quant à saint Jérôme, bien au courant pourtant des traditions rabbiniques, on ne saurait invoquer son témoignage dans le même sens, sa lettre à Paulin le prouve suffisamment. Epist., lui, P. L., t. xxii, col. 546.

A ces témoignages s’opposent ceux de nombreux écrivains aussi bien dans l’antiquité que dans les temps modernes. Théodoret, s’appuyant sur une leçon particulière à son manuscrit, Jos., x, 13, ettI -b [ïioXîov tô eûpeOév au lieu de ini to fk6Xîov toù eù60ûç, attribue la composition du livre à un auteur plus récent que Josué. In Josue, q. xiv, P. G., t. lxxx, col. 473. Le pseudo-Athanase, dans la Synopsis Sacræ Scripluræ, expliquait le titre du livre dans ce sens seulement que Josué en était le héros principal. P G., t. xxviii col. 309. Rompant avec la tradition juive, le rabbin Isaac Abarbanel n’en jugeait pas autrement, voyant dans une partie au moins du livre une rédaction non contemporaine des événements. Cf. Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, t. I, c. viii, p. 53. Alphonse Tostat, après rejet de différentes opinions, attribue le livre à Samuel. In Josue, c. i, q. xiii, et c. vii, q. ix, Opéra, Cologne, 1613, t. v, p. 22, 208-209 ; André Mæs tenait pour certaine l’opinion qu’Esdras.seulou avec d’autres scribes, avait rédigé sous l’inspiration de l’Esprit Saint et d’après d’anciennes annales hébraïques ? non seulement le livre de Josué, mais encore ceux des Juges et des Rois, et il en donnait comme preuve la mention d’une de ses sources, le livre du Juste dans Josué, x, 13, Josuæ imperatoris historia illuslrala ac explicata, Anvers, 1574, prref., p. 2, dans Migne, Cursus complelus Scriplunu Sacræ, t. vii, col. 853 ; Jacques Bonfrère, tout en préférant l’opinion qui fait de. Josué l’auteur du livre qui porte son nom, rapportait celles qui l’attribuent ou au grand-prêtre Éléazar, ou au prophète Isaïe, ou à Samuel, ou à Esdras. Josue, Judices et Rulh, Paris, 1631, Prsefatio. Aussi le P. de Hummelauer peut-il conclure avec raison, dans l’introduction de son commentaire : Celerum unum luce clarius dictis manifeslatur, in quæstione, quis libri Josue auctor sit, nihil nos habere tradilum, tradilione sacra et cerla ; pruclentius nos fore inquisiluros, non in auctorem a quo, sed in tempus quo scriptus sit liber. Josue, Paris, 1903.

Le livre lui-même, malgré quelques textes invoqués en faveur de sa composition par Josué, n’est pas plus affinnatif. — Il y est dit, en effet, de ce dernier, qu’ « il écrivit (toutes) ces choses dans le volume de la loi du Seigneur. » Jos. xxiv, 26. De quoi s’agit-il ? Ou bien du discours qui précède immédiatement, Jos., xxiv, 2-24, ou bien du Deutéronome, xxvi, 16-xxvii, 27 (de Hummelauer, op. cit., p. 515-517), mais nullement de l’ensemble du livre de Josué. — A plusieurs reprises, a-t-on fait remarquer encore, le texte hébreu emploie dans la relation des événements la première personne ; n’est-ce point là le fait d’un témoin oculaire, et pourquoi pas de Josué lui-même ? Jos., iv, 23 ; v, 1, 6. A ce sujet on peut faire observer d’abord que dans un cas, Jos., v, 1, 1a leçon est douteuse (d’après une note marginale [le qeri] les Septante et la Vulgate, il faut lire, en effet, non pas nous mais eux) et ensuite qu’un auteur plus récent a bien pu insérer dans son œuvre la relation d’un contemporain. — D’autres arguments, dégagés du contenu même du livre, sont encore apportés dans le même sens. « De nombreux indices trahissent l’acteur ou le témoin oculaire. La précision des détails historiques et topographiques, la manière dont l’histoire de Josué est racontée incidemment au milieu du récit des événements auxquels il a été mêlé, le ton lui-même du récit semblent indiquer la main de Josué. Les discours de ce héros sont pénétrés du même esprit qui a animé l’écrivain et qui lui a fait disposer les matériaux de son histoire en vue du but… Enfin on ne trouve pas dans tout le livre un mot d’éloge de Josué. Tandis que le