Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/640

Cette page n’a pas encore été corrigée

2681

LATRAN (Ve CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU)

2682

Actes ne nous renseignent sur les tentatives de rapprochement avec l’Abyssinie, faites pendant le concile. Ibid., n. 102. Avec les maronites les rapports furent plus sérieux, et l’union se réalisa. Nous avons tout un dossier extrêmement intéressant, au point de vue de l’histoire, de la liturgie et du dogme, sur cette affaire. Un seul de ces documents figure dans les Actes du concile. C’est une lettre de Simon Pierre, patriarche des maronites, datée du 14 février 1515, que ses envoyés présentèrent à la xie session. Elle fut lue tout de suite, d’abord in lingua chaldœa seu arabica, puis dans une traduction latine. Le patriarche déclarait accepter toutes les saintes instructions du nonce pontifical, notamment les suivantes qui redressaient la croyance ou la pratique des maronites : faire le saint chrême avec de l’huile et du baume, sans mélange d’autres substances ; ne pas attendre quarante jours pour le baptême des enfants, mais les baptiser le huitième jour ou même avant en cas de nécessité ; se conformer aux Pères et à l’Église romaine relativement à la manière de contracter mariage, aux empêchements de mariage, à la collation des saints ordres, aux paroles de la consécration du corps et du sang du Seigneur ; le Saint-Esprit procède du Père et du Fils comme d’un principe uniquejjet par une unique spiration ; il y a un purgatoire ; chacun doit confesser ses péchés au moins une fois l’an proprio sacerdoti, et communier à Pâques, ce que les maronites faisaient en la fête des saints Pierre et Paul ; enfin il faut toujours et en toutes choses obéir au Siège apostolique et au pape. Labbe, col. 286-287.

2. L’hérésie.

Dans la bulle d’indiction, Jules II avait assigné l’extinction des antiques hérésies, « non encore entièrement détruites dans diverses parties du monde chrétien », comme une partie de la tâche du concile. Labbe, col. 3(5. L’orateur de la i re session, l’archevêque Bernard Zane, lui faisant écho, signala l’hérésie « très pernicieuse » et conjura le pape et le concile de la faire disparaître. Labbe, col. 52-54. Simon Begni, évêque de Modruscha, l’orateur de la vi° session, montra, lui, l’Église de Dieu ab hæreticorum persecutionibus vacua et en possession d’une souveraine paix et liberté. Labbe, col. 150. C’était trop d’optimisme ; on n’en avait pas fini avec l’hérésie. Les hussites ne désarmaient pas et Luther était proche. Dès le 15 juillet 1513, Léon X avait nommé légat le cardinal Thomas, archevêque de Gran, avec d’amples pouvoirs en vue de la réconciliation des hérétiques. Dans une lettre du 20 septembre, il avait rappelé les négociations entamées avec les hussites, à Constance et à Bâle, et indiqué les concessions que le concile pouvait et celles qu’il ne pouvait leur faire. Raynaldi, an. 1513, n. 70-75. Le 19 décembre, à la viiie session du concile, il fit lire une constitution où il exposait ses efforts pour le retour des tchèques séparés à l’unité de l’Église ; il les invitait à envoyer des orateurs au cardinal-légat ou au concile. Labbe, col. 190.

3. Le mouvement de la Renaissance et sa fausse philosophie. — Le nom de Léon X est inséparable de celui de la Renaissance. Chez lui, à prendre l’ensemble de son pontificat, l’humaniste fit du tort au pape. Durant la période du concile, il évita les deux excès consistant l’un à méconnaître la grandeur de ce mouvement, l’autre à fermer les yeux sur les périls qu’il présentait.

La condamnation qu’il porta, à la viii< session, par la bulle Apostolici regiminis, est célèbre.

Cum itaque, diebus nos tris, quod dolenter referimus,

zizaniae seminator, an tiquas

humani generis hostis, non nullos perniciosissimos erro res, a fidelibus seniper explo sos, in agro Domini superse De nos jours — ce que

nous rapportons avec peine,

— le semeur de zizanie,

l’antique ennemi du genre

humain, a osé semer et

ajouter au blé, dans le champ

du Seigneur, certaines erreurs

minare et augere sit ausus.de très pernicieuses, toujours natura præsertim animas ra-rejetées par les fidèles, surtionalis, quod videlicet mor-tout sur la nature de l’âme talis sit aut unica in cunctis raisonnable, à savoir qu’elle hominibus, et nonnulli, te-serait mortelle ou unique mère philosophantes, secun-dans tous les hommes, et dum saltem philosophiam certains, philosophant avec verum id esse asseverent ; témérité, affirment que cela contra hujusmodi pestem est vrai, au moins selon la opportuna remédia adhibere philosophie. Désirant emcupientes, hoc sacro appro-ployer des remèdes opporbante concilio, damnamus tuns contre une pareille et reprobamus omnes asse-peste, avec l’approbation de rentes animam intellectivam ce saint concile, nous conmortalem esse, aut unicam damnons et réprouvons tous in cunctis hominibus, et hæc ceux qui affirment que l’âme in dubium vertentes, cum intellective est mortelle ou illa, non solum vere, per se unique dans tous les hommes, et essentialiter, humani cor-et ceux qui tournent cela en poris forma existât, sicut in doute. Car non seulement canone felicis recordationis l’âme est vraiment, par elle-Clementis papas V, prædeces-même et essentiellement, la soris nostri, in generali Vien-forme du corps humain, nensi concilio edito, confine-ainsi qu’il est contenu dans tur, verum et immortalis et, le canon du pape Clément V, pro corporum quibus infun-d’heureuse mémoire, notre ditur multitudine, singulari-prédécesseur, promulgué au ter multiplicabilis et multi-concile général de Vienne ; plicata et multiplicanda sit.. ; elle est encore immortelle et, cumque verum vero minime selon la multitude des corps contradicat, omnem asser-dans lesquels elle est intro tionem veritati illuminatae duite, multipliable, multifidei contrariam omnino fal-pliée et devant être multisam esse definimus, et ut pliée en chacun d’eux. Et, aliter dogmatizari non liceat parce que le vrai ne contredit distric.tius inhibemus, omnes-pas du tout le vrai, nous que hujusmodi erroris asser-définissons que toute assertionibus inhærentes, veluti tion contraire à la vérité due damnatissimas hæreses semi-aux lumières de la foi est nantes, per omnia, ut detes-tout à fait fausse et nous tabiles et abominabiles hære-enjoignons avec rigueur qu’il ticos et infidèles, catholicam ne soit pas permis de dogmafidem labefactantes, vitan-tiser autrement. Ceux qui dos et puniendos fore decer-adhèrent aux assertions d’une nimus. Labbe, col. 187-188. pareille erreur, nous décré-Denzinger-Bannwart, n. 738 ; tons qu’ils seront évités et punis comme semant des

hérésies très condamnées de

toutes façons, comme de

détestables et abominables

hérétiques et infidèles, ébran lant la foi catholique.

Ces erreurs ressuscitaient l’averrhoïsme. Elle ? avaient été reprises par l’école de Padoue et avaient trouvé leur expression la plus hardie d’abord dans la parole, puis dans les écrits du maître le plus illustre de cette école, Pierre Pomponazzi. Son Tractatus de immortalitate animée devait paraître en 1516 ; le De jato, libero arbitrio et de prædestinatione et le De naturalium efjectuum admirandorum causis seu de incantationibus, moins connus mais non moins osés, ne virent le jour que plus tard, après la mort de l’auteur, en 1556. A soutenir que l’âme individuelle est mortelle, que l’intellect est immortel mais séparé de l’âme sensitive et unique pour tous les hommes, que ces deux affirmations, fausses selon la foi, sont vraies philosophiquement, à proclamer la théorie de la double vérité qui permettait d’avoir toutes les hardiesses comme philosophe et de donner toujours — avec une sincérité suspecte — son assentiment à l’Église quand même, on professait une sorte de rationalisme théologicophilosophique, d’où le rationalisme tout court allait sortir. L’antinomie de la raison et de la foi est le fondement même de la doctrine padouane. Par là, dit H. Busson, Les sources et le développement du rationalisme dans la littérature française de la Renaissance, Paris, 1922, p. 56, « l’accord que le Moyen Age croyait avoir établi entre la philosophie et la théologie est rompu, la raison, jusque-là « servante, » est libre et