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JOSEPHISME


religieux, les empêchements participent du môme caractère. C’est donc avant tout aux tribunaux séculiers à juger de la nécessité ou de l’utilité d’une dispense ; celle-ci étant reconnue, Votre Majesté a pensé que l’évêque diocésain et son consistoire sont à présent, comme ils l’étaient autrefois, plus que suffisants pour juger sur les lieux d’après les sacrés canons de Rome. » Ibid., p. 488. Ainsi, l’empereur ne faisait que revenir, disait-il, à la discipline de la primitive Église, en rendant aux ordinaires l’exercice d’un droit que Rome avait abusivement confisqué. On voit par l’exposé de telles doctrines quelles attaches relient le joséphisme au fébronianismeet aussi au jansénisme. Les évêques, sachant que l’empereur avait tous les les moyens de se faire obéir, sollicitèrent de Pie VI des induits qui leur donneraient pleins pouvoirs. Mais Rome les leur refusa. Un certain nombre d’entre eux se décidèrent à passer outre. Suivant l’exemple de Clément Venceslas de Saxe, prince-électeur et archevêque de Trêves, ils justifièrent leur conduite à l’aide de principes théologiques sur la rectitude desquels il est permis d’exprimer un doute. Ils se prétendirent dans l’impossibilité morale de recourir au Saint-Siège et autorisés, sans induits préalables, à accorder des dispenses matrimoniales, mais seulement dans les cas d’empêchements purement canoniques, c’est-à-dire qui ne fussent ni de droit divin ni de droit naturel. Cf. les lettres de l’archevêque de Trêves adressées au nonce Garampi.dans Revue des questions historiques, 1894, t. lv, p. 464-467.

Autres réformes.

En 1781, Joseph II prit une

série de décisions contraires à la liberté de l’Église : le 26 mars, il soumit à son placet tous les documents pontificaux de quelque nature qu’ils fussent ; le 2 avril, il supprima l’exemption dont jouissaient les ordres religieux et ne les fit plus dépendre que des ordinaires ; le 27 juin, il publia un barème des taxes à payer pour la réception des sacrements de baptême et de mariage et pour les enterrements. Aux évêques le prince voulut imposer un serment de fidélité qui lésait les droits du Saint-Siège. Une loi supprima brutalement les couvents d’ordres contemplatifs, sous prétexte qu’ils étaient inutiles au bien public et qu’on ne s’y livrait qu’à des « réflexions oisives. » Elle visait aussi certains ordres mendiants. De ce chef, six cents monastères environ fermèrent leurs portes. Les confréries furent abolies ; les circonscriptions des diocèses remaniées ; des paroisses créées avec le produit des biens des couvents fermés. Enfin la liberté du culte fut accordée aux protestants et aux schismatiques.

La collation des bénéfices en Lombardie.

En

Lombardie, le droit de collation aux bénéfices tant majeurs que mineurs appartenait exclusivement au Saint-Siège, sauf exceptions en faveur de certains patrons et de certains évêques. Par une lettre du 27 juin 1781, Joseph II demanda à Pie VI de se dessaisir de ses droits immémoriaux et de partager avec lui la collation des bénéfices. Le pape lui opposa un refus formel.

IV. Le conflit avec Rome.

Les innovations

de l’empereur inquiétèrent gravement Pie VI. Elles faisaient présager un schisme. Le pape désira empêcher une telle catastrophe. Malgré les instances contraires de ses cardinaux et des cours européennes, il se décida à se rendre à Vienne et à discuter avec Joseph IL Le 27 février 1782, il quitta Rome ; le 22 mars, il entrait à Vienne. Là eurent lieu des négociations laborieuses. Finalement des concessions mutuelles s’échangèrent. Le formulaire du serment imposé par l’empereur aux nouveaux évêques fut désormais conforme à l’usage français. En Lombardie, sauf à Milan, le pape nommerait évêque l’un des quatre candidats qui lui seraient présentés. Joseph II

s’engageait à donner la préférence aux clercs que le Saint-Siège présenterait aux abbayes à la disposition du roi et aux autres bénéfices n’ayant pas charge d’âmes. Le choix impérial porterait, dans les autres cas, sur des ecclésiastiques idoines. Quant aux dispenses matrimoniales, Pie VI consentit à ce que les intéressés ne présentassent pas nominalement leurs instances aux congrégations romaines ; des induits fort étendus seraient accordés aux évêques « qui ne croiraient pas avoir originairement cette faculté. » Le 22 avril 1782, le pape quitta Vienne. Sans doute, il avait essuyé des échecs sur certains points, mais sur d’autres, en particulier sur la nomination des évêques en Lombardie, il avait gagné la partie. Mais Joseph II trahit ses promesses. Il poursuivit ses réformes ecclésiastiques sans plus se soucier du Saint-Siège. Bien plus, en 1784, Pie VI capitula sur un point important. A la suite d’une visite faite à Rome par Joseph II à Noël 1783, il concéda à l’empereur, par crainte d’un schisme, un induit général l’autorisant à nommer les évêques de Lombardie.

L’épiscopat, soumis à l’empereur, s’inclina en majorité devant sa volonté souveraine. Migazzi, archevêque de Vienne, et Bathyani, archevêque de Gran, prirent courageusement le parti de la résistance En Belgique, les évêques, groupés sous la conduite du métropolitain, le cardinal Frankenberg, archevêque de Malines, protestèrent si efficacement que tout le pays se révolta et que Léopold II fut obligé de renoncer à l’exécution des décrets de son frère. Dans le reste de l’empire, le joséphisme survécut à son fondateur. A part quelques exceptions, la plupart des réformes attentatoires à la liberté de l’Église restèrent en vigueur. L’esprit joséphiste a infecté pendant plus d’un siècle l’administration autrichienne. La guerre de 1914-1918 a occasionné son abolition au moins officielle.

Sources.

 A. von Arneth, Joseph II uni Léopold

von Toscana, ihr Briefwechsel von 1781 bis 1790, Vienne, 1872, 2 vol. ; Joseph II und Kalharina von Russland, 1869 ; Maria Theresia und Joseph II. Ihre Korrcspondenz sanit Brie/en Josephs an seinen Brader Leopold, 1867-1868, 3 vol. ; A. Béer, Joseph II, Leopold II und Kaunilz. Ihr Briefwzchscl, Vienne, 1873 ; Joseph II uni Graf Ludtvig Cobenzl. Ihr Briefwechsel, ibid., 1901, 2 vol. ; S. Brunner, Correspondances intimes de l’empereur Joseph II avec son ami le comte de Cobenzl et son premier ministre le prince de Kaunitz, Mayence, 1871 ; H. Schlitter, Kaunitz, Phiiipp Cobenzl und Spielmann. Ihr Brie/uizchsel, 1779-1792, Vienne, 1899 ; P. Wehofer, Dos Lehrbuch der Metaplujsik fiir Kaiser Joseph II, Paderborn, 1895.

Travaux.

 Rôsch, Das Kirchenrechl im Zeitalter der

Aufklàrung (Febronianismus und Josephismus), dans Archiv fur katholisches Kirchenrechl, t. lxxxiv, 1904, p. 46-82, 244-262, 495-526 ; t. lxxxv, 1905, p. 29-63 (capital sur le joséphisme) ; S. Brunner, Die theologische Dienerschaft am Hofe Joseph II, Vienne, 1868 ; C. Wolfsgruber, Christoph Anton Kardinal Migazzi, Fùrsterzbischo/ von Wien, Ravensbourg, 1897 ; E. Hubert, Voyage de l’empereur Joseph 11 dans les Pags-Pas (13 mai 1781-27 juillet 1781) dans Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers, publiés par l’Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1900, t. Lvm ; A. Theiner, Jean-Henri, comte de Frankenberg, cardinalarchevêqae de Matines, primat de Belgique, et sa lutte pour la liberté de l’Église et pour les séminaires épiscopaux sous l’empereur Joseph II, Paris, 1852 ; Histoire des institutions d’éducation ecclésiastique, Paris, 1841, t. n ; Hanns Schlitter, Die Reise des Papstes Pius VI nach Wien und sein Aujenthalt daselbst, Vienne, 1892 ; Pie VI und Joseph II, von der Riïckkehr des Papstes nach Rom bis zum Abschlusse des Konkordats 1782-1784, Vienne, 1894 (Fontes rerum Aus, triacarum, t. xlvii, fasc. 1 et 2) ; S. Brunner, Joseph II, Charakteristik seines Lebens undseiner Kirchenreform, Fribourg2e éd., 1885 ; G. Goyau, L’Allemagne religieuse. Le catholicisme (1800-1848), Paris, 1910, t. i, p. 1-56 ; J. Gendry, Les débuts du Joséphisme. Démêlés entre Pie VI et Joseph II, dans Revue des questions historiques, 1894, t. lv, p. 454-509 ;