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JOSUÉ, LE LIVRE

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effet laissé à son successeur une double mission : prendre possession de la Terre promise et en répartir le territoire entre les tribus qui ne s’étaient pas établies à l’est du Jourdain. Comment cette double mission fut remplie, c’est ce que veut nous apprendre l’auteur du livre de Josué.

L’ouvrage se divise naturellement en deux grandes parties à peu près égales : la conquête, c. i-xii ; le partage du pays et l’établissement d’Israël dans son nouveau territoire, c. xm-xxiv.

1. Le récit de la conquête se subdivise lui-même en deux sections, une première qui, après le préambule du c. i : rappel par Jahvé à Josué et par celui-ci aux différentes tribus de la mission à remplir, décrit les préparatifs de l’invasion : envoi de deux espions à Jéricho et passage du Jourdain, suivi de l’érection d’un monument pour "en commémorer le souvenir, de la circoncision des Israélites et de la célébration de la première Pâque eu Terre promise, i, 1-v, 12 ; une deuxième, marquant les étapes principales, glorieuses et rapides, de la conquête du pays : au Sud d’abord par la prise de Jéricho et celle d’Hay et par la victoire de Gabaon sur les rois coalisés du MiJ^i, dont les villes furent successivement frappées du tranchant de l’épée et les habitants massacrés ; au Nord ensuite par la victoire, près des eaux de Mérom, sur les rois coalisés de cette région de la Terre promise, et l’occupation du pays des rois vaincus dont suit la longue liste, v, 13xii, 24.

2. Le récit du partage du territoire conquis ou à conquérir se subdivise lui aussi en deux sections : une première qui, après mention de la tâche restant à accomplir, rappelle comment Moïse avait réparti les régions situées à l’est du Jourdain entre la demi-tribu de Manassé et les tribus de Ruben et de Gad, xiii, 1-33 ; une deuxième qui relate d’abord l’attribution d’Hébron à Caleb, puis la répartition par le sort du pays à l’ouest du Jourdain, et indique finalement quelles sont les villes de refuge et les villes lévitiques. xiv, 1-xxi, 45. Un appendice, comprenant les trois derniers chapitres du livre, xxii-xxrv, raconte le retour des tribus transjordanes dans leur héritage et l’érection d’un autel, puis les dernières exhortations de Josué à Israël et enfin sa mort et sa sépulture, xxm-xxiv.

De cette rapide analyse on peut conclure :
a) à l’unité de rédaction du livre dont les deux parties, l’une complètement historique, l’autre surtout géographique et partiellement législative, constituent un récit de l’occupation ;
b) à l’étroite connexion du livre de Josué avec le Pentateuque ;
c) au caractère religieux de cette histoire de la conquête dont les principales étapes sont marquées par des interventions . divines ;
d) au caractère schématique de cette histoire, réduite à quelques traits essentiels, dont l’interprétation en vue de reconstituer la suite des événements ne va pas sans difficulté ni obscurité et exige le recours à d’autres sources d’information.

Histoire du livre.

Il y a lieu d’étudier sous cette rubrique d’abord la manière dont le livre a été composé, puis la date à laquelle il a pris sa forme actuelle. On terminera par quelques remarques sur le texte.

1. Formation du livre.

a) D’après les critiques.

De ces différents caractères du livre de Josué et particulièrement de son unité de plan, peut-on conclure à sa composition par un seul auteur ? La plupart des critiques modernes ne le pensent pas, mais voient dans ce livre le résultat d’un travail analogue à celui qui aboutit au Pentateuque ; avec lui d’ailleurs, il ne constituerait qu’un seul ouvrage : l’Hexateuque.

Si 4e livre de Josué, en effet, ne fut pas tout d’abord soumis à l’analyse critique comme le Pentateuque dès la fin du xviiie siècle et le commencement du xixe, la théorie documentaire ne tarda cependant pas à lui

être appliquée par de Wette, Bieek et Evvald et, à travers la variété des détails des différents systèmes, l’accord s’est établi parmi les modernes pour reconnaître dans le livre de Josué la présence des mêmes documents que dans le Pentateuque et leur attribuer à peu près les mêmes éléments.

Que ce livre ne soit que la mise en œuvre par un dernier rédacteur de documents de provenance diverse, c’est ce que révèlent d’abord les doubles récits des mêmes événements. Ainsi Jos., xiii, 8-12 et 15-32, déterminant les limites des territoires assignés aux tribus de Ruben et de Gad et à la demi-tribu de Manassé ; ainsi les chapitres xxiii et xxiv contenant tous deux un discours d’adieu de Josué, adressé aux mêmes auditeurs avec des exhortations analogues ; ainsi encore le double récit de la prise d’Hébron et des villes environnantes. Jos., x, 36-39, et xv, 13-19.

C’est ce que révèlent encore les nombreux points de contact entre le livre de Josué et celui des Juges : Jos., xv, 13-19, et Jud., i, 10-15, 20 ; Jos., xv, 63, et Jud., i, 21 ; Jos., xvii, 11-13, et Jud., i, 27-28 ; Jos., xvi 10, et Jud., i, 28 ; Jos., xix, 48(Lxx), et Jud., i, 34 ; campagne de Caleb contre Hébron, maintien de Jérusalem aux mains des Jébuséens, et de plusieurs autres villes, entre autres Gézer, aux mains des Cananéens, situation particulière de la tribu de Dan, se retrouvent dans l’un et l’autre livre en des textes parallèles non seulement par l’identité du sujet, mais souvent par celle des mots eux-mêmes. De ce fait l’explication la plus satisfaisante est donnée par l’hypothèse de l’emprunt que firent à une même source les deux livres canoniques ; on ne saurait dire, en effet, que c’est le livre de Josué qui a emprunté à celui des Juges, parce que son texte dans certains cas apparaît comme le plus ancien ; on ne saurait davantage attribuer tous les passages en question du livre des Juges à un emprunt au livre de Josué, leur aspect étant parfois, lui aussi, plus ancien. Cf. Lagrange, Le livre des Juges, introduction, p. xxxii, et commentaire, p. 28. La difficulté de concilier entre eux certains détails de la narration de tel événement, du passage du Jourdain, par exemple, Jos., in-iv, les différences de style et de vocabulaire enfin, rappelant de tous points les conclusions de l’analyse littéraire du Pentateuque, achèvent d’établir le caractère de compilation. Cf. Carpenter and Harford, The composition of the Hexateuch, Londres, 1902, p. 348-351 ; Driver, An introduction to the literature of the Old Testament, Edimbourg, 1898, p. 105-114.

Les divers éléments du livre de Josué, ainsi retrouvés, remontent, comme ceux du Pentateuque, à quatre documents principaux que le rédacteur aurait utilisés de la manière suivante. Dans la première partie du livre c. i-xii, dominent le Jahviste et l’Élohiste, provenant selon les uns de l’écrit prophétique JE, ou selon d’autres ne révélant aucune trace d’une combinaison antérieure quelconque ; à un rédacteur deutéronomiste Rd ou D 2 reviennent aussi de larges extraits de ces premiers chapitres. La seconde partie du livre, c. xm-xxiv, relève pour l’ensemble surtout de l’écrit sacerdotal P.

Ces différents documents sont très inégalement représentés dans le livre de Josué. Le Jahviste, pour ceux qui n’admettent point l’utilisation de l’écrit composite J-E (Steuernagel, Holzinger), y est à l’état très fragmentaire et ne saurait à lui seul nous donner quelque idée de la conquête de Canaan : le nom de Josué n’y est même point mentionné ; le ixe siècle serait l’époque de sa composition. L’Élohiste, bien que lui aussi très fragmentaire, est cependant plus complet, surtout en ce qui concerne la mission de Josué dont le rôle important est bien mis en relief ; digne continuateur de l’œuvre de Moïse, il est comme lui favorisé de l’assistance divine. Cette différence entre les deux